Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution, avec intérêts moratoires, des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 à raison de ses revenus fonciers de source française, à hauteur de la somme de 10 145 euros.
Par un jugement n° 1806475 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de restitution présentées par la requérante, à hauteur des dégrèvements de 2 234 euros et de 2 508 euros prononcés le 28 mai 2019 respectivement au titre des années 2013 et 2014, puis a rejeté le surplus de ces conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 octobre 2019 et le 23 juillet 2020, M. et Mme B... C..., représentés par Me Metral, avocat, demandent à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la restitution de la somme de 5 403 euros, correspondant aux prélèvements sociaux maintenus à leur charge au titre des années 2013 et 2014 après le dégrèvement partiel prononcé par l'administration le 28 mai 2019 ;
3° à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'application du principe de libre-circulation des travailleurs en matière de sécurité sociale ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C... soutiennent que :
- en tant que résidents fiscaux suisses et, s'agissant de M. C..., en tant qu'ancien fonctionnaire de l'ONU, ils peuvent se prévaloir de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 interprété par l'arrêt du 26 février 2015 C-623/13 de Ruyter de la Cour de justice de l'Union européenne, dont il ressort qu'en vertu des principes d'égalité de traitement entre travailleurs migrants et non migrants et d'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale et de la jurisprudence interprétant ces principes, leur quote-part de revenus fonciers, de source française, perçus en 2013 et 2014, ne devait pas être soumise aux prélèvements sociaux en France ;
- à titre subsidiaire, l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et en particulier le principe de libre-circulation des travailleurs qu'il pose, s'applique aux ressortissants européens travaillant en Suisse en application de l'accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la communauté européenne et la Suisse du 21 juin 1999 ; en vertu de ces stipulations et de ce principe, plutôt qu'en vertu de l'article 48 du même Traité, sa quote-part de revenus fonciers, de source française, perçus en 2013 et 2014, ne devait pas être soumise aux prélèvements sociaux en France ;
- le prélèvement de solidarité de 2 % fait partie de l'ensemble des prélèvements sociaux entrant dans le champ d'application du règlement 833/2004 ; le prélèvement de solidarité était affecté avant 2016 à la caisse nationale d'assurance maladie, qui verse des prestations de sécurité sociale ;
- à supposer même que le prélèvement de solidarité ne fasse pas partie de la liste des prestations de l'article 3 du règlement 883/2004, il finance une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif visée à l'article 70 de ce règlement et au d) de l'annexe X de ce règlement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 883 / 2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., résidents de Suisse où M. C... était agent de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) au cours des années 2013 à 2014 en litige, ont perçu au cours de ces années des revenus fonciers de source française qui ont été soumis aux prélèvements sociaux. Mme C... a contesté ces prélèvements devant le tribunal administratif de Montreuil. Celle-ci ayant produit, en cours d'instance, des éléments justifiant de son affiliation à la caisse vaudoise de compensation au cours des années en litige, l'administration a prononcé, le 28 mai 2019, le dégrèvement de la moitié des prélèvements sociaux contestés, correspondant aux prélèvements sociaux calculés sur la base de la part des revenus fonciers affectée à Mme C..., à l'exclusion du prélèvement de solidarité de 2% appliqué à cette part au titre de l'année 2013. M. et Mme C... relèvent appel du jugement rendu le 15 octobre 2019 par le tribunal administratif de Montreuil en tant que ce jugement a rejeté la demande de Mme C... tendant à la restitution de la somme de 5 403 euros, correspondant à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale, au prélèvement social, à la contribution additionnelle à ce prélèvement et au prélèvement de solidarité maintenus à sa charge et à celle de son époux au titre des années 2013 et 2014 après le dégrèvement partiel précédemment mentionné.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 22 février 2021 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur du service des impôts des non résidents a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 2 234 euros au titre de l'année 2013 et de 2 507 euros au titre de l'année 2014, des prélèvements sociaux en litige. Les conclusions de la requête de M. et Mme C... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions :
3. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. _ Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / II. _ Le prélèvement de solidarité mentionné au 1° du I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. / Le prélèvement de solidarité mentionné au 2° du même I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. / III. _ Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 %. / IV. _ Le produit des prélèvements de solidarité mentionnés au I est affecté à hauteur de : / 1° 1,37 % au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ; / 2° 0,53 % au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation ; / 3° 0,1 % au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail.
4. En premier lieu, en vertu de l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement, la prime de déménagement prévue à l'article L. 351-5 du même code et les dépenses de gestion qui s'y rapportent, les dépenses du conseil national de l'habitat ainsi que l'allocation de logement relevant du titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale et les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Les prestations financées par le fonds national d'aide au logement ne relèvent ainsi d'aucune des branches de sécurité sociale au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004. En particulier, elles ne relèvent pas de la branche qui concerne les " prestations familiales " au sens du z) de l'article 1er du règlement, dès lors qu'elles ne sont pas " destinées à compenser les charges de famille ".
5. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national des solidarités actives finance une part du revenu de solidarité active. D'une part, le revenu de solidarité active constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73), qu'une prestation relève de l'assistance sociale pour l'application de ce règlement " notamment lorsqu'elle retient le besoin comme critère essentiel d'application et fait abstraction de toute exigence relative à des périodes d'activité professionnelle, d'affiliation ou de cotisation ". Or, en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active (...) ". D'autre part, alors même qu'il posséderait également les caractéristiques d'une législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004, le revenu de solidarité active n'est, en tout état de cause, pas mentionné à l'annexe X de ce règlement du 29 avril 2004 qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.
6. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 5423-24 du code du travail, le fonds de solidarité gère les moyens de financement de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 5423-1, de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3 et de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997. En application de l'article L. 5423-1 du même code : " Ont droit à une allocation de solidarité spécifique les travailleurs privés d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance ou à l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 5423-7 et qui satisfont à des conditions d'activité antérieure et de ressources ". Aux termes de l'article L. 5423-18 du même code, abrogé à compter du 1er janvier 2009 et dont les dispositions sont restées applicables aux bénéficiaires de l'allocation à cette date : " Ont droit à une allocation équivalent retraite, sous conditions de ressources, les demandeurs d'emploi qui justifient, avant l'âge de soixante ans, de la durée de cotisation à l'assurance vieillesse, définie au deuxième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, requise pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein, validée dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes ". Aux termes de l'article L. 5423-19 du même code, dans cette même rédaction : " L'allocation équivalent retraite se substitue, pour leurs titulaires, à l'allocation de solidarité spécifique ou à l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. / L'allocation équivalent retraite prend la suite de l'allocation d'assurance pour ceux qui ont épuisé leurs droits à cette allocation. / Elle peut également compléter l'allocation d'assurance lorsque cette allocation ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un total de ressources égal à celui prévu à l'article L. 5423-20 ". Aux termes de l'article L. 5425-3 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire ". Aux termes du II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 : " Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein. / Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter de la date de création ou de la reprise d'entreprise ".
7. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 5423-1 du code du travail que l'allocation de solidarité spécifique, dont les bénéficiaires ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance chômage et bénéficient de cette allocation au titre d'un régime de solidarité pour les travailleurs involontairement privés d'emploi, n'est pas une " prestation de chômage " au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous h) du règlement du 29 avril 2004. Il en va de même pour l'allocation équivalent retraite qui, en vertu de l'article L. 5423-19 du code du travail, soit se substitue à l'allocation de solidarité spécifique ou au revenu minimum d'insertion devenu revenu de solidarité active, soit complète l'allocation d'assurance chômage lorsque celle-ci ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un minimum de ressources. Il en va également de même pour les deux autres prestations financées par le fonds de solidarité, qui sont versées, sous certaines conditions, aux personnes bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui reprennent une activité salariée ou non salariée ou reprennent ou créent une entreprise. D'autre part, à supposer que ces prestations spéciales à caractère non contributif financées par le fonds de solidarité entrent dans le champ défini au paragraphe 1 de l'article 70 du règlement du 29 avril 2004, elles ne sont en tout état de cause pas énumérées à l'annexe X de ce règlement qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.
8. Ainsi, aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés ci-dessus auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement du 29 avril 2004. Leur affectation budgétaire n'est par suite pas contraire au droit de l'Union européenne.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la cour de justice de l'Union européenne, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas prononcé la restitution du prélèvement de solidarité de 2% dont ils se sont acquittés à raison des revenus fonciers de source française qu'ils ont perçus au titre des années 2013 et 2014.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de cet article.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C..., à concurrence des dégrèvements de prélèvements sociaux prononcés par le directeur du service des non-résidents au titre des années 2013 et 2014.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
2
N°19VE03537