Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :
1° d'annuler la décision du 4 août 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours gracieux contre la décision du 21 juin 2017 mettant à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 15 000 euros, ainsi que cette dernière décision ;
2° d'annuler les titres de perception émis les 2 et 29 novembre 2017 pour les montants de 12 691 euros et 2 309 euros et le décharger de ces contributions ;
3° de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n°1708159 du 18 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 janvier 2019, M. E..., représenté par Me Mekarbech, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler les décisions des 21 juin et 4 août 2017 ;
3° de le décharger des sommes mises à sa charge par la décision du 21 juin 2017 ;
4° de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. E... soutient que :
- le jugement attaqué serait irrégulier s'il s'avérait que la minute n'est pas revêtue des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est irrégulier faute d'être suffisamment motivé ;
- les décisions attaquées ont été prises par une autorité incompétente ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées dès lors notamment qu'elles se réfèrent à un procès-verbal du 7 mars 2017 non joint ;
- faute de communication du procès-verbal, il n'a pas pu présenter utilement ses observations préalablement à sa sanction, en méconnaissance des droits de la défense ;
- la matérialité des faits en raison desquels il a été sanctionné n'est pas établie.
...............................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 7 mars 2017 sur un marché à Argenteuil (Val-d'Oise), les services de police ont constaté qu'un étranger non autorisé à séjourner sur le territoire français était en action de travail sur le stand de M. E.... Par décision du 21 juin 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de ce dernier, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 15 000 euros. M. E... relève appel du jugement du 18 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2017, ensemble la décision du 4 août 2017 rejetant son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. La minute du jugement attaqué est absente du dossier de première instance et le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas été en mesure de la transmettre à la cour. Dans ces conditions, faute pour la cour de pouvoir vérifier que cette minute comporte les signatures requises par les dispositions précitées du code de justice administrative, M. E... est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et qu'il doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'OFII aux conclusions tendant à l'annulation des titres de perception émis les 2 et 29 novembre 2017 et à la décharge des contributions en litige :
5. Il résulte des dispositions des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine et qu'à ce titre il liquide et émet le titre de perception. Conformément aux articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, une opposition à exécution à l'encontre d'un titre de perception émis par l'Etat doit être précédée d'une réclamation préalable avant la saisine du juge. En l'absence de réclamation préalable par M. E..., l'OFII est fondé à soutenir que les conclusions aux fins de contestation des titres de perception émis en cours d'instance devant le Tribunal administratif de Montreuil ne sont pas recevables.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions des 21 juin et 4 août 2017 :
En ce qui concerne la légalité externe des décisions attaquées :
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 5223-21 du code du travail : " Le directeur général peut déléguer sa signature à tout agent de l'établissement exerçant des fonctions d'encadrement (...) ". Il résulte de l'instruction que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, par une décision du 2 novembre 2016 régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur du 15 décembre 2016, donné délégation de signature à Mme A... B..., chef du pôle de veille juridique et du suivi du contentieux, à l'effet de signer en son nom, tous les actes ou décisions dans le cadre des textes en vigueur, et donc, notamment, les décisions de mise en oeuvre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les décisions du 21 juin 2017 et du 4 août 2017, toutes deux signées par Mme B..., auraient été signées par une personne qui n'avait pas compétence pour ce faire. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, qui manque en fait, doit, par suite, être écarté.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les décisions attaquées comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont ainsi, en elles-mêmes, suffisamment motivées. La circonstance que le procès-verbal établi le 7 mars 2017 auquel elles se réfèrent n'ait pas été joint est sans incidence sur cette appréciation. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions des 21 juin et 4 août 2017 ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions, qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Le refus de communication du procès-verbal ne saurait toutefois entacher les sanctions d'irrégularité que dans le cas où la demande de communication a été faite avant l'intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale et la contribution forfaitaire à la charge de l'intéressé, prononce la sanction.
9. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est du reste pas allégué par M. E... que ce dernier aurait demandé, avant l'intervention de la décision du 21 juin 2017 mettant à sa charge les contributions litigieuses, communication du procès-verbal établi à son encontre à la suite du contrôle du 7 mars 2017, mentionné dans le courrier du 27 mars 2017 du directeur général de l'OFII qui l'informait qu'il envisageait de mettre à sa charge les contributions litigieuses et l'invitait à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Dès lors, la circonstance que M. E... n'ait pas eu communication de ce procès-verbal est sans incidence sur la régularité de la sanction prononcée à son encontre par l'OFII.
En ce qui concerne la légalité interne des décisions attaquées :
10. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".
11. Si M. E... conteste avoir employé l'étranger en situation irrégulière en cause, il résulte de l'instruction, plus précisément du procès-verbal en date du 7 mars 2017 dressé par les services de police ayant effectué le contrôle, dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire en vertu de l'article L. 8113-7 du code du travail, que ces derniers ont observé M. F... en train de conseiller la clientèle et de ranger des coques de téléphones portables sur le stand du requérant pendant au moins cinq minutes. Si, lors de leurs auditions respectives, les intéressés ont nié les faits, il résulte de l'instruction que M. F... se trouvait, selon ses propres déclarations, aux abords du marché dès 6 heures du matin, l'heure d'ouverture habituelle de ce marché ayant dû être repoussée du fait de son déménagement, et que les policiers l'ont vu s'activer à l'intérieur du stand de M. E..., pourtant fermé et non accessible aux clients. Aucun élément du dossier ne permet de mettre en cause le constat opéré par la police à la suite de la surveillance menée par ses soins. M. F... ne disposant ni d'un titre de séjour ni d'une autorisation de travail, M. E..., à qui il appartenait, conformément aux dispositions de l'article L. 5221-8 du code du travail, d'entreprendre préalablement toutes les démarches utiles afin de pouvoir embaucher un salarié, doit être regardé comme n'ayant pas respecté les obligations mises à sa charge, nonobstant la circonstance qu'il n'ait pas fait l'objet de poursuites pénales, mais d'un simple rappel à la loi. Ainsi, le moyen tiré de ce que les faits ne seraient pas matériellement établis doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation des décisions des 21 juin et 4 août 2017 doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. L'OFII n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1708159 du 18 avril 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : M. E... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
N° 19VE00295 2