Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 26 janvier 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, après avoir retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique formé par la société Conforama France, annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 30 juin 2015 et autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1602320 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 18 mai 2017 et le 23 mars 2018, M. B..., représenté par Me Benisti, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 26 janvier 2016 autorisant son licenciement ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la réalité du motif économique n'est pas démontrée ;
- le service après-vente ne constitue pas un secteur d'activité ; l'entreprise ne justifie pas non plus de la nécessité de supprimer tous ces emplois ; la société Conforama France ne justifie pas davantage des difficultés du groupe ;
- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée, les offres de reclassement qui lui ont été proposées n'étant pas équivalentes à son poste et se trouvant géographiquement plus éloignées de son domicile, ce qui méconnaît, en outre, l'accord d'entreprise de Conforama signé le 15 janvier 1989 ; il n'y a pas eu d'effort de formation et d'adaptation le concernant de la part de l'entreprise, ses demandes de formation ayant été rejetées ; des postes de technicien ne lui ont pas été proposés.
.....................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour la société Conforama.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... a été recruté en octobre 1994 par la société Conforama France et exerçait depuis 2005, au sein du centre SAVEO de Noisy-le-Sec, les fonctions de technicien " gris ", spécialisé en micro-informatique. La société Conforama France a sollicité, le 24 avril 2015, l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., lequel détenait les mandats de délégué du personnel et de représentant syndical du comité d'établissement. Par une décision implicite née le 30 juin 2015, l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autoriser ce licenciement. Par une décision du 26 janvier 2016, le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 6 décembre 2015, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation de licencier ce salarié. M. B... relève appel du jugement n° 1602320 du 21 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision autorisant son licenciement.
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) ".
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe. Il incombe à l'employeur de produire les éléments permettant de déterminer l'étendue du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise. Ce secteur peut être déterminé en prenant en considération un faisceau d'indices relatifs à la nature des produits, à la clientèle à laquelle ils s'adressent et, le cas échéant, au mode de distribution mis en oeuvre
4. D'une part, la société Conforama France, qui appartient au groupe Steinhoff a pour activité la vente de meubles, la vente de produits " blanc-brun-gris ", la vente d'articles de décoration et la réparation dépannage de produits électroménagers TV, vidéo et informatique principalement au domicile de la clientèle ou en ateliers. Si M. B... soutient que cette activité ne constitue pas un secteur d'activité à part entière, il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres entreprises du groupe Steinhoff exerceraient une activité de service après-vente au domicile des clients pour des produits achetés au sein du groupe et à l'extérieur du groupe. Ainsi, eu égard au service, à ses modalités de délivrance et à la clientèle ciblée, l'activité de service après-vente réalisée par les établissements SAVEO de l'entreprise Conforama France doit être regardée comme constituant un secteur d'activité à part entière.
5. D'autre part, la société Conforama France exposait, au soutien de sa demande d'autorisation de licenciement, la nécessité de sauvegarder sa compétitivité, en relevant que le secteur d'activité de SAVEO se trouvait en déclin continu, depuis plusieurs années, pour des raisons structurelles liées à l'augmentation de la fiabilité des produits, à la baisse du prix de vente favorisant le remplacement du produit défectueux et aussi au contexte économique de la société dégradé dans le cadre de pressions concurrentielles issues en particulier de nouveaux acteurs bénéficiant de coûts de réparation et d'intervention à domicile moindres. Il ressort en effet des pièces du dossier que l'activité de SAVEO a connu une baisse continue du nombre d'interventions, à hauteur de 37% entre 2006 et 2011, qui s'est encore poursuivie les années suivantes, ce qui a entraîné un taux d'occupation des techniciens très inférieur à celui que permettait leur effectif ainsi qu'une surcapacité des ateliers, s'élevant à 75 % en 2014. En outre, la société Conforama France enregistrait un résultat net déficitaire de 32 322 000 euros au 30 juin 2013 et de 55 256 000 euros au 30 juin 2014. Cette situation a conduit la société Conforama France à élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi et à faire évoluer son organisation afin de sauvegarder sa compétitivité, en décidant, notamment, du regroupement des douze centres techniques SAVEO en cinq centres, entraînant ainsi la suppression de 205 emplois, y compris, la réalité de cette suppression n'étant pas contestée, le poste de technicien occupé par M. B... au sein de l'établissement SAVEO de Noisy-le-Sec, dont Conforama a décidé la fermeture. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la réalité du motif économique de son licenciement, lié à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société Conforama France, n'était pas établie à la date de la décision en litige.
6. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ". Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. D'autre part, aux termes de l'article 17 de l'accord d'entreprise de Conforama et de ses filiales signé le 15 janvier 1989 : " Les mutations ou changements temporaires d'emploi ne seront prononcés qu'en cas de nécessité de service. / Elles ne pourront être refusées si elles interviennent entre magasins situés dans la même agglomération, à condition que le temps de déplacement relatif à la nouvelle affectation ne soit pas supérieur à : / 2 heures en province aller-retour ; / 3 heures en région parisienne aller-retour, toutefois si le temps de déplacement habituel est inférieur à 1 heure aller-retour, celui-ci ne pourra excéder 1 heure 30 aller-retour. ".
7. Il ressort des pièces produites que M. B..., qui occupait un poste de technicien " brun ", dans le domaine de la micro-informatique, au statut d'employé de groupe 4, niveau 3, s'est vu proposer par son employeur quatre offres de reclassement écrites et précises, dont trois postes de technicien similaires au poste qu'il occupait, relevant du groupe 4, niveau 3 et d'une rémunération équivalente à celle perçue auparavant, localisés au centre SAVEO de Compiègne, au centre SAVEO de Toulouse, ou au centre SAVEO de Mulhouse. Le requérant, qui a refusé ces offres, n'établit pas que les postes ainsi proposés nécessitaient une formation qui lui aurait été refusée, ni que tous les postes vacants pour lesquels il était en capacité d'occuper les fonctions ne lui auraient pas été proposés. La circonstance qu'il aurait sollicité, en vain, des formations au cours de ses précédents entretiens annuels, est sans incidence sur les obligations de recherche de reclassement qui incombaient à l'entreprise au moment de la procédure de licenciement et ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision autorisant le licenciement alors qu'il existait entre les qualifications de M. B... et le profil du poste vacant auquel il s'était porté candidat un écart tel qu'il n'aurait pu occuper ce poste sans une longue formation préalable, aux résultats incertains. En outre, s'il soutient que ces offres ont été proposées en méconnaissance de l'accord d'entreprise de Conforama et de ses filiales, du 15 janvier 1989, il n'établit pas que le temps de déplacement pour les postes proposés est supérieur, par rapport au poste qu'il occupait à Noisy-le-Sec, aux temps de déplacement maximum que l'accord prévoit. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que son employeur n'aurait pas satisfait à l'obligation de reclassement et à celle d'adaptation qui lui incombaient.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. B... doivent être rejetées y compris les conclusions accessoires qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Conforama France tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni à celles présentées au titre de l'article R. 761-1 du même code, aucun dépens n'ayant été exposé.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Conforama France est rejeté.
2
N° 17VE01560