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29/03/2022 | FRANCE | N°20VE02967

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 mars 2022, 20VE02967


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 du préfet de police prononçant son expulsion du territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible.

Par un jugement n° 1902779 du 24 juin 2019 le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2020 et le 6 ju

in 2021, M. A..., représenté par Me Bories, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 du préfet de police prononçant son expulsion du territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible.

Par un jugement n° 1902779 du 24 juin 2019 le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2020 et le 6 juin 2021, M. A..., représenté par Me Bories, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler l'arrêté contesté ;

3° d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail dans le délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet de police n'était pas territorialement compétent pour prendre les décisions portant expulsion et fixation du pays de destination ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- il est disproportionné, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par une ordonnance du 22 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 21 janvier 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Le préfet de police a produit un mémoire le 11 mars 2022, après clôture de l'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant mauritanien né le 28 novembre 1994, entré en France dans le cadre du regroupement familial le 17 juin 2010, alors qu'il était âgé de 15 ans, pour rejoindre son père, titulaire d'une carte de résident, a fait l'objet de plusieurs condamnations correctionnelles. Par un arrêté du 24 octobre 2018, conforme à l'avis du 26 juin 2018 de la commission d'expulsion, le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français et fixé le pays de destination de son éloignement. M. A... relève régulièrement appel du jugement du 24 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ".

Sur la légalité externe :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : / 1° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative (...) ". Selon les articles R. 522-1 et R. 523-1 du même code, l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 521-1, et prendre la destination fixant le pays de renvoi, après accomplissement des formalités prévues à l'article L. 522-1, est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Enfin, l'article R. 522-4 de ce code dispose : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'étranger à l'encontre duquel une procédure d'expulsion est engagée doit en être avisé au moyen d'un bulletin spécial. / La notification est effectuée à la diligence du préfet du département où est située la résidence de l'étranger ou, si ce dernier est détenu dans un établissement pénitentiaire, du préfet du département où est situé cet établissement. A Paris, le préfet compétent est le préfet de police. "

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le préfet de police a adressé à M. A... le bulletin spécial engageant à son encontre la procédure d'expulsion prévue à l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 9 octobre 2017, celui-ci résidait chez ses parents à Paris. Le préfet de police était par suite compétent pour engager cette procédure et la mener à son terme. Il a ainsi pu, sans méconnaître sa compétence territoriale, prendre, après avis de la commission d'expulsion, les décisions d'expulsion de fixation du pays de destination, alors même que M. A..., incarcéré depuis le 6 février 2018, était toujours détenu à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis à la date de l'arrêté contesté. Il s'ensuit que le moyen d'incompétence territoriale du préfet de police doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

6. L'arrêté contesté vise les textes applicables et l'avis de la commission d'expulsion, et fait état des condamnations pénales prononcées à l'encontre de M. A... au vu desquelles le préfet de police a estimé que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public. Il est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il ne précise pas sa date d'entrée en France ni ses liens familiaux. Il ressort également de ces motifs que le préfet de police a pris en compte l'ensemble de son comportement et l'absence d'atteinte manifestement disproportionnée à sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen particulier manquent également en fait.

Sur la légalité interne :

7. Aux termes du 1 de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans et 500 euros d'amende pour vol aggravé par deux circonstances le 27 juin 2013 par le tribunal correctionnel de Paris, à deux mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans pour vol avec destruction ou dégradation le 27 juillet 2013 par le tribunal correctionnel de Paris, à deux mois d'emprisonnement pour vol aggravé par deux circonstances dont la récidive, le 22 mai 2014 par le tribunal correctionnel de Nanterre, à un an d'emprisonnement pour vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé, détention non autorisée de stupéfiants et usage illicite de stupéfiants le 13 mai 2015 par le tribunal correctionnel de Paris, à un an d'emprisonnement pour vol en réunion, dégradation ou détérioration du bien d'autrui commise en réunion, violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours le 25 janvier 2016 par le tribunal correctionnel de Paris et, entre sa convocation à la commission d'expulsion et l'avis de celle-ci, à douze mois d'emprisonnement pour vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance en récidive et rébellion, le 8 février 2018, par le tribunal correctionnel de Paris, pour des faits commis le 6 février 2018. Si M. A..., qui ne conteste pas la menace à l'ordre public que représente sa présence en France, se prévaut de l'ancienneté de son séjour régulier depuis l'âge de 15 ans et de la présence en France de ses parents et de ses sœurs puînées de nationalité française, il est célibataire sans enfant, ne justifie d'aucune insertion professionnelle et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident trois autres membres de sa fratrie plus âgés et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 15 ans. Dans ces conditions, eu égard aux peines correctionnelles répétées qui lui ont été infligées et à la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire, l'arrêté par lequel le préfet de police a décidé de l'expulsion du territoire français de M. A..., et fixé le pays de destination de son éloignement, ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

La rapporteure,

O. DORION

Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 20VE02967 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02967
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-02-04 Étrangers. - Expulsion. - Droit au respect de la vie familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : BORIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-29;20ve02967 ?
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