Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... et Mme C... B... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, assorties des intérêts moratoires.
Par un jugement n° 1607710 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de la majoration de 1,25 de la base imposable des contributions sociales prononcé en cours d'instance, déchargé M. et Mme E... des impositions contestées, et rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 mars et 1er décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler le jugement attaqué et de remettre à la charge de M. et Mme E... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, à raison des revenus réputés distribués par la SARL PA Finances, pour un montant total en droits, pénalités et intérêts de retard de 242 901 euros.
Le ministre fait valoir que :
- c'est à tort que les premiers juges ont regardé comme établie l'existence d'un prêt alors que la " convention de trésorerie " du 10 janvier 2012 n'a aucun caractère probant faute d'enregistrement et que cette qualification a toujours été refusée tant par la SARL PA Finances que par M. E... ; les sommes prélevées sur la trésorerie de la société en 2012 et 2013 ne pouvaient pas davantage être regardées comme incluses dans le " boni de liquidation " d'une liquidation amiable qui n'est intervenue qu'en décembre 2014 ;
- il ne résulte aucune prise de position formelle de la demande de renseignement présentée à l'administration fiscale en janvier 2014 par M. E..., qui concernait l'éventuelle imposition à l'impôt sur le revenu des enfants des requérants, donataires des parts de la SARL PA Finances, à raison de ce boni de liquidation ;
- les sommes regardées comme des revenus distribués ont été appréhendées par M. E... dans les comptes de la SARL PA Finances sans contrepartie, alors que celui-ci n'était plus ni gérant, ni associé, et que leur comptabilisation ne révélait pas par elle-même la nature de la libéralité ainsi consentie ; ces prélèvements présentaient le caractère d'un avantage occulte imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ;
- dans le cadre de l'effet dévolutif, les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion ;
- les conclusions de M. Met, rapporteur public ;
- les observations de Me Couve-Dumez, pour M. et Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de la SARL PA Finances, qui avait pour activité le conseil en gestion et en finance et la prise de participations, et dont M. D... E... était gérant jusqu'en 2008 et associé avec son épouse jusqu'au 12 décembre 2011, date à laquelle ils ont fait donation-partage de la totalité de leurs parts sociales à leurs deux fils, M. et A... E... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 et 2013, à raison de sommes prélevées sur un compte courant d'associé dont M. E... a été désigné bénéficiaire, regardées comme constitutives d'un avantage occulte en application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève régulièrement appel du jugement du 22 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a déchargé M. et Mme E... de ces impositions.
Sur le bien-fondé de la décharge prononcée par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Lorsqu'une société se dessaisit au profit d'un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que cette opération ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.
3. Pour mettre à la charge de M. et Mme E... les rehaussements d'impositions auxquels ils ont été assujettis dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de l'appréhension des sommes figurant, à la clôture des exercices 2012 et 2013 de la SARL PA Finances, au débit d'un compte courant d'associé dont M. D... E... a été désigné bénéficiaire, l'administration fiscale a constaté que M. E... qui, bien que n'étant plus gérant ni associé, disposait toujours de la procuration sur les comptes bancaires de la SARL PA Finances, avait prélevé la quasi-totalité de la trésorerie de la société pour la placer sur des comptes d'épargne, des contrats d'assurance-vie et un plan d'épargne logement ouverts à son nom ou celui de son épouse, une partie des sommes ayant d'ailleurs servi à rembourser une dette de M. E... envers son épouse. Le service a également relevé qu'aucun produit financier résultant de ces placements n'avait été enregistré par la société au cours des exercices vérifiés et que les sommes en cause n'avaient été restituées à la société que le 5 décembre 2014, postérieurement à la notification de la proposition de rectification datée du 20 novembre 2014, reçue le 22 novembre 2014, quelques jours avant la liquidation amiable intervenue le 15 décembre 2014. Si M. E... soutient que les fonds lui ont été confiés en vertu d'une " convention de placement " du 10 juillet 2012, cette convention, dont le nom du signataire au nom de la société n'est pas précisé, est dépourvue de valeur probante et n'a pas date certaine, faute d'avoir été enregistrée. En outre, elle n'indique ni les montants confiés à M. E..., ni les placements envisagés, prévoit sans autre précision que le rendement escompté doit être du " double du taux de rémunération versé par notre nouvelle banque " et qu'ils doivent être restitués " à première demande ", et ne prévoit aucune garantie. S'il est fait mention de cette convention dans les procès-verbaux d'assemblée générale du 20 juillet 2013 et du 27 juin 2014, ces procès-verbaux n'apportent pas davantage de précision sur les modalités de l'opération, de sorte que cette convention de placement ne peut être regardée comme justifiant de l'existence d'une contrepartie au versement des sommes en litige. Dans ces conditions, le service établit que la SARL PA Finances s'est dessaisie, sans garantie ni contrepartie, au profit de M. et Mme E..., des sommes prélevées sur sa trésorerie.
4. Si M. E... fait valoir que l'avantage n'était pas occulte, à supposer même que le titulaire du compte courant d'associé ait été désigné dans la comptabilité non informatisée, l'inscription comptable ne révélait pas par elle-même la libéralité qui, eu égard aux liens familiaux existant entre les associés et M. E..., est présumée. Sont à cet égard sans incidence les circonstances que M. E... s'est renseigné auprès du service sur le sort fiscal du boni de liquidation à percevoir par les associés à la liquidation de la société et que l'intention de M. et Mme E... était de transmettre leurs biens à leurs fils dans les meilleures conditions. Enfin, M. E... ne se prévaut pas utilement du remboursement intervenu à une date ultérieure aux années d'imposition en litige. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a regardé les sommes prélevées par M. E... sur la trésorerie de la société comme des revenus distribués
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé M. et Mme E... des impositions en litige au motif que l'appréhension par M. E... des sommes prélevées sur le compte bancaire de la SARL PA Finances résultait d'un contrat de prêt et non d'une libéralité.
6. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme E... en première instance et en appel.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
7. En premier lieu, M. et Mme E... font valoir que la proposition de rectification du 20 novembre 2014 est insuffisamment motivée dans la mesure où " tout l'argumentaire de l'administration fiscale consiste à disqualifier la convention de placement [et] n'établit aucun fondement juridique au soutien de son redressement ".
8. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la proposition de rectification du 20 novembre 2014 précise les motifs de fait et de droit sur lesquels l'administration a fondé sur les rehaussements notifiés. Le moyen d'insuffisance de motivation de la proposition de rectification, qui n'est d'ailleurs pas repris en appel, manque par conséquent en fait.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que, pour procéder aux rectifications en litige, l'administration n'a pas écarté d'actes, au motif qu'ils présentaient un caractère fictif ou qu'ils avaient été pris dans le seul but d'éluder l'impôt, mais s'est bornée à constater que le prélèvement par M. E..., sur le compte bancaire de la SARL PA Finances, de sommes placées sur des comptes d'épargne ou d'assurance-vie ouverts à son nom personnel ou celui de son épouse, ne pouvait être justifié par une " convention de placement " n'ayant pas date certaine. Ce faisant, l'administration ne s'est pas placée même implicitement sur le terrain de l'abus de droit fiscal. Par suite, le moyen tiré de ce que les contribuables auraient été privés des garanties attachées à cette procédure, notamment de la possibilité de saisir le comité de l'abus de droit fiscal, ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, M. et Mme E... font valoir que l'administration a manqué à son devoir de loyauté dès lors qu'elle ne pouvait ignorer l'intention de M. E... de restituer ces sommes, ainsi qu'il ressort des échanges qu'il a eus avec le service au cours de l'année 2014. La circonstance que M. E... a interrogé l'administration fiscale sur le traitement fiscal, pour ses enfants bénéficiaires d'une donation des parts sociales évaluées à 300 000 euros, du boni de liquidation de la SARL PA Finances évalué à 360 000 euros, ne caractérise pas l'intention de M. E... de restituer les sommes prélevées en 2012 et 2013 sur l'actif de la société, ni une demande de prise de position du service relative au présent litige. Il s'ensuit que M. et Mme E..., qui n'invoquent pas l'irrégularité de la procédure de contrôle, ne peuvent utilement soutenir que l'administration fiscale n'a pas respecté son devoir de loyauté.
Sur la majoration :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
13. Alors même que l'administration se serait méprise sur les qualifications professionnelles de M. E..., celui-ci ne pouvait ignorer que les sommes de plus de 280 000 euros prélevées sur la trésorerie de la SARL PA Finances ne pouvaient, quels que soit les liens l'unissant aux associés actuels, être placées sur des produits financiers ouverts à son nom personnel et au nom de son épouse. Il s'ensuit que le caractère délibéré du manquement doit être regardé comme établi.
14. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a déchargé M. et Mme E... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, et à demander que ces impositions soient remises à leur charge. Il s'ensuit que les conclusions de M. et Mme E..., au demeurant non chiffrées, tendant à ce que l'Etat supporte leurs frais de procès, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1607710 du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme E... ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 sont remises à leur charge.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme E... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 20VE00743