Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 2 avril 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé d'admettre son enfant mineure B... A... au bénéfice du regroupement familial, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine d'autoriser le regroupement familial sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1907326 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juin 2021 et 18 août 2022, M. A..., représenté par Me Maire, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine d'accorder le bénéfice du regroupement familial sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais engagés et non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il ne fournit aucun élément concret et précis permettant de comprendre le raisonnement suivi ;
- la décision attaquée est illégale en ce que le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de la situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, le préfet ayant retenu une surface habitable erronée pour son logement ;
- elle est aussi entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il dispose d'un logement qui doit être considéré comme normal pour une famille comparable vivant en région parisienne ;
- elle porte atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me Verdeil, substituant Me Maire, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien né le 18 novembre 1963, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'en juin 2019, a sollicité, le 14 février 2018, le bénéfice du regroupement familial au profit de son enfant B... A..., encore mineure à la date de la demande. Il relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé d'admettre l'enfant précité au bénéfice du regroupement familial.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... soutient que le jugement attaqué ne contient aucun élément concret et précis permettant de comprendre le raisonnement des premiers juges concernant le moyen soulevé en première instance et repris en appel, tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle de la part du préfet avant l'édiction de la décision litigieuse.
3. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'ont pas omis de répondre aux moyens tirés notamment du défaut de motivation de l'arrêté en litige, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils ont en outre précisé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant d'édicter la décision contestée. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a dès lors pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu par un jugement qui est suffisamment motivé à l'ensemble des moyens soulevés dans la demande. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. En premier lieu, M. A... soutient, comme en première instance, que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. Toutefois, le requérant n'apporte pas d'éléments de nature à établir un défaut d'examen particulier de sa situation de la part du préfet, dès lors que l'arrêté mentionne les informations relatives à son état civil ainsi qu'à la demande de regroupement familial, en sus de celles relatives à son logement et au nombre de personnes composant le foyer. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation doit être écarté.
5. En deuxième lieu, le requérant fait valoir que l'acte attaqué est entaché d'une erreur de fait en ce que le préfet aurait pris sa décision en se fondant sur une surface habitable de logement erronée, à savoir 59 mètres carrés, alors que la surface habitable réelle serait de 62 mètres carrés. S'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du bail conclu le 29 décembre 2008, que la surface habitable du logement est celle indiquée dans ses écritures par M. A..., il n'en demeure pas moins que les premiers juges ont estimé à bon droit que le préfet aurait pris la même décision en retenant la surface précitée, dès lors qu'elle s'avère toujours nettement inférieure à la surface minimale requise pour un logement considéré comme normal compte tenu de la composition du foyer du requérant et son lieu de résidence, à savoir 72 mètres carrés. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, le requérant soutient que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce que le préfet ne pouvait valablement se fonder sur le seul caractère insuffisant de la superficie du logement dans son appréciation du caractère normal du logement au sens des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le nombre de pièces du logement ne pouvant en outre constituer un critère d'appréciation pouvant à lui seul motiver la décision en litige. Il fait valoir, à cet égard, qu'il dispose d'un logement qui doit être considéré comme normal compte tenu des spécificités de la région parisienne en matière de logements.
7. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis plus de dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aussi, aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : (...) / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique (...). ". Enfin, l'article R. 411-5 du même code dispose : " Pour l'application du 2° de l'article L '411-5, est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : - en zones A bis et A : 22 m² pour un ménage sans enfants ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes et de 5 m² par personne supplémentaire au-delà de huit personnes (...). / Les zones A bis, A, B1, B2 et C ci-dessus sont celles définies pour l'application de l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation ; / 2° Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain ".
8. Tout d'abord, si M. A... fait valoir que son logement bénéficie d'une surface au sol de 100 mètres carrés, qui lui permettrait de loger des enfants même dans des espaces dont la hauteur est inférieure à 1,80 mètres, compte tenu notamment du jeune âge de ses trois derniers enfants, il n'en demeure pas moins qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a conclu le 29 décembre 2008 un bail portant sur un logement conventionné pour le bénéfice de la prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale (PALULOS) dont la surface habitable et réelle est de 62 mètres carrés, soit 10 mètres carrés en-dessous de la surface minimale requise pour un logement considéré comme normal au sens des dispositions précitées et compte tenu du nombre de personnes y habitant et du lieu de résidence, ceci sans que la circonstance que la surface au sol soit supérieure ait une quelconque incidence sur l'appréciation de ce critère.
9. En outre, contrairement à ce que soutient M. A..., l'appréciation du caractère normal d'un logement au sens des dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tient précisément compte des spécificités du marché immobilier sur le territoire national, et plus particulièrement en région parisienne, dès lors que sont distinguées cinq zones géographiques au sein desquelles la surface minimale d'un logement considéré comme normal varie en fonction de ces critères et du nombre de personnes composant le foyer. Ainsi, M. A... n'apporte pas d'éléments de nature à démontrer que le logement considéré, d'une surface habitable de seulement 62 mètres carrés et donc inférieure à la surface minimale de 72 mètres carrés retenue à juste titre par le préfet, devrait être considéré comme un logement normal au sens des dispositions précitées.
10. Enfin, si le préfet mentionne dans les motifs de l'arrêté contesté qu'un " logement de trois pièces n'est pas adapté pour une famille composée d'un couple, d'un autre adulte et de quatre enfants d'âge et de sexe différents ", il est constant qu'il était parfaitement en droit de fonder sa décision sur le seul critère de la superficie insuffisante du logement par rapport à la superficie minimale retenue, le nombre de pièces étant seulement un motif supplémentaire dans son appréciation.
11. Par conséquent, et compte tenu de ce qui précède, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en considérant que son logement n'était pas normal au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser le bénéfice du regroupement familial sollicité, sans que la conclusion d'un nouveau bail d'une surface supérieure mais tout de même sensiblement inférieure à la surface minimale retenue puisse être utilement invoquée. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. Au cas particulier, M. A... précise que sa fille, qui a des problèmes de santé, est atteinte d'une splénomégalie homogène, à savoir une augmentation de la rate, nécessitant des soins, et qu'elle serait isolée dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... réside sur le territoire national depuis 1986 et qu'il a toujours vécu éloigné de sa fille, élevée aux Comores par sa grand-mère et son arrière-grand-mère, depuis le départ de sa mère en France, en 2001, année de sa naissance. En outre, si le requérant indique qu'il se rend régulièrement aux Comores auprès des autres membres de sa famille, et produit en ce sens des justificatifs de voyage, il ne justifie pas plus de l'intensité réelle des liens qu'il aurait noués avec sa fille qui n'a jamais résidé avec lui, et ne justifie pas davantage que cette dernière serait dépourvue d'attaches familiales et personnelles dans son pays d'origine, où elle a vécu depuis sa naissance auprès de membres de sa famille, malgré le décès de son arrière-grand-mère, et a poursuivi des études. Enfin, le requérant n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et circonstanciés quant à l'incidence de la pathologie précitée, pour laquelle la jeune B... aurait ponctuellement reçu des soins à l'Ile Maurice, sur sa vie quotidienne. Par conséquent, compte tenu de ces éléments, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, de sorte que ce moyen doit être également écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Viseur-Ferré, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2022.
Le président assesseur,
O. MAUNY Le président rapporteur,
P.-L. D...La greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE01889