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12/04/2021 | FRANCE | N°20VE03041

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 12 avril 2021, 20VE03041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2005744 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2020, M. B..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° d'an

nuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 3 septembre 2020 du préfet de l'Essonne ;

2° à titre principa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2005744 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2020, M. B..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 3 septembre 2020 du préfet de l'Essonne ;

2° à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui remettre une attestation pour l'examen de sa demande d'asile ainsi qu'un formulaire de demande d'asile pour lui permettre de saisir l'OFPRA, dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3° à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation au titre de l'asile dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence ;

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet a méconnu l'obligation d'information résultant des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. L'arrêté litigieux a donc été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- l'accord des autorités italiennes est irrégulier ;

- il ne pouvait être transféré en Italie dès lors qu'il y existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile ;

- il est exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi au Mali ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me E... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B..., ressortissant malien né le 20 août 1991, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, le 20 février 2020, auprès de la préfecture de l'Essonne. Lors de l'instruction de cette demande, la consultation des données dactyloscopiques centrales et informatisées du système Eurodac a révélé que les empreintes digitales de M. B... avaient été relevées les 17 novembre 2015 et 24 août 2016 par les autorités de contrôle compétentes en Italie à l'occasion de l'enregistrement d'une demande de protection internationale dans ce pays. Les autorités italiennes, saisies le 7 avril 2020 par le préfet de l'Essonne d'une demande de reprise en charge de M. B..., ont explicitement accepté la requête du préfet le 29 avril 2020. Par un arrêté du 3 septembre 2020, le préfet de l'Essonne a décidé de transférer M. B... aux autorités italiennes. M. B... relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. A... D..., attaché d'administration, adjoint au chef de bureau de l'asile à la préfecture de l'Essonne, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par un arrêté du 24 août 2020, régulièrement signé et publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de l'Essonne n° 122 du 24 août 2020. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il est fait application, expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. B..., ainsi que les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour estimer que l'examen de sa demande de protection internationale relevait de la responsabilité d'un autre Etat. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 ". Aux termes de cet article : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel à la préfecture de l'Essonne le 20 février 2020 à l'occasion duquel il s'est vu remettre les brochures A et B ainsi que le guide du demandeur d'asile en langue française dont le résumé de l'entretien produit par le préfet en première instance précise qu'elle est lue, parlé et comprise par l'intéressé. Ce document précise également que M. B... a déclaré avoir compris la procédure engagée à son encontre. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été suffisamment informé sur le déroulement de la procédure engagée à son égard, en méconnaissance des dispositions précitées du règlement du 26 juin 2013, ces dernières n'impliquant pas qu'il soit fait une lecture orale du contenu des documents d'information qui sont remis au demandeur d'asile.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 15 du règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement. / (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse. ".

7. Si M. B... soutient qu'aucune pièce ne permettrait de fournir la preuve de ce que les autorités italiennes ont accepté de le prendre en charge, il ressort des éléments issus du système " DubliNet " produits par le préfet de l'Essonne en première instance que le moyen manque en fait et doit, par suite, être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 : " (...) lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ".

9. L'Italie est un État membre de l'Union européenne, partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complété par le protocole de New York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.

10. Si M. B... soutient qu'il a été victime de violences lors de son séjour en Italie, il n'apporte aucun élément circonstancie quant aux violences ainsi alléguées. Il n'établit pas davantage que l'accès aux soins lui aurait été refusé dans ce pays. Dans ces conditions, en se bornant à critiquer de façon générale les difficultés des autorités italiennes face à l'afflux de migrants et à relever l'hostilité de la population italienne à l'égard des demandeurs d'asile, le requérant ne démontre pas qu'il existerait une défaillance systémique en Italie et que son transfert vers ce pays l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants.

11. En outre M. B... soutient que l'exécution de l'arrêté en litige conduirait nécessairement à ce que les autorités italiennes le renvoient à destination de son pays d'origine, dans lequel il a été persécuté et a fait l'objet de traitements inhumains et dégradants en raison de son orientation sexuelle. Toutefois, la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers le Mali, mais prononce son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. L'appelant ne produit aucun élément de nature à révéler que l'Italie, qui doit être présumée, ainsi qu'il vient d'être dit, réserver aux demandeurs d'asile un traitement conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne procèderait pas à un examen de sa demande conforme à ces exigences. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle en France. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, au regard des pièces médicales qu'il produit, qu'il ne pourrait pas bénéficier en Italie d'un traitement approprié à son état de santé. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant son transfert aux autorités italiennes le préfet de l'Essonne aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et, par suite, aurait méconnu les stipulations précédemment citées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

N° 20VE03041 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03041
Date de la décision : 12/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : RALITERA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-12;20ve03041 ?
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