Vu la procédure suivante
Procédure contentieuse antérieure
La société Batigère en Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre exécutoire du 23 septembre 2015 par lequel la commune de Sevran a mis à sa charge la somme de 66 506,88 euros correspondant aux frais d'entretien du quartier Rougemont Perrin pour l'année 2015 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme ainsi réclamée.
Par un jugement no 1810434 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé le titre exécutoire du 30 novembre 2016 et déchargé la société Batigère de l'obligation de payer la somme de 66 506,88 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés le 3 septembre 2020, le 15 septembre 2020 et le 5 octobre 2021, la commune de Sevran, représentée par Me Dugourd, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la société Batigère ;
3°) de mettre à la charge de la société Batigère le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Sevran soutient que :
- la demande était irrecevable du fait du dépassement du délai de recours raisonnable d'un an écoulé entre la notification du titre exécutoire le 9 octobre 2015 et l'introduction de la demande devant le tribunal administratif en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat Czabaj sans qu'aucune circonstance particulière ne puisse, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal justifier la prorogation du délai raisonnable d'un an admis par la jurisprudence ;
- le délai de recours juridictionnel expirait ainsi le 10 octobre 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2021, la société Batigère en Ile-de-France, représentée par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Sevran la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,
- les observations de Me Dimondo, substituant Me Dugourd, pour la commune de Sevran, et de Me De Raisnes, substituant Me Le Prado, pour la société Batigère en Ile-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Sevran et la SA d'HLM La Semaroise, aux droits de laquelle est venue la société Batigère Ile-de-France, ont signé le 28 septembre 1972 une convention aux termes de laquelle la SA d'HLM s'engageait à verser une somme forfaitaire annuelle calculée par référence à la surface de plancher des bâtiments dont cette dernière était propriétaire au titre de l'entretien assuré par la commune des espaces laissés libres au sein de la zone d'urbanisme prioritaire de Sevran. Le 24 juin 2005, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, la commune de Sevran et les bailleurs sociaux du quartier Rougemont, parmi lesquels la société Batigère, ont signé une convention portant sur la restructuration des espaces extérieurs de cette zone prévoyant notamment la privatisation des pieds d'immeubles et des aires de stationnement. Estimant que cette convention faisait disparaître l'objet de la convention signée le 28 septembre 1972 pour l'entretien des espaces libres de la zone, la société Batigère a adressé le 25 juin 2015 à la commune de Sevran un courrier prenant acte de la résiliation de la convention du 28 septembre 1972 demeuré sans réponse. La commune de Sevran a émis à l'encontre de la société Batigère un titre de recettes le 23 septembre 2015 à hauteur de 66 506,88euros au titre de l'entretien des espaces libres du quartier Rougemont-Perrin pour l'année 2015. Par un jugement dont la commune de Sevran fait appel devant la cour, le tribunal administratif de Montreuil a annulé ce titre exécutoire et déchargé la société Batigère de l'obligation de payer la somme en cause.
2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il en résulte que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par la seconde, lui soit opposable.
3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.
4. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.
5. Il résulte de l'instruction que le titre de recettes établi le 23 septembre 2015 a été notifié à la société Batigère le 9 octobre 2015. Le tribunal administratif a estimé que des circonstances particulières à l'espèce, en l'occurrence un courrier du 19 mars 2010 de la commune de Sevran informant les bailleurs sociaux de son intention de résilier la convention du 28 septembre 1972 lorsqu'interviendrait la réception des travaux de résidentialisation des espaces jusqu'alors entretenus par la commune et les démarches entreprises par la société Batigère en 2017 et 2018 pour obtenir de la commune un règlement amiable du litige, pouvaient justifier que le délai raisonnable pour saisir le juge administratif d'une demande de contestation du bien-fondé de la créance réclamée à la société pouvait être prorogé au-delà d'un an à compter du 9 octobre 2015. Toutefois, le courrier du 19 mars 2010 avait été porté à la connaissance de la société Batigère bien avant la notification du titre de recettes litigieux et les démarches en vue d'une règlement amiable prises en compte par les premiers juges n'ont eu lieu qu'après l'expiration du délai d'un an à compter du 9 octobre 2015. Par suite, la commune de Sevran est fondée à soutenir que ces éléments ne sauraient être regardés comme des circonstances particulières de nature à proroger au-delà d'un an à compter de la notification du titre de recettes du 23 septembre 2015 le délai de recours raisonnable tel qu'il est défini aux points 2 à 4 du présent arrêt et que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la commune et tirée de la tardiveté de la demande.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sevran est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 juillet 2020 et le rejet de la demande de la société Batigère.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sevran, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Batigère demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Batigère la somme de 2000 euros à verser à la commune de Sevran sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1810434 du 2 juillet 220 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Batigère en Ile-de-France devant le tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Batigère en Ile-de-France versera à la commune de Sevran la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sevran et à la société Batigère en Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Colrat, première conseillère,
M. Frémont, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.
La rapporteure,
S. A...Le président,
B. EVENLa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 20VE02363