Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Riga a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1703723 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge des impositions au titre de l'année 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 décembre 2020 et le 12 juillet 2021, la SAS Riga, représentée par Me Vignalou, avocat, demande à la cour :
1° de réformer le jugement attaqué ;
2° de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3° à titre subsidiaire, de prononcer, au titre de l'année 2011, le rétablissement de son déficit ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du livre des procédures fiscales.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'avait pas présenté de conclusions au titre de l'exercice clos en 2011 ;
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;
- il est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que l'administration a réintégré des charges pour un montant de 3 367 203 euros au titre de l'exercice clos en 2011 en considérant que les sommes versées par la SAS Leyton et associés France à la société irlandaise Leyton Consulting Ireland constituaient un transfert indirect de bénéfices, et en ramenant le taux de rémunération de 30% retenu par les sociétés à 5%.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2021, ainsi que par un mémoire non communiqué, enregistré le 30 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Riga ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 février 2022, l'instruction a été fixée au 16 mars 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Engelmann, pour la SAS Riga.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Riga s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés sur l'ensemble des résultats du groupe dont elle est la société-mère, en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, groupe dont fait partie la SAS Leyton et associés France, qui exerce une activité de conseil visant à l'optimisation des coûts et à la recherche d'économies dans les domaines social et fiscal. La SAS Leyton et associés France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos au 30 juin des années 2010, 2011 et 2012 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par deux propositions de rectification en date du 17 décembre 2013 et du 17 mars 2014 des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales au titre des deux exercices clos en 2010 et 2011, sur le fondement des dispositions de l'article 57 du code général des impôts. La SAS Riga relève appel du jugement en date du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, après avoir prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, rejeté le surplus de sa requête.
Sur la régularité du jugement :
2. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale statue sur les réclamations contentieuses des contribuables ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition. Par suite, elles ne sont pas susceptibles d'être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et peuvent seulement faire l'objet d'un recours de plein contentieux selon les modalités fixées par les articles L. 199 et R. 199-1 et suivants du livre des procédures fiscales. De telles conclusions à fin d'annulation se confondent cependant avec les conclusions tendant à la décharge ou à la réduction des impositions contestées. Le tribunal a ainsi requalifié, au titre de l'année 2010, les conclusions en annulation dont il était saisi en conclusions à fins de décharge de l'imposition. Il a cependant refusé de requalifier les conclusions dont il était saisi au titre de l'année 2011, année au cours de laquelle la société requérante a été déficitaire, au motif qu'il n'était saisi que de conclusions en décharge, et non de conclusions tendant au rétablissement du déficit constaté. Il a, ainsi, omis de se prononcer sur les conclusions dont il était effectivement saisi au titre de l'année 2011 alors même qu'elles étaient à tort présentées comme des conclusions en annulation. Il a par suite entaché son jugement d'omission à statuer. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, relatifs à la régularité du jugement, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et a en demander l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS Riga.
Sur les conclusions tendant au rétablissement du déficit au titre de l'année 2011 :
4. Alors même que les conclusions de la requête de la SAS Riga formulées au titre de l'année 2011 étaient présentées comme des conclusions en excès de pouvoir, il y a lieu, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, et aux moyens invoqués, de requalifier ces conclusions comme tendant au rétablissement du déficit initialement constaté dans les comptes de l'exercice de la société requérante clos au cours de l'année 2011.
5. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. (...) A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix payés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d'autres fournisseurs dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des fournisseurs dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s'explique par la situation différente de ces fournisseurs, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à de telles comparaisons, l'administration n'est, en revanche, pas fondée à invoquer une présomption de transfert de bénéfices mais doit établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.
6. L'existence d'un lien de dépendance entre la société Leyton et associés France, et la société Leyton Consulting Ireland Ltd n'est pas contesté. Cependant, l'administration n'ayant procédé à aucune comparaison de prix ni avec d'autres fournisseurs de la société Leyton et associés France dépourvus de liens de dépendance avec elle, ni avec des entreprises similaires à la société Leyton et associés France et exploitées normalement avec des fournisseurs dépourvus de liens de dépendance, il lui appartenait d'établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale des services rendus. L'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un tel écart de prix en se bornant dans un premier temps à contester l'existence et la réalité des charges engagées par la société Leyton et associés France au profit de la société Leyton Consulting Ireland Ltd, puis à appliquer à ces montants de charges pourtant contestés un taux de rémunération de 5 %, au lieu du taux de 30 % appliqué par la société Leyton et associés France, sans apporter d'éléments de justification de ce taux de 5 % autres que l'allégation selon laquelle il serait très favorable à la société concernée.
7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Riga est fondée à demander le rétablissement des déficits qu'elle avait constaté dans ses comptes de l'exercice 2011. Il y a lieu de faire droit à ces conclusions de sa requête.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, compte-tenu notamment de l'ambiguïté des écritures de première instance de la société requérante, de faire droit à ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les déficits de la SAS Riga au titre de l'exercice clos en 2011 sont rétablis.
Article 2 : Le surplus des conclusions de sa requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Riga et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.
La présidente-assesseure,
O. DORIONLe président-rapporteur,
P. A...
La greffière,
C. FAJARDIE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme,
La greffière,
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N° 20VE03267