La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/12/2022 | FRANCE | N°22VE01858

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 23 décembre 2022, 22VE01858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai d'un mois à compter de la notificati

on du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à déf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve, pour celui-ci, de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat.

Par un jugement n° 2201113 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a admis Mme A... à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juillet 2022 et le 14 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Barkat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, celle-ci s'engageant à renoncer au versement de la part contributive de l'Etat le cas échéant.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 et L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Yvelines, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 14 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les observations de Me Barkat, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 28 mai 1993, est, selon ses déclarations, entrée en France le 1er janvier 2006. Elle a fait l'objet le 7 février 2019 d'une première mesure d'éloignement à laquelle elle s'est soustraite. Le 23 novembre 2021, elle a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions des articles L. 423-21 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 janvier 2022, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée à l'expiration de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme A... soutient que les premiers juges auraient inexactement apprécié les particularités de sa situation et son droit au séjour. Toutefois, ce moyen se rattache au bien-fondé du jugement. Il est donc sans incidence sur sa régularité et doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, par un arrêté n° 78-2021-11-22-00002 du 22 novembre 2021, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 78-2021-243 de la préfecture des Yvelines, le préfet de ce département a donné délégation de signature à Mme B... D..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans avec au moins un de ses parents se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Pour l'application du premier alinéa, la filiation s'entend de la filiation légalement établie, y compris en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ".

5. Mme A... qui précise elle-même en cause d'appel n'avoir résidé habituellement en France que chez sa tante, à partir de l'âge de douze ans et durant les années 2006 à 2012, ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées qui ne s'appliquent que lorsque le séjour de l'étranger s'effectue avec au moins un de ses parents. En outre, elle n'a pas sollicité son admission au séjour dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, et n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui concerne les étrangers âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle. En tout état de cause, la décision attaquée n'a ainsi pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En outre, l'article 3-1 de la convention la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. ".

7. Si Mme A... se prévaut de la présence en France de sa tante et de sa cousine, la première étant titulaire d'un titre de séjour et la seconde étant de nationalité française, il n'est pas établi qu'elle entretiendrait avec elles des liens d'une particulière intensité, ni que sa présence auprès d'elles serait indispensable, la requérante indiquant par ailleurs que sa tante " l'a jetée à la rue alors qu'elle était encore mineure " et témoigne d'une " hostilité " à son égard. Elle indique, en outre, être mère célibataire d'une enfant née le 11 novembre 2020, dont le père de nationalité angolaise et en séjour régulier en France, ne contribue aucunement à son entretien et à son éducation, et dont il n'est pas établi ni même allégué que son enfant ne pourrait pas l'accompagner en cas de retour en République démocratique au Congo, pays dont il a la nationalité. Si elle a fait valoir devant les premiers juges que le père de l'enfant a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles, en novembre 2021, pour organiser ses relations avec l'enfant, elle ne justifie pas, en tout état de cause, de la poursuite de cette procédure. Il n'est pas davantage établi que Mme A... serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine où il n'est pas contesté que résident encore ses parents ainsi que sa fratrie. En outre, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, elle ne démontre aucune volonté d'insertion professionnelle avant la naissance de sa fille et la circonstance qu'elle justifie d'une promesse d'embauche de la société " Bibou-shop " datée du 8 février 2022, en qualité de préparateur de commande est, en tout état de cause, postérieure à la date de la décision attaquée. Si elle se prévaut encore des efforts qu'elle aurait accomplis pour s'intégrer au sein de la société française, elle ne conteste pas avoir été condamnée à une peine d'emprisonnement par un jugement du tribunal correctionnel d'Angoulême du 27 janvier 2015, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, alors qu'elle était mineure, ni avoir été interpellée le 16 septembre 2021, pour des faits de violence sans incapacité, en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ce qui ne saurait traduire une bonne intégration au sein de la société française, et ne conteste pas non plus avoir fait l'objet, le 7 février 2019, d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour d'un an, qu'elle n'a pas exécutées. Enfin, la seule circonstance que Mme A... résiderait de manière habituelle et continue sur le territoire français depuis 2006, ce qui n'est au demeurant pas établi, y compris en cause d'appel, par des documents établissant la poursuite d'un scolarité obligatoire ainsi que le suivi de formations ou l'exercice d'une activité professionnelle, ne constitue pas un motif exceptionnel et n'est pas davantage de nature à lui ouvrir droit au séjour au titre de " circonstances humanitaires " au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges. Le préfet des Yvelines n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. Compte tenu de l'ensemble de ce qui a été dit, le préfet des Yvelines n'a en outre commis aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant refus de séjour sur la situation personnelle de Mme A..., et de sa fille en bas âge.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ; / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

10. Mme A... ne remplissant pas effectivement les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, et ne démontrant pas non plus remplir effectivement les conditions pour obtenir un titre de séjour sur un autre fondement, dont le refus de délivrance serait subordonné à la consultation préalable de la commission du titre de séjour, le moyen de Mme A... tiré de ce que le préfet des Yvelines était tenu de soumettre sa demande de titre de séjour à cette commission avant de la rejeter doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision obligeant la requérante à quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 à 9, le préfet des Yvelines n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas non plus entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A... et de sa fille.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au prononcé d'injonctions et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... A....

Copie en sera transmise au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.

Le président assesseur,

O. MAUNYLe président-rapporteur,

P.-L. E...La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE01858 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01858
Date de la décision : 23/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : BARKAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-12-23;22ve01858 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award