Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de soixante jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.
Par un jugement n° 2101841 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Mabouana, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention "salarié", sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- aucune disposition conventionnelle ou législative ne fait de l'adéquation entre la qualification, les diplômes ou titres du requérant et les caractéristiques du poste auquel il postule, un critère d'appréciation pour la délivrance du titre de séjour sollicité ;
- la condition de rémunération au moins égale au SMIC prévue par le 6° de l'article R. 5221-20 du code du travail a été supprimée par le décret n° 2021-360 du 31 mars 2021, entré en vigueur le 1er avril 2021 ;
- le motif invoqué en défense en première instance par la préfète d'Indre-et-Loire, tiré de l'absence de visa long séjour, est également entaché d'erreur de droit, dès lors que cette condition est uniquement opposable pour la première délivrance d'un titre ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.
La requête a été communiquée au préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 2 avril 1995, entrée en France le 10 janvier 2020 avec un visa C de court séjour " entrées multiples " valable du 13 décembre 2019 au 11 décembre 2020 mention " famille de français carte à solliciter dans les 2 mois ", à la suite de son mariage le 27 février 2019 avec M. D..., ressortissant français, a été mise en possession d'un certificat de résidence algérien d'un an, valable du 12 mars 2020 au 11 mars 2021. Elle a présenté en janvier 2021, une demande de renouvellement de ce titre de séjour ou de changement de statut " salarié " qui lui a été refusé par un arrêté du 19 avril 2021 de la préfète d'Indre-et-Loire, assorti d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de soixante jours, aux motifs que la vie commune de Mme C... et de son conjoint avait cessé et que les conditions de délivrance d'un titre mention " salarié " n'étaient pas remplies. Mme C... relève appel du jugement du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles: " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2° Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...). Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ".
3. Il est constant qu'à la date de l'arrêté contesté, la communauté de vie de Mme C... et de son époux avait cessé. La préfète d'Indre-et-Loire était par suite fondée à lui refuser le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français. Par ailleurs, la présence en France de Mme C... et son insertion professionnelle étaient récentes et elle n'est pas dépourvue d'attaches en Algérie où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, en dépit de la présence en France de deux sœurs de l'intéressée, le refus de renouvellement du certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de Mme C....
En ce qui concerne la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " :
4. Aux termes du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié": cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française. ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du même code, dans sa rédaction en vigueur du 1er avril 2021 au 1er mai 2021 : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : (...) 4° La rémunération proposée est conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil ; / 5° Lorsque l'étranger est titulaire d'une carte de séjour portant les mentions "étudiant" ou "étudiant-programme de mobilité" prévue à l'article L. 313-7, L. 313-17 et L. 313-27 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a achevé son cursus en France ou lorsqu'il est titulaire de la carte de séjour portant la mention "recherche d'emploi ou création d'entreprise" prévue à l'article L. 313-8 du même code, l'emploi proposé est en adéquation avec les diplômes et l'expérience acquise en France ou à l'étranger. ".
5. Pour refuser le changement de statut sollicité par Mme C..., la préfète d'Indre-et-Loire s'est fondée sur l'inadéquation entre la licence de langue anglaise obtenue par l'intéressée en Algérie et l'emploi d'aide à domicile qu'elle occupe, et sur le fait que la rémunération mensuelle de son contrat de travail à temps partiel est inférieure au SMIC, en méconnaissance de la condition de rémunération minimale posée au 6° de l'article R. 5221-20 du code du travail. Toutefois, les dispositions dont il a été ainsi fait application n'étaient plus en vigueur à la date de l'arrêté contesté, le 19 avril 2021. Dans la nouvelle rédaction des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail rappelées au point précédent, issues du décret n° 2021-360 du 31 mars 2021, entrées en vigueur au 1er avril 2021, l'inadéquation de l'emploi proposé avec les diplômes et l'expérience acquise en France ou à l'étranger ne peut être opposée qu'aux demandes de changement de statut présentées par les étudiants et titulaires d'un titre de séjour mention "recherche d'emploi ou création d'entreprise", et la condition posée au 6° de cet article dans sa version antérieure, tenant à ce que " le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, [soit] au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ", a été supprimée. Mme C... est par suite fondée à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il porte sur sa demande de changement de statut. Si la préfète d'Indre-et-Loire a fait valoir en première instance un nouveau motif tiré de l'absence de visa long séjour, ce motif est également entaché d'une erreur de droit, dès lors que la condition de production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois n'est pas opposable à l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, du titre de séjour dont il est titulaire.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt implique uniquement, compte tenu de ses motifs, que le préfet territorialement compétent procède au réexamen de la demande de Mme C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet compétent de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Mabouana, conseil de Mme C..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2101841 du 18 juillet 2022 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 19 avril 2021 de la préfète d'Indre-et-Loire sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Me Mabouana une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Mabouana renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.
L'assesseur le plus ancien,
G. TAR La présidente-rapporteure,
O. B... La greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme
La greffière,
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N° 22VE02269