Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1709061du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces et mémoires complémentaires, enregistrés les 17 février 2020, 25 septembre 2020, 12 octobre 2020, 21 juin 2022 et 22 juin 2022, M. E..., représenté par Me Mammar, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la réduction des impositions contestées.
Il soutient que :
- il est fondé à solliciter le bénéfice du droit à l'erreur institué par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 et codifié à l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la procédure d'opposition à contrôle mise en œuvre par le service vérificateur au titre de l'année 2012 n'est pas justifiée ;
- en refusant de prendre en considération des pièces probantes, le service n'a pas respecté la garantie d'un débat oral et contradictoire ;
- les propositions de rectification sont insuffisamment motivées en ce qui concerne l'évaluation forfaitaire des paiements en espèces ;
- il justifie de ce que des encaissements bancaires ont à tort été regardés par le service comme des produits de son activité professionnelle ;
- l'évaluation forfaitaire des paiements en espèces n'est pas justifiée et ne correspond pas aux usages dans son activité ;
- les chiffres déductibles ont été sous-évaluées ; le taux de charges de 63 % retenu pour l'année 2014 doit à tout le moins être appliqué par cohérence aux années 2012 et 2013 ; un taux de charges de 85 % serait plus conforme à la réalité économique de son secteur d'activité ;
- c'est à tort que le service à remis en cause la déductibilité de la TVA afférentes aux factures de son fournisseur Raboni ;
2 septembre 2020, et 20 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 22 juin 2022, l'instruction a été fixée au 5 juillet 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mammar, pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., exerce à titre individuel sous le régime de la microentreprise, depuis 1988, une activité de vente de chaises, tapis, matelas, vêtements en tout genre, bijoux fantaisie, parfums sur les foires et marchés et, depuis 2009, une activité de ramonage et petites réparations de couverture. Il a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle et d'une vérification de comptabilité de son activité au titre des années 2012, 2013 et 2014, à l'issue desquels l'administration fiscale lui a notifié des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Ces impositions ont été évaluées d'office, au titre de l'année 2012 pour opposition au contrôle, et pour défaut de déclaration malgré mise en demeure du 15 octobre 2015 en ce qui concerne les années 2013 et 2014. M. E... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de réduction de ces impositions supplémentaires.
Sur l'étendue du litige :
2. Par un avis de dégrèvement du 1er septembre 2020, postérieur à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de la somme de 42 614 euros correspondant à l'abandon, en droits et pénalités, de la rectification concernant la taxe déductible mentionnée sur les factures de la société Raboni, au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Les conclusions à fin de décharge présentées par M. E... sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'opposition au contrôle :
3. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ".
4. Il résulte de l'instruction que M. E..., qui ne s'est présenté ni au premier rendez-vous fixé au 28 septembre 2015 par l'avis de vérification de comptabilité du 4 septembre, ni au second rendez-vous du 12 octobre 2015 qui lui a été proposé le 1er octobre, et qu'il n'a pas davantage répondu à la demande écrite de la vérificatrice du 16 octobre de prendre contact avec elle avant le 6 novembre 2015, l'informant des conséquences d'une opposition à contrôle fiscal. Ce n'est que postérieurement au procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal établi le 12 novembre 2015 et à la proposition de rectification du 11 décembre 2015, que M. E... s'est manifesté, le 13 janvier 2016, pour demander que le contrôle ait lieu dans les locaux de son conseil. Dans ces conditions, l'opposition au contrôle fiscal est caractérisée en ce qui concerne l'année 2012, seule année d'imposition pour laquelle elle a été mise en œuvre.
En ce qui concerne le débat oral et contradictoire :
5. A supposer que M. E... soutienne avoir été privé d'un débat oral et contradictoire, ce moyen dépourvu de toutes précisions, ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification :
6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue à l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compte de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
7. Il ressort des mentions des propositions de rectification du 11 décembre 2015 et du 9 mai 2016, que pour justifier l'évaluation forfaitaire des paiements en espèces à 10% du chiffre d'affaires résultant de la comptabilité et des comptes bancaires, le service a retenu que les comptes bancaires faisaient apparaître très peu versements d'espèces et que l'activité exercée donnait vraisemblablement lieu à ce type de paiement. Ce motif est suffisamment explicite pour permettre à M. E... A... le contester utilement. Le moyen tiré de ce que les propositions de rectification ne sont pas suffisamment motivées sur ce point manque par conséquent en fait.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. L'ensemble des rectifications ayant été notifié selon la procédure d'imposition d'office, M. E... supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions.
En ce qui concerne la détermination du chiffre d'affaires :
S'agissant des encaissements de l'année 2012 :
9. Pour reconstituer les recettes de l'année 2012, la vérificatrice s'est fondée sur les relevés de comptes bancaires obtenus dans le cadre du droit de communication auprès de la Société générale, du Crédit agricole de Paris et de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France. Si M. E... soutient que le chèque de banque de 3 050 euros du 4 avril 2012, le chèque de 25 439,09 euros du 14 juin 2012 et les " virements CCF " de 1 627,50 euros et 200,01 euros du 12 septembre 2012 encaissés sur son compte Société Générale ont été regardés à tort comme des recettes professionnelles, il n'en justifie pas. S'il justifie en revanche s'être fait à lui-même un chèque de 56 000 euros, avoir obtenu un remboursement de 1 995,35 euros de la société Générali et avoir effectué un transfert de compte à compte de 3 000 euros, ces circonstances sont sans incidence sur les impositions en litige dès lors que ces sommes ne figurent pas au nombre des encaissements pris en compte par la vérificatrice pour établir son chiffre d'affaires imposables de l'année 2012. Enfin, le service a déjà admis, en réponse aux observations du contribuable, que le chèque de 10 000 euros reçu de Mme E... ne constituait pas un revenu professionnel.
S'agissant des encaissements de l'année 2013 :
10. Il ressort de la proposition de rectification que le service a reconstitué le chiffre d'affaires de l'année 2013 à partir des produits enregistrés en comptabilité, encaissés par M. E... sur son compte ouvert à la Société générale, auxquels il a ajouté les montants de trois chèques encaissés sur un autre compte ouvert à la Caisse d'épargne. Si M. E... peut être regardé comme justifiant que le chèque de 10 000 euros du 23 avril 2013, encaissé le 24 mai, a été émis par M. B... E..., il ne précise pas les motifs de ce versement, de sorte qu'il ne peut être tenu pour établi que cet encaissement ne correspond pas à un produit de son activité professionnelle. Il ne produit par ailleurs aucun justificatif s'agissant des deux autres chèques de 10 000 euros encaissé le 20 juillet 2013 et de 3 500 euros encaissé le 19 novembre 2013. Enfin, les chèques Revival de 991,60 euros et 460 euros du 22 décembre 2013 qui correspondraient à des remboursements de matériaux, et le chèque de 338,37 euros du 14 novembre 2013 qui constituerait un remboursement d'un trop-perçu, ne sauraient être extournés de la base imposable dès lors que ces sommes n'ont été prises en compte dans le chiffre d'affaires reconstitué.
S'agissant des encaissements de l'année 2014 :
11. La vérificatrice a reconstitué le chiffre d'affaires de l'année 2014 au vu des relevés bancaires obtenus dans le cadre de l'exercice de droit de communication auprès des trois établissements dans lesquels M. E... détenait un compte bancaire. S'il conteste le caractère professionnel des quatre chèques de 5 000 euros, 4 900 euros, 5 000 euros et 5 000 euros qui lui auraient été remis par des parents, M. E... n'en justifie pas par la seule production de copies de chèques non assorties de justificatifs de remise. M. E... établit en revanche, par la production des preuves de dépôt et de l'attestation de la société Arbre à came que le virement de 7 000 euros du 31 juillet 2014 et le chèque de 2 500 euros du 30 août 2014 sont relatifs à la vente à cette société d'un équipement de loisir. Toutefois, à défaut de toute précision sur cet équipement, il n'est pas justifié de ce que cette vente était étrangère à son activité professionnelle.
S'agissant de l'évaluation forfaitaire des paiements en espèces :
12. La vérificatrice a considéré que, compte tenu de la nature de l'activité et du très faible montant des dépôts en espèces, les règlements en espèce pouvaient être évalués à 10 % des produits constatés au vu de la comptabilité et des encaissements bancaires par chèques et virements. M. E..., qui supporte la charge de la preuve, se borne à soutenir que cette évaluation forfaitaire n'est pas justifiée sans apporter aucun élément sur les données de son activité. Il s'ensuit que sa contestation ne peut être accueillie.
En ce qui concerne les charges déductibles :
13. Pour les années 2013 et 2014, le service vérificateur a établi le montant des charges déductibles à partir de la comptabilité qui lui a été présentée. Il a abouti à un taux de charges de 38,5 % pour 2013 et 63 % pour 2014, dont il a extrapolé un taux de charges forfaitaire de 40 % pour 2012. M. E... demande que le taux de charges de 63 % retenu pour 2014 soit appliqué aux deux autres années, voire un taux de 85 % qui serait selon lui conforme à l'usage dans son secteur d'activité. Toutefois, à défaut d'apporter aucun élément pertinent au soutien de ses allégations, le requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité de ses charges.
En ce qui concerne la TVA collectée :
14. M. E... demande que la TVA collectée soit minorée, a minima, à concurrence des 10 % d'encaissements en espèces évalués forfaitairement par le service qui ne sont selon lui pas justifiés et, en tout état de cause, à concurrence des sommes regardées à tort par le service comme des recettes. Il résulte de ce qui a été dit précédemment, que ce moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la TVA déductible :
15. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : (...) d) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client (...) ". Si la mention du nom complet et de l'adresse du client assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée sur la facture établie par le fournisseur ou le prestataire permet de présumer que les biens ou les services lui ont été livrés ou rendus et de vérifier qu'ils l'ont été pour les besoins de ses opérations taxées, l'absence de mention de ces informations ou leur caractère erroné sur la facture qui lui est remise peut ne pas faire obstacle à ce que la taxe soit déductible de celle à laquelle il est soumis en raison de ses propres affaires dans le cas seulement où il apporte la preuve par tout moyen du règlement effectif par lui-même de cette facture pour les besoins de ses propres opérations imposables.
16. M. E... produit, pour les trois années vérifiées, les factures émises par son fournisseur Raboni, dont il est établi, et dont l'administration fiscale a expressément admis s'agissant des années 2013 et 2014 que, bien qu'elles n'aient pas été libellées au nom et à l'adresse de M. E..., celui-ci les a acquittées pour les besoins de son activité. Il y a dès lors lieu d'admettre la déductibilité de la taxe mentionnée sur les factures établies en 2012, seule année d'imposition restant en litige sur ce point, pour un montant total de 8 496 euros.
Sur le droit à l'erreur :
17. Aux termes de de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration, issu de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne peuvent être sanctionnées les erreurs régularisables commises pour la première fois de bonne foi.
18. Les impositions supplémentaires mises à la charge de M. E... ont été évaluées d'office pour opposition au contrôle en ce qui concerne l'année 2012 et pour défaut de déclaration malgré mise en demeure en ce qui concerne les années 2013 et 2014. Il s'ensuit qu'en tout état de cause, M. E... ne saurait utilement se prévaloir du droit à l'erreur institué par ces dispositions.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des impositions et majorations en litige à hauteur de 8 496 euros de TVA déductible au titre de l'année 2012 et d'une réduction en base de 10 000 euros de son chiffre d'affaires de l'année 2013. Le surplus des conclusions de sa requête doit par suite être rejeté.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus de statuer sur les conclusions de la requête de M. E... à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance.
Article 2 : M. E... est déchargé des rappels de TVA mis à sa charge au titre de l'année 2012 à hauteur de 8 496 euros et des pénalités correspondantes.
Article 3 : Le jugement n° 1709061du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
O. C... Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
C. FAJARDIE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 20VE00533 2