Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet du Val d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 60 jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à défaut de départ volontaire.
Par une ordonnance n° 2010399 du 22 octobre 2020, la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2020, M. E..., représenté par Me Stambouli, avocate, demande à la cour :
1° de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2° d'annuler l'ordonnance attaquée et de renvoyer le jugement de sa demande au tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3° subsidiairement, d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 ;
4° d'enjoindre au préfet du Val d'Oise de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas irrecevable dès lors que le délai de recours mentionné dans l'arrêté contesté est erroné ;
- en tout état de cause, sa requête a été enregistrée par le tribunal dans le délai de quinze jours mentionné par erreur par le préfet du Val d'Oise ;
- l'arrêté contesté a été signé par une personne dont il n'est pas justifié de la compétence ;
- la décision portant obligation de quitter territoire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure à défaut d'avis médical sur son état de santé ;
- elle procède d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant nigérian né le 24 mars 1966, entré en France irrégulièrement en juillet 2005 selon ses déclarations, a été interpellé lors d'un contrôle d'identité qui a révélé qu'il travaillait sans y être autorisé en infraction à l'article L. 5221-5 du code du travail. Par un arrêté du 25 septembre 2020, le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de soixante jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à défaut de départ volontaire. M. E... relève régulièrement appel l'ordonnance du 22 octobre 2020 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté comme tardive, et par suite manifestement irrecevable, sa demande d'annulation de ces deux décisions.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ".
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer l'admission provisoire de M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) / 8° Si l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu l'article L. 5221-5 du code du travail. (...) / II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ". Le I de l'article L. 512-1 du même code dispose que : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 (...) et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 (...) peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, assortie d'un départ de départ volontaire, sur le fondement du 8° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il travaille en France sans y avoir été autorisé, bénéficie d'un délai de trente jours pour demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision.
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des visas et des motifs de l'arrêté contesté, que l'obligation faite à M. E... de quitter le territoire dans le délai de soixante jours est motivé, au visa du 8° du I de l'articles L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 5221-5 du code du travail, par la circonstance que, lors d'un contrôle effectué le 25 septembre 2020 par la brigade de gendarmerie de Domont, il a été constaté que M. E... travaillait sans titre de séjour. Il s'ensuit que le délai de recours de quinze jours mentionné par erreur dans l'arrêté contesté ne lui était pas opposable et que le requérant est par suite fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen d'irrégularité de l'ordonnance attaquée, que sa demande de première instance, enregistrée au greffe du tribunal le 13 octobre 2020, n'était pas tardive ni irrecevable. A défaut d'irrecevabilité manifeste, l'ordonnance du 22 octobre 2020 est irrégulière et doit être annulée.
8. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le moyen d'incompétence commun aux deux décisions contestées :
9. Par un arrêté n° 19-078 du 2 septembre 2019 modifiant l'arrêté n° 19-028 du 17 juin 2019 donnant délégation de signature à M. D... A..., directeur des migrations et de l'intégration, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise n° 41 du 2 septembre 2019, le préfet du Val d'Oise a donné délégation Mme C... F..., chef de section de l'éloignement/Comex, en cas d'absence ou d'empêchement de M. A..., à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire avec ou sans délai. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 25 septembre 2020 manque en fait.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, l'arrêté du 25 septembre 2020 mentionne les éléments de fait propres à la situation de M. E... ainsi que les circonstances dans lesquelles il a été interpellé, et précise que son éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale dès lors que son épouse et ses enfants résident au Nigéria. Il est suffisamment motivé, alors même qu'il ne précise pas la durée de sa présence en France, ni ne fait état de circonstances particulières relatives à son état de santé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement manque par conséquent en fait, de même que le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. E....
11. En deuxième lieu, si M. E... fait valoir que la décision l'obligeant de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure à défaut d'avis médical sur son état de santé, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
12. En troisième lieu, à supposer que l'ancienneté du séjour de M. E... sur le territoire français depuis juillet 2005 puisse être regardée comme établie, il ne résulte pas de cette seule circonstance que la mesure d'éloignement prise par le préfet du Val d'Oise porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, dès lors qu'il ressort des énonciations non contestées de l'arrêté contesté que l'épouse et les enfants de M. E... résident au Nigéria. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Si M. E..., dont la demande d'asile et les deux demandes de réexamen ont été rejetées par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et dont les recours dirigés contre ces décisions ont été rejetés par la Commission de recours des réfugiés et la Cour nationale du droit d'asile, fait valoir qu'il serait exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Nigéria, du fait de sa confession chrétienne, il n'assortit cette allégation d'aucune précision ni élément de preuve. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, qu'être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. E... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : M. E... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : L'ordonnance du 22 octobre 2020 de la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.
Article 3 : La demande de M. E... est rejetée.
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N° 20VE02972