Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007.
Par un jugement n° 1703517 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2019 et 25 septembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me C..., avocat, demandent à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré du caractère lacunaire et partiel de la décision de rejet de l'administration, qui avait trait au bien-fondé et non à la motivation de la décision de rejet de leur réclamation contentieuse ;
- ils remplissent les conditions posées par les dispositions de l'article 75-0 A du code général des impôts : les sommes qui leur ont été versées en 2007 par leurs créanciers au titre des trois années précédentes sont bien constitutives d'un revenu exceptionnel, dans la mesure où les conditions d'exploitation du haras en 2007 étaient comparables à celles des trois exercices antérieurs et où le montant du bénéfice à étaler est supérieur au seuil fixé par le 2 de l'article 75-0 A du code général des impôts ; en outre, les créances clients en cause sont bien la contrepartie de l'activité régulière du haras ;
- les dispositions de l'article 75-0 A du code général des impôts doivent être appliquées à la lettre, en vertu du principe d'interprétation stricte des lois fiscales ; dès lors que le texte est clair et qu'il définit ce qu'est un " revenu exceptionnel ", l'administration ne pouvait pas ajouter d'autres conditions ; en tout état de cause, ils remplissent également les conditions posées par l'administration, dès lors que les revenus en cause sont irréguliers d'une année sur l'autre et indépendants de toute action de l'exploitant ;
- considérer, à la suite de l'administration, que les " produits de l'activité de pension équestre " ont un caractère stable et régulier contrairement aux activités de culture méconnaît les dispositions de l'article 75-0 A du code général des impôts et le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi ;
- le différend qui les a opposés à leurs clients qui ont refusé pendant près de quatre ans de payer les pensions d'une cinquantaine de chevaux de sang constitue bien un sinistre et non un " retard dans l'encaissement " ; la perception de la totalité des créances de pensions en retard a eu pour objet de compenser des charges et pertes de recettes induites par ce sinistre et a assuré le maintien des revenus de l'activité du haras ;
- la reprise de provision a pour seule origine le versement en une fois de quatre années d'arriérés de recettes normales et courantes ; il ne s'agit pas d'une simple écriture comptable.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Haras de Rabodanges, dont M. B... est l'associé unique, exerce une activité agricole d'élevage et de prise en pension de chevaux. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos le 30 septembre 2007 et le 31 décembre 2008, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'étalement selon les modalités de l'article 75-0 A du code général des impôts des revenus perçus en 2007. Ces sommes ont été réintégrées dans les bénéfices sociaux de l'EARL et, par une proposition de rectification du 31 août 2010, le service vérificateur a notifié à M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2007. Les appelants relèvent régulièrement appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge des rehaussements mis à leur charge.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu aux moyens tirés de ce que les revenus en litige devaient être regardés comme des revenus exceptionnels au sens des dispositions de l'article 75-0 A du code général des impôts, tant sur le terrain de la loi fiscale que sur celui de la doctrine administrative. A cette occasion, ils n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens, tels que l'absence de prise en compte de la causalité des événements subis par le haras. Le jugement attaqué rappelle notamment dans son point 5 que la somme en litige résulte du " paiement effectif des frais de pension dus par les clients émiratis ", qui avaient donné lieu à des provisions pour créances douteuses. Par suite, le moyen tiré du défaut de réponse à un moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 75-0 A du code général des impôts : " 1. Le revenu exceptionnel d'un exploitant agricole soumis à un régime réel d'imposition peut, sur option, être rattaché, par fractions égales, aux résultats de l'exercice de sa réalisation et des six exercices suivants. / Les dispositions de l'article 163-0 A sont applicables au titre de chacun de ces exercices quel que soit le montant de la fraction mentionnée au premier alinéa. / 2. Pour l'application du 1, le revenu exceptionnel s'entend : / a. Soit, lorsque les conditions d'exploitation pendant l'exercice de réalisation du bénéfice sont comparables à celles des trois exercices précédents et que l'exploitant réalise un bénéfice supérieur à 25 000 euros et excédant une fois et demie la moyenne des résultats des trois exercices précédents, de la fraction de ce bénéfice qui dépasse 25 000 euros ou cette moyenne si elle est supérieure. Pour l'appréciation des bénéfices de l'exercice considéré et des trois exercices antérieurs, les déficits sont retenus pour un montant nul et il n'est pas tenu compte des bénéfices soumis à un taux proportionnel ainsi que des reports déficitaires ; (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées éclairées par les travaux parlementaires que le dispositif de lissage posé à l'article 75-0 A du code général des impôts vise à pallier le caractère irrégulier des revenus agricoles, en lissant les fluctuations les plus importantes de ces revenus, telles qu'elles résultent de l'activité normale des exploitants agricoles. En l'espèce, il résulte de l'instruction que deux clients de l'EARL Haras de Rabodanges ont suspendu pendant près de quatre ans, le paiement des frais de pension de près d'une cinquantaine de chevaux dont ils étaient les propriétaires, conduisant la société à inscrire en comptabilité des provisions pour créances douteuses au titre des années 2004, 2005 et 2006. Suite au paiement de l'intégralité des arriérés dus en 2007, l'EARL Haras de Rabodanges a, d'une part, procédé à la reprise des provisions pour créances douteuses des trois années précédentes et, d'autre part, considéré que ce paiement devait être regardé comme un revenu exceptionnel au sens des dispositions de l'article 75-0 A du code général des impôts, dès lors que les conditions d'exploitation du haras en 2007 étaient comparables à celles des trois exercices antérieurs et que le montant du bénéfice à étaler était supérieur au seuil fixé par le 2 de cet article. Toutefois, comme l'ont indiqué les premiers juges, le revenu exceptionnel au sens de ces dispositions doit être apprécié au regard des revenus normaux de l'exploitation. Le paiement de la somme de 631 933 euros au cours de l'exercice 2007, qui résulte, ainsi que le reconnaissent les requérants dans leurs écritures, de leur propre ténacité, ne saurait être regardé comme la perception d'un revenu exceptionnel, résultant des aléas propres à l'activité agricole. En particulier, comme l'ont relevé à bon droit l'administration et les premiers juges, sans méconnaître le principe constitutionnel d'égalité, les frais de pension dus par ces deux clients constituaient une créance acquise, certaine dans son principe et son montant. La circonstance que ces montants dus n'aient pas été immédiatement acquittés ne permet pas de considérer que ces revenus seraient irréguliers d'une année sur l'autre. Ils ne sauraient au demeurant être regardés comme indépendants de toute action de l'exploitant. En outre, les requérants ne peuvent sérieusement soutenir que le paiement tardif par un créancier d'une somme due aurait pour objet de compenser des charges et pertes de recettes induites par le sinistre que constitue le refus d'honorer ses dettes. Par suite, la somme de 631 933 euros perçue par l'EARL au cours de l'exercice 2007 au titre de créances dues sur les exercices 2004, 2005 et 2006 ne saurait être assimilée à un revenu exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article 75-0 A du code général des impôts. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à revendiquer le bénéfice de ces dispositions.
5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007. Il s'ensuit que la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
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N° 19VE02707