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11/04/2023 | FRANCE | N°21VE02314

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 11 avril 2023, 21VE02314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Medya Viandes a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, ainsi que des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) auxquels elle a été assujettie au titre des année

s 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1805011 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Medya Viandes a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, ainsi que des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1805011 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a réduit le montant des recettes reconstituées au titre des années 2012 et 2013 de 238 044 et 215 977 euros, a réduit en conséquence la base d'imposition et l'a déchargée, en droits et pénalité, de la TVA pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et de la CVAE à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 correspondant à la réduction de la base d'imposition, a condamné l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2021, sous le numéro 21VE02314, la SAS Medya Viandes, représentée par Me Martin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il ne fait pas intégralement droit à sa demande ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ayant pour objet de vérifier le caractère sincère et probant de sa comptabilité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner au remboursement des dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de ce que les observations de l'administration ne sont pas suffisamment sérieuses pour enlever à la comptabilité son caractère sincère et probant ;

- l'avis de mise en recouvrement du 31 août 2017 n'est pas motivé dès lors qu'il ne mentionne pas l'ensemble des documents prévus par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'imposition est irrégulière ;

- l'administration a rejeté à tort sa comptabilité au titre des années 2012 et 2013 ;

- l'administration fiscale a réintégré à tort, dans son résultat imposable, des paiements reçus de tiers.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Medya Viandes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 février 2023 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Medya Viandes, qui exerce une activité de commerce de gros de viande de boucherie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par une proposition de rectification du 10 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que des pénalités. La SAS Medya Viandes relève appel du jugement du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande de décharge.

Sur la régularité du jugement :

2. A supposer que la société requérante soulève un moyen d'irrégularité du jugement tiré de ce que le tribunal n'aurait pas répondu à son moyen relatif aux motifs pour lesquels l'administration a écarté sa comptabilité comme ne présentant pas un caractère probant, ce moyen ne peut, au vu notamment des points 6 et 7 du jugement attaqué, qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement du 31 août 2017 :

3. En premier lieu, en se bornant, pour contester la procédure d'imposition, à soutenir " qu'aucune observation de l'administration n'est suffisamment sérieuse pour enlever à la comptabilité son caractère sincère et probant ", la requérante n'apporte pas à ce moyen les précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du LPF, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ".

5. Si les actes administratifs, et notamment les avis de mise en recouvrement, doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant la forme ou la procédure, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entraîner la décharge de l'imposition que s'il résulte de l'instruction qu'il a été susceptible d'exercer, dans les circonstances particulières de l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie, à savoir de la possibilité de critiquer utilement les redressements mis à sa charge.

6. L'avis de mise en recouvrement du 31 août 2017 vise la proposition de rectification du 10 décembre 2015, la réponse aux observations du 31 mars 2016 et l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires notifié le 8 août 2017, sans faire référence à la lettre du 22 septembre 2016 du chef de la brigade de vérification informant la société, à l'issu du recours hiérarchique, d'une réduction du montant des rectifications qui seraient mises en recouvrement en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôts sur les sociétés. Par suite, l'avis de mise en recouvrement est entaché, dans cette seule mesure, d'un vice de forme au regard des exigences de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Toutefois, il résulte de l'instruction que la SAS Medya Viandes a reçu, le 3 octobre 2016, le compte-rendu du recours hiérarchique du 22 septembre 2016 qui a réduit les rectifications litigieuses, et que les montants des rectifications mises en recouvrement correspondent à ceux retenus par l'administration à l'issue du recours hiérarchique. En outre, la notification de l'avis de la commission du 8 août 2017, à laquelle l'avis de mise en recouvrement fait référence, renvoie expressément aux rectifications issues du compte-rendu du recours hiérarchique du 22 septembre 2016. Dans ces conditions, la SAS Medya Viandes n'a été privé ni d'une garantie ni de la possibilité de critiquer utilement les impositions mises à sa charge. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales n'est pas susceptible d'entraîner la décharge des impositions.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

7. Pour écarter la comptabilité de la SAS Medya Viandes comme non-probante, l'administration ne s'est pas fondée, contrairement à ce que soutient la requérante, sur l'absence de système de basculement automatique de ces données de gestion dans le logiciel de comptabilité, mais a relevé un certain nombre d'irrégularités formelles dans sa comptabilité. En particulier, elle a constaté des anomalies comptables en ce que des paiements par chèques ont été comptabilisés au crédit de comptes clients n'ayant aucun lien avec les émetteurs des chèques. Elle a également constaté des anomalies et irrégularités dans les données de gestion en relevant l'absence de mention du mode de règlement et du montant réglé sur les factures ainsi que l'absence d'identification de certains clients enregistrés sous le libellé " espèces " et " chèques ", des encaissements de chèques émis par des personnes ne figurant pas en comptabilité, des créances clients soldées par des chèques émis par des personnes ne figurant pas en comptabilité, ainsi que des anomalies sur le compte " caisse " de la société, créditeur pendant plusieurs mois. L'administration a aussi constaté qu'à défaut de fichier spécifique aux règlements, il n'existait pas de référence commune entre les fichiers " ventes " et " clients " permettant au service de vérifier que les encaissements réalisés par la société correspondent à des produits comptabilisés. Elle a enfin, relevé une rupture du chemin de révision entre le document d'origine et l'écriture comptable des ventes et inversement, en méconnaissance de l'article 410-3 du plan comptable général dès lors qu'elle ne peut effectuer de recoupement entre les factures émises et les règlements effectuées par des tiers au regard des seules pièces transmises par la société.

8. En se bornant à soutenir que sa clientèle est principalement constituée de restaurants de type " kebab " n'ayant pas de compte bancaire, de sorte qu'elle est contrainte d'accepter les chèques de tiers non identifiés en comptabilité, la société requérante ne conteste pas utilement les irrégularités relevées par l'administration. Si elle soutient que lorsque l'émetteur de chèque n'est pas le client facturé, il est identifié par une mention manuscrite sur le bordereau de livraison du client et se réfère en appel aux quelques pièces produites en première instance, notamment les attestations établies par certains de ses clients, tickets, factures et des extraits de son grand livre et de sa balance " clients de révision ", d'états de crédits clients et de suivis de balance " Coala-NCI ", ces éléments ne sauraient justifier les anomalies relevées par l'administration, ni permettre le rapprochement entre les règlements de tiers et les factures de ventes comptabilisées.

9. Dans ces conditions, eu égard aux graves irrégularités de comptabilité constatées par le service, ce dernier doit être regardé comme rapportant la preuve, qui lui incombe, du défaut de valeur probante de l'ensemble de la comptabilité présentée, justifiant qu'il soit procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires au cours de la période vérifiée, sans que la requérante ne puisse utilement se prévaloir du fait que les comptes avaient été établis par un expert-comptable extérieur et certifiés par un commissaire aux comptes indépendant.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

10. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. "

11. La comptabilité étant affectée de graves irrégularités et les impositions litigieuses, au titre des années 2012 et 2013, ayant été établies conformément à l'avis rendu le 13 juin 2017 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, notifié le 8 août 2017, il appartient à la société requérante d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

12. Si la société requérante conteste la prise en compte de chèques dit " porteurs " comme des recettes omises non comptabilisées, elle n'apporte pas d'éléments permettant de justifier que les chèques dits porteurs correspondent à des recettes comptabilisées. Les seules attestations établies par certains de ses clients, de même que les tickets, pour certains illisibles, factures et extraits de son grand livre et de sa balance " clients de révision ", les états de crédits clients et de suivis de balance " Coala-NCI ", déjà produits en première instance, sont insuffisants à établir que ces paiements en chèques ont effectivement été comptabilisés.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SAS Medya Viandes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens, ces dernières étant au surplus dépourvues d'objet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Medya Viandes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Medya Viandes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2023.

La rapporteure,

O. A...Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

S. LOUISERELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

2

N° 21VE02314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02314
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-01-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Questions communes.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SELARL ANDRE MADRID

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-04-11;21ve02314 ?
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