Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 27 janvier 2023, les sociétés Distribution Casino France et Leader Price Exploitation, représentées par Me Bolleau, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a délivré à la société Lidl le permis de construire n° PC 091 549 19 10056 valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension d'un commerce sis rue du Plessis ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les sociétés Distribution Casino France et Leader Price Exploitation soutiennent que :
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisamment motivé ;
- le dossier de demande de la société Lidl était incomplet ;
- le projet de la société Lidl méconnaît l'article L. 752-6 du code de commerce quant à son incidence sur l'animation de la vie urbaine, à son impact sur les flux de circulation et à son insertion paysagère.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2021, la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les sociétés Distribution Casino France et Leader Price Exploitation ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 4 juin 2021, la société Lidl, représenté par Me Robbes, avocat, conclut au rejet de la requête comme irrecevable, à titre subsidiaire, à son rejet au fond, et en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- la société Leader Price Exploitation ne dispose d'aucun intérêt pour agir contre le permis contesté ;
- les moyens soulevés par les sociétés Distribution Casino France et Leader Price Exploitation ne sont pas fondés.
Par le mémoire enregistré le 27 janvier 2023, la société Leader Price exploitation a indiqué se désister de ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Girard pour les sociétés Distribution Casino France et Leader Price Exploitation et de Me Sabbagh pour la société Lidl.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 30 juin 2020, dont les sociétés Distribution Casino France et Leader Price Exploitation demandent l'annulation, le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a délivré à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension d'un magasin sis rue du Plessis tendant au doublement de la surface de vente.
Sur le désistement de la société Leader Price Exploitation :
2. Le désistement de la société Leader Price Exploitation est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur la fin de non-recevoir soulevée en défense :
3. Aux termes du I de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I. - Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la Commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'État dans le département ne sont pas tenus d'exercer ce recours préalable. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial, a le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Si le recours formé auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial à l'encontre de l'avis émis par la commission départementale constitue, en vertu de ces mêmes dispositions, un préalable obligatoire à l'introduction d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision de l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation commerciale, un tel recours préalable obligatoire ne peut être regardé, dès lors qu'il est dirigé contre l'avis préalable de la commission départementale de l'aménagement commercial, et non contre la décision de l'autorité administrative, seule décision susceptible de recours contentieux, comme ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à ce qu'un recours gracieux formé contre cette décision devant l'autorité administrative qui l'a prise, pour autant qu'il est formé dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, interrompre le cours de ce délai.
5. En l'espèce, la société Distribution Casino France a formé un recours devant la Commission nationale d'aménagement commerciale le 23 décembre 2019. Postérieurement à l'arrêté du 30 juin 2020, dont il n'est pas établi qu'il aurait fait l'objet d'un affichage conforme aux dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, la société requérante a formé un recours gracieux contre cet arrêté par un courrier reçu le 1er novembre 2020. Il ne résulte pas de l'instruction que le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois aurait accusé réception de ce recours dans les conditions prévues à l'article L. 112-3 et R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, la société Lidl n'est pas fondée à soutenir que la requête de la société Distribution Casino France, enregistrée au greffe de la cour le 23 décembre 2020 doit être regardée comme tardive. La fin de non-recevoir soulevée en ce sens doit être écartée.
Sur la légalité du permis de construire du 30 juin 2020 :
6. Aux termes de l'article R. 752-16 du code de commerce : " La commission se prononce par un vote à bulletins nominatifs. (...) L'avis ou la décision est motivé ". Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission nationale d'aménagement commercial a motivé son avis au regard de l'impact du projet de la société Lidl sur les flux de circulation à proximité de celui-ci par une motivation permettant à celles-ci de saisir les éléments de droit et de fait sur lesquels elle s'est fondée et de les contester utilement. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Casino Distribution France aurait développé à l'appui de son recours préalable des arguments sérieux quant à cet impact et au regard desquels la Commission nationale d'aménagement commercial aurait été tenue de développer son argumentation. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit être écarté.
7. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. d) Pour les projets d'extension d'un ou plusieurs magasins de commerce de détail : - le secteur d'activité et la classe, au sens de la nomenclature d'activités française (NAF), du ou des magasins dont l'extension est envisagée ; / - la surface de vente existante ; / - l'extension de surface de vente demandée ; - la surface de vente envisagée après extension ; (...) g) Autres renseignements : (...) - les aménagements paysagers en pleine terre ; (...) 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : a) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; (...) e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; "
8. Il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation d'exploitation commerciale déposée par la société Lidl comprenait une étude de trafic sur le réseau avoisinant du projet faisant état de l'état actuel du trafic et d'une évaluation des flux nouveaux générés par le projet. La société Lidl a, en outre, actualisé ces chiffres devant la Commission nationale d'aménagement commercial à la demande de l'instructeur du recours de la société Distribution Casino France. En outre, cette demande comprenait plusieurs vues du projet et détaillait les accès à celui-ci, le traitement des façades du bâtiment en bardage bois et en parement en verre, l'existence d'une toiture partiellement végétalisée ou à deux pentes et la création de nouveaux espaces verts. Ces éléments permettaient à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier utilement l'effet du projet de la société Lidl sur les flux de transport et son insertion paysagère. Dès lors, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande d'autorisation de cette dernière doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; (...) c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) 2° En matière de développement durable : (...) b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...) Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ".
10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le projet de la société Lidl constitue l'extension d'un magasin implanté depuis 2001 à proximité du centre-ville de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, lequel comprend de nombreux commerces alimentaires et non alimentaire malgré la présence de nombreuses grandes surfaces, dont certaines de plus de 8 000 mètres carrés, dans son environnement immédiat. Le doublement de la surface de vente du magasin de la société Lidl n'est susceptible de générer qu'une captation de 1 % du chiffre d'affaires de ces commerces au plus. Il résulte également de l'instruction que le taux de vacances des centres-villes des communes situées dans la zone de chalandise est plus faible que celui des communes de taille comparable et que la chambre de commerce et d'industrie a précisé devant la Commission nationale d'aménagement commercial que ce magasin participait à l'animation du quartier.
11. En deuxième lieu, en ce qui concerne l'effet du projet sur les flux de transport, il ressort du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la société Lidl que celle-ci soutient que le doublement de la surface de vente de son magasin a pour objet une augmentation du panier moyen des clients et non une augmentation du nombre de clients par jour. Le magasin, situé à proximité du centre-ville est au demeurant accessible à pied pour de nombreux clients. En tout état de cause, il résulte de l'instruction, notamment de l'étude complémentaire commandée par la société Lidl, qu'à supposer même que le nombre de clients véhiculés soit également doublé, les flux de circulation ainsi créés seront écoulés sans difficulté par le réseau routier, notamment par les carrefours avoisinants.
12. En troisième lieu, le projet de la société Lidl, comprend une toiture végétalisée, un bardage bois et un parement en verre inspiré des bâtiments publics situés à proximité, une rangée d'arbres de haute tiges entre le magasin et les habitations et une augmentation des espaces verts. L'architecte des bâtiments de France n'a formulé aucune objection à ce projet eu égard à son implantation dans le périmètre de protection d'un monument historique.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur d'appréciation en émettant un avis favorable au projet de la société Lidl au regard de son effet sur l'animation de la vie urbaine, à son effet sur les flux de transports et à son insertion paysagère et urbaine.
14. Par suite, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré à la société Lidl le 30 juin 2020 par le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois ou de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société Distribution Casino France demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge solidaire des sociétés Distribution Casino France et Leader Price Exploitation une somme de 1 500 euros à verser à la société Lidl sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de la société Leader Price Exploitation.
Article 2 : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.
Article 3 : Les sociétés Distribution Casino France et Leader Price Exploitation verseront à la société Lidl une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution casino France, à la société Leader Price Exploitation, à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, à la société Lidl et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.
La rapporteure,
A. A...Le président,
P-L. ALBERTINI La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 20VE03441