Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Escaut Restauration a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner, d'une part, la Ligue nationale de rugby, d'autre part, la Fédération française de rugby à lui verser la somme de 700 000 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement nos 1708001, 1708006 du 1er juillet 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 août 2019 et 15 novembre 2019, la SARL Escaut Restauration, représentée par Me Vinchant, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande présentée contre la Fédération française de rugby ;
2° de condamner la Fédération française de rugby à lui verser les sommes de 350 000 euros en réparation de son préjudice économique, 200 000 euros en réparation de son préjudice moral et 150 000 euros en réparation de son préjudice d'image et de réputation ;
3° de mettre à la charge de la Fédération française de rugby la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG) de la Fédération française de rugby a manqué à ses obligations de vigilance et de diligence dans la surveillance de la situation comptable et financière du club Lille Métropole Rugby en s'abstenant de tout contrôle à l'issue des saisons sportives 2010/2011, 2011/2012 et 2012/2013, alors que le contrôle réalisé à l'issue de la saison 2009/2010 avait fait apparaître l'absence de régularité et de sincérité des comptes ; la fédération n'a diligenté aucune enquête entre 2010 et la fin de l'année 2014 alors qu'elle en avait l'obligation ;
- elle se serait abstenue de tout investissement dans le club Lille Métropole Rugby si la Fédération française de rugby n'avait pas permis à l'équipe première de participer au championnat au titre des saisons sportives 2010/2011 à 2014/2015, alors que sa situation financière était déjà incompatible avec sa participation à cette compétition ;
- la carence fautive de la Fédération française de rugby lui a causé un préjudice économique constitué par la perte de son investissement, ainsi qu'un préjudice de réputation et un préjudice moral, en ce qu'elle a été regardée comme responsable de la faillite d'un grand club régional.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du sport ;
- les règlements généraux de la Fédération française de rugby, notamment son annexe VIII et l'annexe 1 de cette annexe ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion ;
- les conclusions de M. Met, rapporteur public ;
- les observations de Me Strubbe, substituant Me Vinchant, pour la SARL Escaut Restauration, et de Me Lachaume, pour la Fédération française de rugby.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la perspective de l'accession de son équipe première au championnat professionnel de 2ème division PRO D2, l'association Lille Métropole Rugby s'est dotée d'une société sportive, la société par actions simplifiée Lille Métropole Rugby (SAS LMR), immatriculée le 24 janvier 2013, au capital de laquelle la société à responsabilité limitée (SARL) Escaut Restauration a souscrit le 30 juin 2014. A l'issue de la saison 2014/2015, bien qu'elle ait été acquise sportivement, la Ligue nationale de rugby a refusé l'accession du club en PRO D2 pour raisons financières, par une décision du 26 juin 2015, confirmée en appel le 20 juillet 2015, puis la SAS LMR et l'association LMR ont été placées en liquidation judiciaire par des jugements du 21 mars 2016 et du 6 avril 2016. Par deux recours indemnitaires, la SARL Escaut Restauration a recherché la responsabilité pour faute de la Ligue nationale de rugby et de la Fédération française de rugby dans l'exercice de leur mission de contrôle des comptes des clubs. Elle relève appel du jugement du 1er juillet 2019 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il rejette sa demande indemnitaire dirigée contre la Fédération française de rugby.
2. En vertu des dispositions des articles L. 131-1, L. 131-14 et L. 131-15 du code du sport, une fédération sportive agréée reçoit, dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une délégation du ministre chargé des sports en vue notamment, d'organiser les compétitions sportives à 1'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux. Selon les articles L. 132-1 et L. 132-2 du même code, les fédérations sportives qui ont constitué " une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives ", doivent créer un organisme, doté d'un pouvoir d'appréciation indépendant, chargé d'assurer le contrôle administratif, juridique et financier de ces associations et sociétés sportives. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 132-2 du code du sport en sa rédaction applicable au litige : " Cet organisme a pour objectif d'assurer la pérennité des associations et sociétés sportives, de favoriser le respect de 1'équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions ". Les fédérations délégataires, dont la mission est d'assurer la régularité de toutes les compétitions sportives qu'elles organisent, peuvent prévoir que cet organisme a également, à cette fin, compétence pour contrôler la gestion administrative, financière et juridique des clubs amateurs participant à ces compétitions, en particulier de ceux qui, évoluant au plus haut niveau amateur, sont susceptibles de devenir des clubs professionnels.
3. L'article 1er de l'annexe VIII au règlements généraux de la Fédération française de rugby, qui définit les missions de la direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG), cogérée par la Fédération française de rugby et la Ligue nationale de rugby, lui donne compétence pour assurer le contrôle administratif, juridique et financier de l'ensemble des associations affiliées à la fédération.et, le cas échéant, des sociétés sportives qu'elles ont créées, qu'elles soient membres de la fédération ou de la ligue. Cette annexe VIII aux règlements fédéraux comporte une annexe 1 portant règlement particulier de la DNACG relatif aux obligations des clubs fédéraux, qui précise que ce règlement particulier a été adopté par le comité directeur de la fédération, afin notamment de fixer les règles permettant de définir les critères financiers auxquels doivent répondre les clubs évoluant ou susceptibles d'évoluer en divisions fédérales, et/ou susceptibles d'accéder à la 2ème division professionnelle, d'assurer l'équité et l'égalité entre ces clubs, d'assurer la transparence de la gestion comptable et financière de ces clubs, et d'éviter les dérives en matière comptable et financière de ces clubs.
4. La SARL Escaut Restauration recherche la responsabilité de Fédération française de rugby, à raison d'une carence fautive de la DNACG, entre le milieu de l'année 2010 et fin 2014, dans sa mission de contrôle des comptes de l'association LMR et de la SAS LMR dont elle est actionnaire. Elle soutient que, si les difficultés financières du club LMR avaient été révélées dans toute leur ampleur grâce à des investigations plus poussées de l'organe de contrôle de gestion de la Fédération, elle n'aurait pas pris le risque d'investir dans sa société sportive.
5. Toutefois, le contrôle de gestion exercé par DNACG sur les clubs amateurs a pour finalité de garantir la continuité et l'équité des compétitions, et la DNACG a toute latitude, au vu des résultats de ses investigations, pour prendre les mesures de gestion les mieux à même de concilier les impératifs de santé financière des clubs et de respect des résultats sportifs. La carence dans l'exercice de cette mission de régulation interne n'est pas susceptible de préjudicier aux droits d'un tiers, tel que l'actionnaire. La société requérante ne peut dès lors utilement soutenir que l'équipe première du LMR aurait dû être rétrogradée en fédérale 2 dès la saison 2010/2011, alors au demeurant que la rétrogradation prononcée au titre de la saison 2009/2010 avait été suspendue en référé par le juge des référés du tribunal administratif de Lille, confirmé par le Conseil d'Etat, et que le litige était toujours pendant jusqu'au jugement rendu sur le fond le 5 février 2014. Par ailleurs, la commission de contrôle des championnats fédéraux de la DNACG, dont la mission de contrôle ne présente pas un caractère annuel obligatoire, et dont les pouvoirs d'investigation sont limités, ne peut se prononcer qu'au vu des éléments comptables qui lui sont adressés par les associations affiliées. Or il est constant que les comptes présentés par l'association LMR n'étaient pas sincères en ce qui concerne notamment la majoration des comptes clients et la minoration des charges. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'organe de contrôle a commis une faute dans l'exercice de sa mission de régulation de nature à engager la responsabilité de la Fédération française de rugby, dont la SARL Escaut Restauration serait fondée à se prévaloir.
6. En outre, les difficultés financières du club étaient connues depuis 2009, ainsi que le jugement du 5 février 2014 confirmant, après expertise comptable, le bien-fondé de la décision de rétrogradation de l'équipe première au titre de la saison 2009/2010, et la SARL Escaut Restauration ne pouvait ignorer, avant même de décider de souscrire au capital de la SAS LMR le 30 juin 2014, le refus du commissaire aux comptes de certifier les comptes de l'association LMR à la clôture des exercices 2012 et 2013. La société requérante indique elle-même dans ses écritures que dès le 1er juillet 2014, elle était consciente que " la situation de l'association LMR était déficitaire de manière récurrente " et que " la SAS LMR n'avait jusqu'alors exploité aucune activité et s'était contentée de soutenir financièrement l'association ". Bien que ces difficultés aient persisté, et alors que le gérant la SARL Escaut Restauration avait, dès le 7 juillet 2014, été désigné président de la SAS LMR, la société Escaut Métropole a accru sa participation initiale de 20 000 euros au capital de la SAS LMR, en la portant à 50 000 euros, soit 12,2 % du capital, en décembre 2014, date à laquelle l'audit réalisé par la société Grant Thornton avait confirmé une situation nette négative de l'ordre de 460 000 euros au 30 juin 2014 et où une nouvelle procédure diligentée par la DNACG était en cours, et a racheté les 400 parts de l'actionnaire majoritaire, la société DDF, portant ainsi sa participation à 500 des 820 actions de la SA LMR, soit 60,97 % du capital, le 23 novembre 2015, date à laquelle le refus d'accession en PRO D2 décidé le 26 juin 2015 par le conseil supérieur de la DNACG avait été confirmé le 20 juillet 2015 par la commission d'appel de la fédération. Il en ressort que la SARL Escaut Restauration a délibérément investi alors que la situation financière du club était irrémédiablement compromise. Ainsi, la carence fautive alléguée n'est en tout état de cause pas à l'origine du préjudice invoqué, au demeurant pour l'essentiel non justifié.
7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Escaut Restauration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il s'ensuit que la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Escaut Restauration une somme de 1 000 euros à verser à la Fédération française de rugby au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Escaut Restauration est rejetée.
Article 2 : La SARL Escaut Restauration versera à la Fédération française de rugby la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 19VE03096