Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus, et de contributions sociales, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n°1812832 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des contributions sociales et rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 06 août 2020, M. et Mme A... représentés par Me Glebocki, avocat, demandent à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions restant à leur charge ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A... soutiennent que :
- la procédure fiscale est irrégulière dès lors que la procédure n'a pas été suivie à l'encontre de Madame A..., alors qu'elle est titulaire de la moitié des revenus.
- le produit de la cession des logiciels n'est pas imposable en France dès lors qu'il ne relève pas de l'article 10 paragraphe 2 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, mais de l'article 18 de la même convention.
- ils ne disposaient pas d'établissement stable en France au moment de la cession des logiciels.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg du 1er avril 1958 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Beaujard, président,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... résidait au Luxembourg depuis le 1er septembre 2012 lorsqu'il a conclu, le 31 octobre 2012, avec la société d'affrètement et de transit (SAS SAT), établie en France deux contrats de cession portant sur des logiciels, pour un montant de deux millions d'euros. Par proposition de rectification du 17 décembre 2015, l'administration fiscale a soumis le produit de ces cessions de logiciels à l'impôt sur le revenu, à la contribution sur les hauts revenus et aux contributions sociales en France au titre de l'année 2012. Le tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des contributions sociales, pour un montant de 347 200 euros, a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il ne leur a pas donné entière satisfaction.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales : " Les procédures de fixation des bases d'imposition ou de rectification des déclarations relatives aux revenus provenant d'une activité dont les produits relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, ou des revenus visés à l'article 62 du code général des impôts, sont suivies entre l'administration des impôts et celui des époux titulaires des revenus. Ces procédures produisent directement effet pour la détermination du revenu global. ". Aux termes de l'article L. 54 A du même livre : " Sous réserve des dispositions des articles L. 9 et L. 54, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre ".
3. Si le contrat de cession a été effectivement signé par M. et Mme A..., seul M. A... est désigné dans cet acte comme étant le cédant et le titulaire des droits de propriété intellectuelle sur des logiciels. Dès lors, c'est à bon droit que la procédure a été suivie uniquement avec lui. Le revenu de la cession ayant pour conséquence de modifier l'ensemble des revenus du foyer, chacun des époux a cependant qualité pour suivre les procédures. Par suite, Mme A... n'ayant pas été privée des garanties des droits de la défense, la procédure n'a été entachée d'aucune irrégularité du fait que les actes de procédure ont été notifiés à M. A....
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 164 A du code général des impôts : " Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France (...). " Aux termes du II b de l'article 164 B en vigueur au moment de l'imposition du même code : " Sont également considérés comme revenus de source française / (...) b. Les produits définis à l'article 92 et perçus par les inventeurs ou au titre de droits d'auteur, ceux perçus par les obtenteurs de nouvelles variétés végétales au sens des articles L. 623-1 à L. 623-35 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que tous les produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés ". Aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. 2. Ces bénéfices comprennent notamment : [...] 3° Les produits perçus par les inventeurs au titre soit de la concession de licences d'exploitation de leurs brevets, soit de la cession ou concession de marques de produits ou de services, procédés ou formules de fabrication ".
6. Il résulte de l'instruction, et il n'est au demeurant pas contesté par les contribuables, que les revenus en litige sont des revenus de source française, perçus par des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France, et, qu'ils sont par suite imposables en France par application des dispositions combinées des articles 164 A, 164 B, et 92 précités du code général des impôts.
En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise :
7. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 10 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 27 décembre 1958 : " Les droits d'auteur ainsi que les produits ou redevances (royalties) provenant de la vente ou de la concession de licences d'exploitation de brevets, marques de fabrique, procédés et formules secrets qui sont payés dans l'un des deux Etats contractants à une personne ayant son domicile fiscal dans l'autre Etat sont imposables dans ce dernier Etat, à la condition que ladite personne n'exerce pas son activité dans le premier Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable ".
8. D'une part, les termes d'une convention internationale doivent, sauf stipulations contraires, être entendus dans le sens de la législation nationale de l'Etat qui applique la convention. Aux termes de l'article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle : " Sont considérés notamment comme œuvres de l'esprit au sens du présent code : (...) / 13° Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ". Et aux termes de l'article L. 111-1 du même code : " L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les logiciels sont des œuvres de l'esprit, protégées à ce titre par le droit d'auteur au sens de la législation française. Le paragraphe 2 de l'article 10 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise leur est ainsi applicable.
9. D'autre part, il résulte des stipulations de la convention précitée que, en cas de paiement en France de droits d'auteurs à une personne résidant au Luxembourg, l'imposition incombe au Luxembourg, sauf si le revenu a été acquis grâce à un établissement stable situé en France. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'exigence d'un établissement stable en France ne doit être établie qu'en ce qui concerne M. A..., seule personne du foyer fiscal à avoir eu une activité de vente de logiciel, et non également à l'égard de Mme A.... Il résulte de l'instruction que l'activité de M. A... s'est exercée dans le cadre de la société Logicek, qui disposait des moyens matériels et humains à cet effet, ayant notamment recruté deux analystes-programmeurs, et que M. A... dirigeait. La société Logicek est d'ailleurs intervenue volontairement à l'acte de cession, peu important la circonstance, au demeurant non établie, que cette dernière ait cessé son activité après la vente. Ainsi, la société Logicek constituait un établissement stable en France, au sens du paragraphe 2 de l'article 10 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 27 décembre 1958. C'est par suite à bon droit qu'en application de ces stipulations, la cession des logiciels a fait l'objet d'une imposition en France.
Sur les pénalités :
10. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable (...), donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires (...). / II.- Cette majoration n'est pas applicable : a) En cas de régularisation spontanée ou lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) ".
11. La proposition de rectification adressée le 17 décembre 2015 à M. A... cite les textes applicables, fait état de ce que les requérants se prévalent de la qualité de non-résidents du fait de leur installation au Luxembourg, et constate l'absence de déclaration par les intéressés de leurs revenus au titre des quatre derniers mois de l'année 2012. Le moyen tiré du défaut de motivation de la pénalité manque ainsi en fait.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de
Montreuil a rejeté leur demande. Il s'ensuit que leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
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N° 20VE01939