Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Miroir a demandé au tribunal administratif de Montreuil, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la commune de Stains à lui verser une indemnité totale de 83 173,70 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'annulation du spectacle prévu à l'espace culturel municipal Paul Eluard le 17 décembre 2016 et de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1801708 du 20 décembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 24 février 2020 et 28 mai 2021, l'association Miroir, représentée par Me Danguy, son liquidateur judiciaire, et par Me Mabile et Me Cambiaire, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Stains à lui verser une indemnité totale de 83 173,70 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'annulation du spectacle prévu à l'espace culturel municipal Paul Eluard le 17 décembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ne mentionnant pas la tenue d'une première audience le 3 octobre 2019, la demande de pièces adressée le même jour à la commune de Stains et le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure dans son jugement, le tribunal administratif a entaché celui-ci d'irrégularité ;
- en se fondant, pour rejeter la demande, sur les pièces complémentaires que la commune de Stains lui a communiquées à sa demande, le tribunal administratif a méconnu les principes d'impartialité et d'égalité des armes et, par suite, entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas répondu aux moyens tirés de ce que la commune de Stains a, d'une part, commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en annulant le spectacle quelques minutes seulement avant la représentation prévue et a, d'autre part, engagé, même en l'absence de contrat, sa responsabilité extracontractuelle en ne respectant pas sa promesse antérieure consistant à mettre cette salle à sa disposition ;
- le jugement attaqué est également entaché d'erreurs d'appréciation des faits et d'erreurs de droit ;
- en n'effectuant pas de diligences suffisantes pour remédier aux conséquences de la fuite survenue sur une colonne d'eau usée située au sein de l'espace Paul Eluard avant le spectacle programmé et en annulant ce dernier quelques minutes seulement avant l'heure prévue, la commune de Stains, avec qui elle était liée par contrat verbal, a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle ;
- subsidiairement, en ne respectant pas la promesse de mettre cette salle à sa disposition, la responsabilité extracontractuelle de la commune est engagée ;
- subsidiairement, en n'effectuant pas les diligences susmentionnées pour que le spectacle programmé puisse se tenir, la commune a engagé sa responsabilité pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public ;
- dès lors que le sinistre en cause ne constitue pas un évènement de force majeure, la commune ne peut se prévaloir de cette cause d'exonération ;
- les fautes commises par la commune lui ont directement causé des préjudices financiers à hauteur de 38 173,71 euros, ainsi qu'un préjudice moral évalué à 5 000 euros, et lui ont fait perdre une chance sérieuse d'obtenir des subventions pour l'année 2017, préjudice chiffré à 40 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutain ;
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Taulet, pour la commune de Stains.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Miroir, association culturelle fondée en 2011, a créé un spectacle intitulé " Miroir Citoyen ", qui a été inscrit par la commune de Stains au programme de sa saison culturelle 2016-2017 et qui devait se tenir, le 17 décembre 2016 à 20h, à l'espace culturel municipal Paul Eluard. A la suite de l'inondation de cette salle, survenue le 17 décembre 2016 au matin, le maire de Stains a décidé, en fin de journée, d'annuler le spectacle pour des raisons de sécurité. Après vaine réclamation indemnitaire préalable, l'association Miroir a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Stains à lui verser une indemnité totale de 83 173,70 euros en réparation des préjudices que lui aurait causés cette annulation. Par un jugement du 20 décembre 2019, dont l'association Miroir relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, ni les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, relatives aux mentions que doivent obligatoirement comporter les jugements, ni aucune règle de procédure n'imposaient au tribunal administratif de faire mention, dans le jugement attaqué, de l'audience du 3 octobre 2019 à l'issue de laquelle l'affaire a été rayée et l'instruction rouverte, de ce renvoi à une audience ultérieure, ou encore du supplément d'instruction diligenté le même jour par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient (...), le rapporteur (...) peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ".
4. En l'espèce, il était loisible au tribunal administratif, par application des dispositions précitées, de diligenter, comme il l'a fait le 3 octobre 2019 après la première audience mentionnée au point 2, un supplément d'instruction afin que la commune de Stains verse au dossier une copie lisible de ses pièces n° 3 et 4 déjà produites, ainsi que tout document attestant d'une intervention de ses services le jour du spectacle prévu le 17 décembre 2016, justificatifs dont il n'est pas contesté qu'ils étaient utiles à la solution du litige dès lors que la réalité de cette intervention était débattue entre les parties. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'association Miroir, un tel supplément d'instruction, qui aurait d'ailleurs pu s'avérer infructueux, ne saurait en lui-même révéler une méconnaissance par les premiers juges des principes d'impartialité et d'égalité des armes, alors surtout que les pièces produites en réponse par la commune ont ensuite été régulièrement soumises au contradictoire.
5. En troisième lieu, le tribunal administratif a examiné le moyen fondé sur la responsabilité contractuelle de la commune de Stains au point 2 du jugement attaqué. Celui-ci retient que cette commune s'était effectivement engagée à mettre l'espace Paul Eluard à disposition de l'association Miroir le 17 décembre 2016, afin que soit tenu le spectacle " Miroir Citoyen ". Il expose ensuite, de manière détaillée, les raisons pour lesquelles le tribunal administratif a estimé que cette commune, en dépit des diligences accomplies durant cette journée pour mettre fin à l'inondation constatée, le matin même, en raison de la rupture d'une canalisation d'eaux usées desservant les logements situés au-dessus de la salle, avait dû, compte tenu du risque électrique occasionné par la subsistance d'eau stagnante, se résoudre finalement à annuler le spectacle en fin de journée. Il en déduit, enfin, que cette annulation procèderait d'un " fait du tiers " et ne révèlerait l'existence d'aucune faute contractuelle susceptible d'engager la responsabilité de la commune. Dans ces conditions, en décrivant précisément les diligences effectuées par la commune dans la journée du 17 décembre 2016 et en écartant l'existence de toute faute contractuelle, le tribunal doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement écarté l'argumentation tirée du caractère fautif de l'annulation tardive du spectacle. Ainsi, quel que soit le bien-fondé de ces motifs, le jugement attaqué est, sur ce point, suffisamment motivé.
6. En quatrième lieu, il ressort du dossier de première instance que l'association Miroir soutenait subsidiairement que, même à écarter l'existence d'un engagement contractuel l'ayant liée à la commune de Stains, cette dernière, en annulant le spectacle dans les conditions déjà décrites, avait méconnu sa promesse de mettre la salle en cause à sa disposition. Or le tribunal administratif, ainsi qu'il a été dit au point 5, a retenu l'existence d'un tel engagement contractuel. Dès lors, il n'était pas tenu, contrairement à ce que soutient l'association Miroir, de répondre à ce moyen subsidiaire.
7. En dernier lieu, si l'association Miroir soutient que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs d'appréciation des faits et d'erreurs de droit, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à affecter la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
8. D'une part, il est constant qu'à la date du 17 décembre 2016, le local constituant l'espace culturel municipal Paul Eluard était propriété d'un office d'habitations à loyers modérés, qui l'avait loué à la commune de Stains. D'autre part, il résulte de l'instruction que cette commune, qui disposait ainsi de l'usage de ce bien en qualité de locataire, avait inscrit le spectacle " Miroir Citoyen " au programme de sa saison culturelle 2016-2017 et avait, pour ce faire, accepté de mettre l'espace Paul Eluard à la disposition gratuite de l'association Miroir, le 17 décembre 2016, en contrepartie de la représentation gratuite de cette pièce de théâtre, qui devait d'ailleurs être précédée d'un discours du maire de Stains. Dans ces conditions, la commune de Stains doit, nonobstant l'absence de convention écrite ou de décision formalisée de passer un contrat, être regardée comme s'étant contractuellement engagée avec l'association Miroir en vue de cette mise à disposition, aux conditions et à la date ainsi convenues. Dès lors, en annulant ce spectacle le jour dit, la commune de Stains a méconnu cet engagement. Par suite, l'association Miroir est fondée à soutenir que cette annulation est susceptible d'engager la responsabilité contractuelle de la commune de Stains. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens subsidiairement invoqués par la requérante sur le fondement extracontractuel et tirés de ce que la responsabilité pour faute de cette commune serait engagée à raison, d'une part, d'une promesse non tenue et, d'autre part, du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public.
9. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'inondation de l'espace culturel municipal Paul Eluard survenue le 17 décembre 2016 au matin a été causée par la rupture d'une canalisation d'eaux usées desservant les logements situés au-dessus de ce local. Si l'association Miroir soutient que cette fuite se serait produite sur une partie de cette canalisation située au sein de l'espace Paul Eluard, ce que conteste la commune de Stains, cette dernière fait valoir, sans être utilement contredite, que les réparations et l'entretien d'une telle canalisation incombaient, en tout état de cause, exclusivement à l'office HLM propriétaire de l'ensemble de l'immeuble, en vertu du bail qu'elle avait conclu avec ce dernier. Dès lors, cette fuite, ainsi que l'inondation qu'elle a consécutivement provoquée, doivent être regardées comme procédant d'un évènement extérieur à la commune de Stains, locataire victime de ce dégât des eaux. Par ailleurs, si l'association Miroir prétend que cet évènement n'aurait pas été imprévisible, aucun élément ni aucune pièce ne permet de corroborer le bien-fondé de cette affirmation, alors que la commune fait valoir qu'un tel sinistre ne s'était jamais produit auparavant au sein de l'espace Paul Eluard. Enfin, il résulte de l'instruction qu'alertée de cette inondation le 17 décembre 2016, la commune de Stains a fait intervenir sur place, dès le matin, un agent de son équipe d'astreinte, pour procéder à une première inspection et entreprendre un " dégorgement " des locaux. Cette opération s'étant avérée infructueuse, la commune a sollicité et obtenu, en urgence, l'intervention de la société Curage industriel de Gonesse, entreprise d'assainissement qui, le jour même à 15h30, a diligenté une recherche complémentaire, sans déceler de fuite provenant des toilettes ou du réseau d'eau propres à l'espace Paul Eluard, et a réalisé, en fin de journée, les travaux de pompage nécessaires à l'évacuation des eaux stagnantes, notamment à proximité des panneaux électriques. Dans ces conditions, un tel sinistre, survenu le jour même de la représentation prévue à 20h, auquel il s'avérait, malgré toutes les diligences ainsi effectuées, impossible de remédier avant ce spectacle et qui imposait, en raison de ces risques électriques, d'annuler celui-ci pour des raisons de sécurité non contestées, présentait alors, pour la commune de Stains, un caractère irrésistible. Par conséquent, cette inondation a constitué, comme le soutient la commune de Stains, un évènement de force majeure exonérant celle-ci de sa responsabilité.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Miroir n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Stains, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'association Miroir d'une somme en remboursement des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
12. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Stains sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Miroir est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Stains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 20VE00660 2