Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Le Relais a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1903436 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juillet 2021 et 3 février 2023, la SARL Le Relais, représentée par Me Morisset et Me Lopez, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la reconstitution de son chiffre d'affaires est radicalement viciée du fait d'un changement dans ses conditions d'exploitation ; la modulation appliquée au titre des exercices 2010 et 2011 au coefficient de marge brute déterminé selon la méthode des liquides sur l'exercice 2013, n'est pas pertinente compte tenu de la modification de ses conditions d'exploitation intervenue au cours de l'exercice clos en 2012 ;
- l'administration n'apporte aucune justification sur l'absence de " modulation " en ce qui concerne la proportion du chiffre d'affaires soumise à la TVA au taux normal et la proportion de ce chiffre d'affaires soumise au taux réduit ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de la SARL Le Relais.
Il fait valoir que les conclusions à fin décharge sont irrecevables en ce qui concerne les droits supplémentaires dus au titre de l'exercice 2013 et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 janvier 2023, l'instruction a été close au 3 février 2023 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Le Relais, qui exploite un bar restaurant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses opérations et déclarations effectuées au cours de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), assortis d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré. La SARL Le Relais relève appel du jugement du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales " (..) la charge de la preuve de l'exagération des impositions incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) ".
3. En l'espèce, la comptabilité ayant été écartée en raison des graves irrégularités dont elle était affectée et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ayant émis un avis favorable au maintien des rectifications, la charge de la preuve de l'exagération des impositions incombe à la SARL Le Relais.
4. En l'absence de données fiables permettant de déterminer les conditions d'exploitation d'exercices vérifiés, il est loisible tant à l'administration fiscale dans le cadre des opérations de reconstitution de chiffre d'affaires qu'au contribuable pour critiquer la reconstitution ainsi opérée, de se référer aux données de l'activité d'exercices antérieurs ou postérieurs, pourvu que les conditions d'exploitation, établies par tout moyen, de ces exercices n'aient pas varié ou qu'elles puissent être ajustées pour tenir compte de leur évolution.
5. En l'espèce, la SARL Le Relais n'a pas été en mesure de justifier, au cours de la vérification de comptabilité, de l'exhaustivité de ses recettes comptabilisées et de ses stocks. Pour déterminer les bases imposables, le service vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de 1'exercice clos le 30 septembre 2013 selon la méthode dite des liquides et ainsi établi un coefficient de marge brute reconstitué appliqué aux achats revendus de cet exercice, dont il a extrapolé le coefficient de marge brute, corrigé de la variation du coefficient de marge brut résultant des déclarations, appliqué aux exercices 2010 et 2011. La société requérante fait valoir que cette extrapolation est radicalement viciée en raison d'un changement dans ses conditions d'exploitation intervenu au cours de l'année 2012, dont elle n'avait pas fait état lors du contrôle, résultant de l'extension d'une véranda augmentant, de fait, les places dédiées au service de restauration. Toutefois, la requérante ne précise pas à quelle date les travaux ont été réalisés et achevés, ni dans quelles proportions l'extension de la véranda, qui porte sur une superficie de 19,6 m², aurait augmenté la capacité d'accueil du bar ou le nombre de couverts du restaurant. En se bornant à affirmer que " la construction d'une véranda n'influe pas seulement sur la marge brute mais également et nécessairement sur les habitudes de consommation (solide/ liquide) ", elle ne justifie pas davantage d'une modification de son activité liée à cette extension, alors qu'en s'appuyant sur les données déclarées par la société, le service a nécessairement pris en compte les éventuelles évolutions des conditions d'exploitation. Dans ces conditions, la SARL Le Relais n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires des exercices clos en 2010 et 2011 serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.
6. Par ailleurs, si la société requérante soutient que " l'administration n'apporte aucune justification sur l'absence de " modulation " en ce qui concerne la proportion du chiffre d'affaires soumise à la TVA au taux normal et la proportion de ce chiffre d'affaires soumise au taux réduit ", elle n'apporte aucun élément au soutien de cette argumentation permettant de démontrer que la reconstitution du service n'est pas suffisamment précise ou qu'elle serait erronée.
Sur les pénalités :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la SARL Le Relais n'est pas fondée à demander la décharge des majorations dont ont été assortis les rehaussements d'imposition par voie de conséquence de la décharge des droits.
9. En second lieu, il résulte de l'instruction que la comptabilité de la société Le Relais comportait de graves irrégularités, notamment l'absence des pièces justificatives des recettes et d'inventaire détaillé du stock de marchandises acquises en octobre 2010, et la reconstitution de son chiffre d'affaires des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 a révélé des minorations importantes de recettes au cours des trois exercices vérifiés, de 13,81 %, 14,14 % et 14,17 % des chiffres d'affaires déclarés. Au vu de ces constatations, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la société requérante de minorer ses bases d'imposition.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, que la SARL Le Relais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Le Relais est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Relais et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2023.
La rapporteure,
O. A... Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 21VE02138