Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2000738 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 juillet 2020 et 26 juin 2021, M. A..., représenté par Me Agossou, avocat, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier au regard du droit à un procès équitable dès lors qu'il a été privé de l'assistance d'un avocat alors qu'il a déposé une demande d'aide juridictionnelle provisoire dès le 7 février 2020, laquelle a été réceptionnée le 10 février 2020 ;
- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard de son état de santé et des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'établissant pas l'existence de soins appropriés dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 511-4 10° et L. 521-3 5° du même code.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bonfils a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant béninois né le 21 novembre 1981 à Cotonou (Bénin), entré en France le 4 mai 2017 sous couvert d'un visa court séjour, a demandé son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 novembre 2019, le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 décembre 2020. Par suite, ses conclusions à fin d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'accès à la justice et au droit est assuré dans les conditions prévues par la présente loi. L'aide juridique comprend l'aide juridictionnelle (...) ". Aux termes de l'article R. 441-1 du code de justice administrative : " Les parties peuvent, le cas échéant, réclamer le bénéfice de l'aide juridictionnelle prévue par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. ". Les dispositions du deuxième alinéa du I. de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui indiquent que : " L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. (...) " dérogent à la règle générale fixée par l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 qui dispose que : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ".
4. La demande de M. A... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2020. L'intéressé n'a demandé l'aide juridictionnelle que le 7 février 2020, soit postérieurement à l'introduction de sa demande. Les dispositions précitées du deuxième alinéa du I. de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer un délai de recours contre une décision administrative au sens des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, étaient opposables à l'intéressé alors même que la règle qu'elles prévoient n'était pas rappelée dans l'arrêté attaqué. Par suite, la demande d'aide juridictionnelle de M. A... était tardive et devait nécessairement être rejetée en application des dispositions précitées du I. de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le tribunal a pu régulièrement statuer sur cette demande sans surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle compétent. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au procès équitable, en raison de la violation des droits de la défense, doit être écarté.
5. En second lieu, M. A... n'ayant pas invoqué en première instance de moyen tiré des menaces dont il ferait l'objet en cas de retour dans son pays d'origine, ni de moyen relatif à la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer en n'y répondant pas. En outre, les juges de première instance se sont prononcés sur l'ensemble des éléments portés à leur connaissance et relatifs à l'état de santé et à la situation professionnelle du demandeur. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
6. En premier lieu, par l'article 1er de l'arrêté n° 2019-PREF-DCPPAT BCA-160 du 30 août 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Essonne n° 095 du 30 août 2019, la sous-préfète d'Etampes, signataire de l'arrêté en litige, a reçu délégation à l'effet de signer notamment les décisions en litige. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité délégante n'était pas absente ou empêchée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.
7. En second lieu, la décision de refus de titre de séjour en litige, prise au visa notamment du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se prononce sur les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M. A..., notamment son état de santé et les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, elle est suffisamment motivée.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision portant refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
10. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Essonne s'est fondé sur l'avis émis le 26 septembre 2019 par le collège de médecins de l'OFII, qu'il a fait sien, aux termes duquel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard toutefois à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Au vu des règles de preuve rappelées au point précédent, et contrairement à ce qu'il est soutenu, le préfet doit être regardé comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'absence d'accès à des soins appropriés dans son pays d'origine.
11. Si M. A... établit avoir été amputé des quatre doigts de la main gauche, être régulièrement suivi pour la prothèse dont il bénéficie, et souffrir d'un syndrome de stress post-traumatique grave, les certificats médicaux qu'il produit font état d'un état dépressif également lié à la situation administrative dans laquelle se trouve le requérant et à la perspective d'un retour dans son pays d'origine. Ces documents, y compris le certificat daté du 11 mars 2020 relatif à la pathologie cardiaque dont souffre également M. A..., ne sont nullement circonstanciés quant à l'impossibilité alléguée, pour l'intéressé, de bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Bénin et ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII. Par suite, en refusant au requérant la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé, le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'erreur de fait ou d'erreur de droit au regard des dispositions de cet article.
12. En deuxième lieu, le requérant fait également valoir que depuis une décision du 17 juillet 2018 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la maison départementale des personnes handicapées de l'Essonne, il s'est vu reconnaitre la qualité de travailleur handicapé pour la période du 17 octobre 2018 au 16 juillet 2023 et qu'il travaille en contrat à durée indéterminé à temps partiel. Toutefois, l'intéressé, qui est célibataire et sans attache familiale sur le territoire français, a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 36 ans. Dans ces conditions, et au vu de ce qui a été dit au point précédent, la décision de refus de titre de séjour en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
13. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, en refusant de délivrer un titre de séjour pour raison de santé à M. A..., le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 de l'arrêt, et dès lors que l'avis du collège des médecins de l'OFII a indiqué que l'état de santé de M. A... peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine, que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. En deuxième lieu, au soutien de la contestation de la décision en litige, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code, lesquelles ne constituent pas le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ni de celles de l'article L. 521-3-5 du même code, relatives à la procédure d'expulsion dont il n'est pas fait application en l'espèce.
17. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. M. A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il serait exposé à des risques actuels, personnels et réels de peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Bénin, alors que l'intéressé est d'ailleurs débouté du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ayant rejeté sa demande d'asile par une décision du 28 février 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 29 octobre 2018. A supposer que le requérant ait entendu soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a pour conséquence d'interrompre la prise en charge médicale dont il fait l'objet en France, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'état de santé du requérant lui permet de voyager et, d'autre part, il n'est pas établi que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine ou dans tout pays dans lequel il serait légalement admissible. Par conséquent, et en tout état de cause, la décision en litige n'a pas pour effet d'exposer M. A... à un risque de traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2019 du préfet de l'Essonne. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. A....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
2
N° 20VE01594