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02/07/2020 | FRANCE | N°19VE00616

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 02 juillet 2020, 19VE00616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Saulx-les-Chartreux du 26 janvier 2016 rejetant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'état anxio-dépressif dont elle est atteinte, d'enjoindre à la commune de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1602401 du 21 décembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l

'arrêté du 26 janvier 2016 et a enjoint à la commune de reconnaître dans un délai ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Saulx-les-Chartreux du 26 janvier 2016 rejetant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'état anxio-dépressif dont elle est atteinte, d'enjoindre à la commune de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1602401 du 21 décembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 26 janvier 2016 et a enjoint à la commune de reconnaître dans un délai d'un mois l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 février, 19 août et 3 décembre 2019, la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX, représentée par Me C..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de première instance de Mme D... ;

3° de mettre à la charge de Mme D... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation pour n'avoir pas répondu au moyen en défense tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 17 juillet 2015 du même tribunal ;

- le jugement n'a pas analysé même sommairement les mémoires en défense qu'elle avait produits ;

Sur la demande de Mme D... :

- l'autorité de la chose jugée attachée au jugement n° 1107337, 1200751, 1202982 du 17 juillet 2015 du Tribunal administratif de Versailles s'opposait à ce que l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée soit reconnue, dès lors que celle-ci avait été écartée par ce jugement ;

- la requérante n'apporte aucun élément probant de nature à établir l'existence d'un lien entre sa pathologie et le service, et n'établit pas qu'elle aurait été exposée à des risques particuliers.

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX et celles de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D... a été recrutée le 5 octobre 1990 par la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX en qualité de professeur de musique contractuel, puis a été titularisée le 10 mai 2004 dans le cadre d'emploi d'assistant territorial d'enseignement artistique. Après avoir été placée à plusieurs reprises au cours des années 2008 à 2010 en congé de maladie ordinaire en raison de troubles anxieux occasionnés selon elle par une absence d'évolution de sa situation professionnelle et un manque de considération de sa hiérarchie, Mme D... a, à compter du 16 septembre 2010, été placée en congé de longue maladie en raison d'un syndrome anxio-dépressif déclenché selon elle par son changement de service à compter de la rentrée de septembre 2010. L'intéressée a alors demandé au maire de la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement n° 1107337, 1200751, 1202982 du 17 juillet 2015, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite de rejet opposée à cette demande, pour un vice de procédure. Mme D... ayant réitéré sa demande, le maire de la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie par un arrêté du 26 janvier 2016. Saisi par Mme D..., le Tribunal administratif de Versailles a, par un jugement du 21 décembre 2018 dont la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX relève appel, annulé cet arrêté du 26 janvier 2016 et enjoint à la commune de reconnaître dans un délai d'un mois l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme D....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort du point 3 du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment répondu au moyen en défense tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, en relevant que la mention dans son précédent jugement du 17 juillet 2015 de ce que le changement d'affectation de Mme D... avait été pris dans l'intérêt du service, était sans incidence sur la question de l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

4. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal a procédé à l'analyse des éléments avancés en défense par la commune à l'encontre du moyen retenu pour annuler la décision litigieuse. Ce jugement n'est dès lors pas entaché d'irrégularité pour avoir omis d'analyser ce moyen dans ses visas.

5. Il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique alors en vigueur : " (...) Les assistants spécialisés d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : 1° Musique ; (...) / Les fonctionnaires du cadre d'emplois sont chargés, selon leur spécialité, de tâches d'enseignement dans les conservatoires à rayonnement régional, départemental, communal ou intercommunal classés et les établissements d'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique non classés et dans les écoles d'arts plastiques qui ne sont pas habilitées à dispenser un enseignement sanctionné par un diplôme national ou par un diplôme agréé par l'Etat. / Ils sont également chargés d'apporter une assistance technique ou pédagogique aux professeurs de musique, de danse et d'arts plastiques. (...) ".

7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec les conditions de travail, de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

8. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que si la commission de réforme a lors de sa séance du 17 février 2015 reconnu l'imputabilité au service du syndrome dépressif affectant Mme D... " au vu du dossier médico-administratif et de conditions de travail difficiles (...) ", reprenant ainsi les mentions du médecin généraliste de l'intéressée portées dans les certificats médicaux produits par l'agent devant les premiers juges, le médecin psychiatre agréé n'avait, à l'issue de son examen de Mme D... le 2 décembre 2010, soit quelques semaines après le développement de sa pathologie, pas retenu de lien direct entre cette maladie et le service. D'autre part, si l'intéressée fait valoir qu'elle n'a pas été inscrite sur la liste d'aptitude au titre de la promotion interne, alors que cette inscription ne constitue pas un droit, et n'a pas bénéficié de chèques cadeaux, ni de bons d'habillement et du versement de l'allocation de formation, ces éléments ne suffisent pas à établir l'existence d'un lien direct entre sa pathologie et l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail. Enfin, si l'agent fait état que son affectation auprès des centres de loisirs à compter du mois de septembre 2010 sur un poste d'intervenante musicale est intervenue en méconnaissance de son statut d'assistant territorial spécialisé d'enseignement artistique dont les dispositions rappelées au point 6 prévoient que ces agents exercent leurs fonctions auprès d'un conservatoire ou d'un établissement d'enseignement artistique, cette affectation, sur des fonctions correspondant aux missions de son cadre d'emploi et décidée dans l'intérêt du service, n'était pas davantage de nature à susciter le développement de sa maladie.

9. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen soulevé en appel, la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler l'arrêté en litige. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le Tribunal administratif de Versailles.

10. La décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'une pathologie déclarée par un agent doit être regardée comme " refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ", au sens du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et est ainsi au nombre de celles qui, en application de cet article, doivent être motivées.

11. L'arrêté du maire de la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX du 26 janvier 2016 vise les textes applicables, précise le sens des deux avis de la commission de réforme ainsi que celui émis par l'expert médical, et indique que le Tribunal administratif de Versailles dans sa décision du 17 juillet 2015 n'a annulé le refus d'imputabilité que pour un vice de procédure. Par conséquent, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté aurait été insuffisamment motivé. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que l'arrêté litigieux, qui indique explicitement se fonder sur l'ensemble des éléments exposés, serait entaché d'une erreur de droit pour se borner à faire référence aux conclusions prononcées par le rapporteur public dans les précédentes instances dont le Tribunal administratif de Versailles avait été saisi.

12. Il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de son maire en date du 26 janvier 2016, refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par Mme D... à compter du 26 septembre 2010.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. La COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme D... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme à verser à la COMMUNE DE SAULX-LES-SARTREUX en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602401 du 21 décembre 2018 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 19VE00616 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00616
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : ATYS SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-02;19ve00616 ?
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