Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Transport du Val d'Oise (TVO) a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 30 avril 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté sa demande d'autorisation de licencier M. I... F....
Par un jugement n° 1505544 du 19 décembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société TVO.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 10 juillet 2018, la société TVO, représentée par Me C... de la Naulte, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de débouter M. F... de l'ensemble de ses demandes ;
3° d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 30 avril 2015 ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 30 avril 2015 est entachée d'incompétence ;
- M. F... a eu une attitude déloyale, au mépris des stipulations de son contrat de travail ; elle a justifié le préjudice qu'elle a subi de ce fait, en détaillant le préjudice financier causé par cette situation ; ainsi la décision est entachée d'une erreur d'appréciation juridique des faits ; en tout état de cause, en application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation, aucun préjudice n'est à établir par l'employeur en l'espèce ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit en ce que les faits reprochés sont constitutifs d'un manquement à l'obligation de loyauté, qui justifie un licenciement pour faute ;
- la décision est viciée en ce que le ministre a méconnu l'étendue de sa compétence en n'annulant pas la décision de l'inspecteur du travail qui a négligé de mentionner l'absence de lien avec le mandat du salarié.
.......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour la société Transport du Val d'Oise.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... est salarié de la société Transport du Val d'Oise (TVO) depuis le 5 juin 1989 en qualité de conducteur receveur. Il a été élu membre suppléant du comité d'établissement, membre suppléant du comité central d'entreprise, et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Arrêté après un accident du travail survenu le 6 février 2014, M. F... est resté en arrêt maladie jusqu'au 5 juillet 2014. A la suite de la réception d'un courrier anonyme le dénonçant comme exerçant une activité parallèle, la société TVO a constaté que M. F... était enregistré en qualité de gérant de la société Yarine, exerçant sous le nom commercial " All Night Bus ", depuis le 1er octobre 2012. La société TVO a par ailleurs fait constater par voie d'huissier que M. F... avait conduit le bus de la société Yarine le samedi 14 juin 2014 à partir de 21h. A la suite de la consultation du conseil de discipline et du comité d'établissement sur la mesure envisagée, la société TVO a, le 1er août 2014, sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier pour faute M. F.... Par décision du 29 septembre 2014, l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'unité territoriale du Val-d'Oise a rejeté cette demande d'autorisation de licenciement. La société a introduit le 19 novembre 2014 un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, lequel a été rejeté par décision implicite du 21 mars 2015, confirmée par une décision expresse du 30 avril 2015. La société TVO relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 29 septembre 2014 et 30 avril 2015.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 30 avril 2015 portant rejet du recours hiérarchique de la société TVO :
2. M. B... H... a été nommé en qualité de directeur général du travail par un décret en date du 20 mars 2014, régulièrement publié au Journal officiel du 21 mars 2014. M. H... pouvait donc valablement, en application des articles 1er et 3 du décret du 27 juillet 2005 ci-dessus visé, relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, donner délégation à M. E... A..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique, par décision du 24 mars 2014, publiée au Journal officiel du 28 mars 2014, à l'effet de signer, dans la limite des attributions de ce bureau, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets. Cette dernière décision était par ailleurs suffisamment précise pour qu'il n'y ait pas de doute possible concernant le périmètre de la compétence de M. A.... Enfin, aucun autre acte n'étant venu modifier cette délégation, celle-ci était toujours en vigueur à la date d'édiction de la décision litigieuse. Dès lors le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne des décisions des 29 septembre 2014 et 30 avril 2015 :
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ou de fonctions de conseiller prud'homme, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
4. A ce dernier titre, l'exercice par un salarié d'une activité rémunérée pendant des périodes de congés payés ou d'arrêt de travail provoqué par la maladie ou un accident de travail ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté découlant du contrat de travail qui subsiste pendant ces périodes. Pour fonder un licenciement pour faute, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise.
5. En premier lieu, il résulte des principes énoncés aux points 3 et 4 qui précèdent que la société TVO n'est pas fondée à soutenir que les décisions des 29 septembre 2014 et 30 avril 2015 seraient entachées d'une erreur de droit pour avoir recherché si le comportement de M. F... lui a causé un préjudice.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du constat d'huissier, que M. F..., dont le contrat de travail ne comportait pas de clause d'exclusivité, a travaillé comme conducteur de bus, pour le compte de la société dont il est co-gérant, le samedi 14 juin 2014 à partir de 21 heures, ceci afin, selon les dires de l'intéressé, de remplacer un conducteur empêché. Contrairement à ce que soutient la société TVO, ce seul constat ne permet pas de considérer que son salarié aurait exercé cette activité à plusieurs reprises pendant toute la durée de son arrêt de travail. L'activité de la société de M. F... consistant à organiser des soirées touristiques festives, n'entre ainsi pas en concurrence avec l'activité de transport de voyageurs urbains ou interurbains de la société TVO. La circonstance que la société TVO ait dû prendre en charge, en conséquence de l'arrêt de travail de son salarié, des indemnités complémentaires aux allocations journalières et pourvoir au remplacement de M. F..., ne permet pas de considérer que le comportement de celui-ci lui a causé un préjudice dès lors que ces débours ne résultent pas de l'activité professionnelle exercée par M. F... pendant son arrêt de travail. Si la société TVO soutient également que le comportement de M. F... donne à ses salariés un exemple risquant de troubler la pérennité de son activité, elle ne l'établit pas. Dans ces conditions, M. F..., en l'absence de préjudice subi par la société TVO du fait de l'activité exercée le 14 juin 2014, n'a pas méconnu son obligation de loyauté vis-vis de son employeur. Par suite, le moyen tiré par la société TVO de ce que les décisions de l'administration du travail seraient entachées d'une erreur d'appréciation juridique sur la déloyauté de M. F... et l'existence de son préjudice doit être écarté.
7. En troisième lieu, compte tenu du caractère isolé du fait constaté, la société TVO n'est pas davantage fondée à soutenir sur les faits décrits ci-dessus seraient d'une gravité telle qu'ils rendraient impossible le maintien de M. F... dans l'entreprise.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 2421-7 du code du travail : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ". Il ressort cependant des pièces du dossier que, dans sa décision du 29 septembre 2014, l'inspecteur du travail a motivé son refus d'autorisation du licenciement de M. F... sur la circonstance que les fautes qui lui étaient reprochées par son employeur n'étaient pas établies. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail n'était pas tenu de se prononcer également sur le lien entre le licenciement et les différents mandats détenus par M. F.... C'est donc sans entacher sa décision d'erreur de droit que le ministre n'a pas annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'elle ne se prononçait pas sur le lien entre le licenciement et les mandats.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société TVO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Transport du Val-d'Oise est rejetée.
N° 18VE00484 2