Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, enregistrée sous le n° 1702071, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010 et des pénalités correspondantes.
Par une seconde demande, enregistrée sous le n°1702072, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement nos 1702071, 1702072 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a, d'une part, constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 1702071, à concurrence des dégrèvements de cotisations supplémentaires de cotisations sociales prononcés par la directrice départementale des finances publiques du Val-d'Oise le
23 août 2017, correspondant à l'application du coefficient de 1,25, prévu au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, aux bases d'imposition de ces contributions, et, d'autre part, rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2019, et un mémoire en réplique, enregistrés le
16 juin 2020, M. B..., représenté par Me Biagini, avocat, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux restant à sa charge au titre des années 2008 à 2010.
Il soutient que :
- la proposition de rectification n'est pas motivée conformément aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, d'une part, pour ce qui concerne les prélèvements sociaux et, d'autre part, dans la mesure où la proposition de rectification adressée à la SARL Madison n'était pas jointe à la proposition de rectification qui lui a été notifiée et qui y faisait référence ;
- le dégrèvement accordé par l'administration au titre des années 2005 et 2006, pour lesquelles les rectifications étaient fondées sur les mêmes motifs, constitue une prise de position formelle de l'administration sur la tenue de sa comptabilité et les rectifications envisagées, dont il peut se prévaloir en application du principe de loyauté ;
- les éléments relevés par le service vérificateur dans le cadre du contrôle de la SARL Madison étaient insuffisants pour rejeter sa comptabilité comme étant dépourvue de caractère probant, en particulier au regard du non-respect des dispositions de l'article L. 102 B du code général des impôts relatives à la conservation des données informatiques, de la faiblesse de la marge brute, de la ventilation par moyen de paiement et de la comptabilité matière laquelle ne tient pas compte des conditions d'exploitation, des variations saisonnières et des incidents ;
- aucun procès-verbal de rejet de la comptabilité de la SARL Madison ne lui a été communiqué ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée et excessivement sommaire dans la mesure où elle se fonde sur des décades choisies au hasard qui ne reflètent pas les conditions d'exploitation du commerce, des variations saisonnières et des incidents, lesquels nécessitent des stocks importants ; en outre, certains produits ont des durées de vie très courtes ; les conditions de représentativité de l'activité et de pondération en fonction de la part dans le chiffre d'affaires, requises pour utiliser la méthode des relevés de prix, ne sont pas remplies ; les spécificités des conditions d'activité n'ont pas été prises en compte aboutissant à un calcul des marges erroné ; la réfaction retenue au titre des offerts, pertes et consommations du personnel est trop faible et le chiffre d'affaires reconstitué exagéré ;
- l'administration fiscale ne démontre pas qu'il aurait appréhendé les sommes réputées distribuées en application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts ; sa qualité de seul maître de l'affaire n'est pas établie ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré ne repose que sur les agissements de la société et non sur des manquements qui lui seraient personnellement imputables.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Madison, qui exploitait une activité de vente à emporter de sandwichs, viennoiseries et boissons, en gare d'Austerlitz à Paris, avait pour gérant de droit M. B... et était détenue à 100 % par la SARL Royal, elle-même détenue à 99 % par ce dernier. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SARL Madison, l'administration, après avoir rejeté sa comptabilité comme non probante, a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires qui a révélé l'existence de minoration de recettes. Ces sommes ni déclarées ni comptabilisées ont été regardées comme constitutives de revenus distribués au profit de M. B..., en sa qualité de maître de l'affaire, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et imposées entre ses mains, selon la procédure contradictoire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. B... s'est ainsi vu notifier des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 à 2010, résultant de la réintégration de l'ensemble de ces sommes au sein de son revenu imposable. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 28 mai 2019, en tant qu'il lui est défavorable, et sollicite la décharge des impositions restant à sa charge au titre de ces années, pour des montants globaux de 421 544 euros au titre de l'impôt sur le revenu et 99 101 euros au titre des prélèvements sociaux.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) " et aux termes de l'article R.* 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
3. D'une part, si M. B... soutient que la proposition de rectification du
22 décembre 2011 est insuffisamment motivée en ce qui concerne les prélèvements sociaux mis à sa charge, il résulte des termes mêmes de ce document qu'il mentionne le fondement légal, le taux et le montant des contributions sociales assignées à l'intéressé. Dans ces conditions, l'administration fiscale, qui n'avait pas à faire état d'une motivation spécifique ni même à réitérer celle de la rectification de la base imposable en matière d'impôt sur le revenu, a suffisamment motivé la proposition de rectification sur ce point.
4. D'autre part, la proposition de rectification du 22 décembre 2011 mentionne en sa page 3 " vous trouverez ci-joint la copie de la proposition de rectification adressée à la SARL Madison, détaillant les chiffres d'affaires reconstitués, en annexe de la présente proposition ". A supposer même qu'en dépit de ces indications, la proposition de rectification de la SARL Madison n'aurait pas été jointe à la proposition de rectification notifiée à M. B... le
26 décembre 2011, ainsi qu'il ressort des mentions de l'accusé de réception, lequel précise d'ailleurs " 2120 15 feuilles + 55 pages ", il appartenait à l'intéressé d'accomplir les diligences nécessaires pour obtenir la communication du document prétendument manquant, ce qu'il n'établit ni même n'allègue avoir fait. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification qui lui a été notifiée était incomplète. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté en ses deux branches.
5. En second lieu, les moyens contestant la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont inopérants au regard des impositions mises à la charge de l'un de ses associés ou gérants. Par suite, M. B... ne saurait utilement soutenir qu'aucun procès-verbal de rejet de la comptabilité de la SARL Madison ne lui aurait été communiqué.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'existence ainsi que du montant des sommes regardées comme distribuées et que le contribuable en a effectivement disposé. Toutefois, ce dernier qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
S'agissant de l'existence et du montant des revenus regardés comme distribués :
7. En premier lieu, pour écarter comme dépourvue de caractère probant la comptabilité de la SARL Madison, l'administration fiscale a constaté que la comptabilité de la SARL Madison était tenue au moyen d'un système informatisé dans lequel les recettes de la société étaient enregistrées en fin de mois par le comptable à partir d'un récapitulatif quotidien établi par le gérant au moyen de la caisse enregistreuse informatique. Le vérificateur a relevé qu'une remise à zéro supprimant les données était générée quotidiennement et, par conséquent, qu'aucun fichier informatique correspondant à la période vérifiée n'avait été conservé, en méconnaissance des dispositions des articles 54 du code général des impôts et L. 102 B du livre des procédures fiscales. Si M. B... soutient que cette remise à zéro serait sans incidence sur la mémoire de caisse qui ne se trouverait ainsi pas altérée et qu'il a remis l'ensemble des documents comptables au format papier, il n'apporte toutefois aucun élément au soutien de cette allégation. S'il est vrai que les documents justificatifs ont été présentés au vérificateur sous forme papier, il résulte de l'instruction que les bandes de caisse ne faisaient apparaître ni les heures d'ouverture et de fermeture de la caisse, ni la ventilation selon les moyens de paiement, ce qui en l'absence d'un brouillard de caisse et alors que les remises espèces étaient enregistrées globalement tous les dix ou quinze jours, rendait impossible toute vérification de la régularité et de l'exactitude du compte de caisse. Par ailleurs, si l'intéressé fait valoir s'agissant des mentions manquantes sur les tickets de caisse, que le moyen de paiement en espèces peut se déduire de la simple indication d'un rendu-monnaie sur ces tickets et à supposer même que les paiements par chèques soient exceptionnels, ces circonstances ne sont pas nature à contredire les constatations de l'administration selon lesquelles les opérations de caisse de la société en cause n'avaient pas été ventilées par moyens de paiement. L'administration fiscale a également retenu que la comptabilité matière de la SARL Madison présentait des anomalies dans la mesure où la comparaison entre les quantités achetées de denrées périssables à court terme et les quantités revendues, effectuée sur dix décades tenant compte à la fois de la variété et du nombre de produits proposés à la vente et des variations saisonnières ainsi que des vacances scolaires, révélait des discordances très importantes, pouvant aller jusqu'à 70 % voire 90 % de marchandises achetées en plus par rapport à celles vendues, laissant présumer que toutes les ventes n'avaient pas été comptabilisées. Si M. B... conteste les périodes retenues par le service, il résulte de l'instruction que les deux décades proposées par la société comme étant plus représentatives, soit fin décembre 2008 et mi-avril 2010, ont également mis en évidence des discordances significatives entre les produits périssables achetés et ceux comptabilisés comme vendus, sans que les allégations relatives aux pertes quotidiennes de denrées périssables ne puissent, à elles seules, expliquer de telles discordances. Le requérant n'apporte en effet aucun élément pour établir que les sandwichs et les viennoiseries non vendus le matin seraient systématiquement jetés l'après-midi pour des raisons d'hygiène, comme il le soutient, alors que l'administration fait valoir sans être contredite qu'une seule livraison avait lieu le matin et que les tickets de caisse attestent de ventes de viennoiseries l'après-midi. Enfin, les coefficients de marge brute résultant de la comptabilité de la SARL Madison sont apparus très inférieurs aux coefficients reconstitués par le service et issus des pièces présentées à l'appui des tableaux comptables. Si le requérant se prévaut des conditions particulières d'exploitation inhérentes à une gare et à la concurrence de grandes enseignes, il n'apporte toutefois aucun élément quant à l'incidence de ces circonstances sur le taux de marge brute de la société.
8. Au vu de l'ensemble de ces éléments, qui constituent des indices précis et concordants, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que la comptabilité présentée par la SARL Madison au titre des exercices contrôlés n'a pas enregistré tous les éléments de l'activité et, par suite, de son défaut de caractère probant.
9. En second lieu, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL Madison, l'administration fiscale s'est fondée sur la méthode dite de la comptabilité matière, consistant à déterminer les quantités revendues à partir des quantités achetées, compte tenu de la variation de stock, et à leur appliquer le tarif de vente correspondant, sous déduction d'une quote-part représentative des pertes et consommations du personnel. M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en œuvre par l'administration serait radicalement viciée et excessivement sommaire et aboutirait à un résultat surévalué dans la mesure où elle se fonde sur des décades choisies au hasard qui ne reflètent pas les conditions d'exploitation spécifiques de la SARL Madison et où la réfaction retenue au titre des offerts, pertes et consommations du personnel est insuffisante. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise au point 9. de son jugement.
S'agissant de l'appréhension des revenus distribués :
10. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté qu'au cours de la période contrôlée, M. B... était gérant et associé à hauteur de 99 % des parts de la SARL Royal, qui
elle-même détenait 100 % de la SARL Madison. En outre, il était dirigeant de droit de cette dernière société dont il disposait de la signature sociale, recrutait et gérait le personnel, et était, à ce titre, également responsable de la marche commerciale et technique de la société. Par ailleurs, il détenait l'unique clé dite " manager " permettant d'effectuer des opérations spécifiques sur la caisse enregistreuse et était ainsi le seul habilité à éditer les tickets Z et les bandes caisses journalières. Enfin, il détenait la signature bancaire sur l'unique compte de la SARL Madison et assurait de manière exclusive les remises d'espèces. Dans ces conditions, et alors même qu'il n'était pas directement associé de la société, le service établit, ainsi qu'il lui incombe et sans porter atteinte au principe d'indépendance des procédures d'imposition entre une société et ses associés, que M. B... était le seul maître de l'affaire, et qu'en cette qualité, il était présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. C'est par suite à bon droit que, l'administration a imposé ces sommes entre les mains de M. B... sur le fondement de 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
En ce qui concerne l'application de la doctrine :
11. En se bornant à soutenir qu'il a obtenu le dégrèvement total d'impositions mises à sa charge pour les mêmes motifs au titre des années 2005 et 2006, sans produire la décision correspondante, M. B..., n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, l'existence d'une prise de position formelle qui serait opposable à l'administration fiscale sur le fondement de l'article
L. 80 B du livre des procédures fiscales. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de loyauté doit être écarté.
Sur les pénalités :
12. M. B... reprend en appel les mêmes arguments qu'en première instance pour soutenir que la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts reposerait sur des agissements de la SARL Madison et non sur des manquements qui lui seraient personnellement imputables, sans toutefois apporter d'éléments nouveaux. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise au point 12. de son jugement.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.
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N° 19VE02837