Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2011.
Par un jugement n° 1807152 du 14 septembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement intervenu en cours d'instance, et rejeté le surplus de la demande de M. et Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Richard, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le service vérificateur a méconnu les exigences du débat oral et contradictoire ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que l'administration ne leur a pas communiqué les renseignements et les documents obtenus auprès des autorités fiscales espagnoles et de la société OG Beverages GEIE, malgré leur demande en ce sens ;
- la société GSI Consultants ne dispose pas d'un établissement stable en France dès lors qu'elle exerce une activité internationale et que son activité principale se situe en Espagne au lieu de son siège social statutaire ;
- les revenus réputés distribués par la société GSI Consultants procèdent de la rectification des résultats de cette société, établis selon une méthode radicalement viciée dans son principe, en méconnaissance des dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires doit être effectuée à partir des factures obtenues auprès de la société OG Beverages GEIE grâce au droit de communication ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve qui lui incombe de la qualité d'unique maître de l'affaire de M. C....
Par un mémoire enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 février 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1994 entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, complétée par un accord du 28 janvier 2002 en matière d'échange de renseignement ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont, à la suite de l'examen de leur situation fiscale personnelle, été assujettis au titre des années 2009 et 2010, selon la procédure contradictoire, à des suppléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux, à raison notamment de revenus distribués à M. C... par la société de droit espagnol C... Staniforth International Consultants (GSI Consultants), dont il est le gérant. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 14 septembre 2020 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leur demande de décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser une proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 du livre des procédures fiscales de ce livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir.
3. Il résulte de l'instruction que, le service vérificateur a conduit trois entretiens avec M. C... le 2 septembre 2012, le 10 octobre 2012 et le 28 novembre 2002, il a également adressé aux époux C... les 4 et 19 mars 2013 des demandes d'informations et de justifications auxquelles ces derniers n'ont pas donné suite. Le vérificateur a ainsi recherché un dialogue contradictoire avec les contribuables. La seule circonstance que la réunion de synthèse n'a pas été reportée malgré une demande en ce sens des requérants ne suffit pas à démontrer que le vérificateur se serait soustrait à tout débat. Dans ces conditions, alors que même que les contribuables ont fait connaitre le 9 décembre 2013 leur indisponibilité pour la réunion de synthèse prévue le 11 décembre 2013 et que la proposition de rectification leur a été adressée le lendemain 12 décembre 2013, M. et Mme C... ne sont pas fondés à se prévaloir du défaut de caractère contradictoire de l'examen de leur situation fiscale personnelle.
4. En second lieu, d'une part en vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications et ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication. Elle s'étend aux documents obtenus au titre de l'assistance fiscale internationale, sauf stipulations contraires d'une convention internationale.
5. Les requérants soutiennent en appel, comme en première instance, que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ce qu'elle ne leur a pas communiqué, malgré leur demande de communication " de l'ensemble et la totalité des copies de documents obtenus de tiers ", les renseignements et les copies de documents obtenus par l'administration auprès des autorités fiscales espagnoles et de la société OG Beverages GEIE dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'établissement stable en France de la société GSI Consultants. Toutefois, il résulte de l'instruction que les propositions de rectification faisant suite aux vérifications de comptabilité de la société EAMV dont Mme C... est associée et gérante et de l'établissement stable en France de la société GSI Consultants dont M. C... est associé unique et gérant, étaient annexées à la proposition de rectification faisant suite à l'examen de leur situation fiscale personnelle, et que figuraient en annexe de la proposition de rectification de la société GSI Consultants le contrat et les factures adressées à la société OG Beverages GEIE remises par M. C... lui-même, ainsi que les relevés bancaires de la société GSI Consultants obtenus auprès des autorités fiscales espagnoles. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ne soit servie d'autres documents obtenus de tiers pour établir que la société GSI Consultants disposait d'un établissement stable en France et déterminer son chiffre d'affaires ou considérer que M. C... en était maître de l'affaire. En outre, les requérants, qui ont reçus en réponse à leur demande les documents obtenus par l'administration dans le cadre du contrôle les concernant, étaient à même de formuler une demande plus précise au vu des indications portées dans les propositions de rectification qu'ils ont reçues. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le principe de l'imposition en France des revenus litigieux :
6. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable ". Et aux termes de l'article 5 de cette convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / (...) 5. (...) lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un État contractant de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet État pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise, (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la société GSI Consultants, société de droit espagnol ayant son siège social statutaire à Barcelone, constituée à la suite de la liquidation de la société française du même nom, a pour activité le conseil en " risk managment " et que M. C..., qui exerce seul cette activité, a conclu en son nom le 4 décembre 2008 à Levallois-Perret, un contrat avec la société Orangina Schweppes Group EEIG (OS Group) par lequel la société GSI Consultants " met à disposition de OS Group M. C... ". Dès lors que M. C..., qui réside en France, a le pouvoir de contracter au nom de la société GSI Consultants pour l'engager dans une relation commerciale, cette société dispose d'un établissement stable. De plus, l'ensemble des prestations facturées par la société OS Group, unique client de la société GSI Consultants, ont été réalisées par M. C... en France, au siège de la société OS Group, qui mettait à disposition de M. C... pour exercer sa mission un bureau équipé d'un poste informatique et d'une adresse mail. Si les requérants soutiennent que la société GSI Consultants exerce une activité internationale et que son activité principale se situait en Espagne, au lieu de son siège social statutaire, qu'une comptabilité a été établie pour l'année 2009 par un comptable et que des déclarations fiscales ont été déposées auprès de l'administration fiscale espagnole, ils n'ont produit aucun document, malgré les demandes de l'administration, attestant de la véracité de leurs allégations, alors que l'administration fiscale espagnole n'a pu entrer en contact avec la société à l'adresse où elle aurait fixé son siège social et a attesté qu'aucune déclaration d'impôt sur les sociétés ou de taxe sur la valeur ajoutée n'a été souscrite par la société au cours de la période 2009 et 2010. Contrairement à ce qu'affirme les requérants, la société ne dispose d'aucun moyen matériel et humain en Espagne pour y exercer son activité. Si les requérants soutiennent ensuite que M. C... disposait, conformément au contrat conclut avec la société OS Group d'un bureau dans chacune des directions européennes du groupe, notamment à Barcelone, que ses frais de déplacement étaient remboursés, et que dans le cadre de ce contrat, il se serait déplacé dans plusieurs pays d'Europe pour effectuer des audits et rédiger des rapports sur les sites audités, il ne justifie d'aucun frais de déplacement, ni même des lieux précis des audits, leur date et les rapports établis. La facture non datée de location d'un véhicule à Barcelone et l'utilisation de comptes bancaires ouverts en Espagne ne sauraient à elles seules justifier de l'activité de la société GSI Consultants en Espagne. En tout état de cause, M. C... ayant la qualité de représentant dépendant de la société GSI Consultants et l'activité de la société GSI Consultants ayant été exercée en France par M. C..., cette activité devait être regardée comme exploitée en France au sens de l'article 209 du code général des impôts par un établissement stable en France au sens de la convention franco-espagnole du 10 octobre 1995, et par suite passible de l'impôt sur les sociétés sur ses bénéfices réalisés en France.
En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus distribués par la société GSI Consultants :
8. Aux termes des dispositions de l'article 38 du CGI : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. "
9. En premier lieu, à défaut de comptabilité et de déclaration de résultats, le service vérificateur a pu, sans méconnaître les règles de rattachement des créances fixées à l'article 38 du code général des impôts, reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par la société GSI Consultants au cours de l'exercice 2009 à partir de ses encaissements bancaires sur le compte obtenu auprès des autorités fiscales espagnoles et des factures adressées à la société OS Group, sous déduction des sommes en provenance de la société Ecole d'Art Mural que le service a identifiées comme correspondant à des produits de l'activité de Mme C..., ainsi qu'un encaissement en provenance de la société OS Group qui faisait doublon avec la facture du mois de mars.
10. En second lieu, si les requérants soutiennent que les sommes encaissées sous le libellé " transferancia " sur le relevé de compte bancaire de la société GSI Consultants obtenu auprès de l'administration fiscale espagnole correspondent au paiement des factures établies au nom de la société OS Group, et que par suite, pour établir le résultat de la société GSI Consultants le vérificateur aurait dû se fonder uniquement sur les factures, en se bornant à produire des factures mentionnant un numéro de compte différent de celui transmis par l'administration fiscale espagnole, les requérants ne justifient pas de la concordance entre les factures et les encaissements bancaires. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le résultat imposable de la GSI Consultants réputé avoir été distribué à M. C... devrait être réduit à la somme de 60 480 euros en 2009.
En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués
11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".
12. Il résulte de l'instruction que M. C..., gérant de droit de la société GSI Consultants, a lui-même indiqué être le seul à travailler pour cette société, qu'il a le pouvoir d'engager cette dernière comme en atteste la signature du contrat avec la société OS Group au nom de la société GSI Consultants et qu'il est également l'unique titulaire du compte de la société transmis par les autorités fiscales espagnoles. Par ailleurs, ce compte fait apparaitre de nombreux débits bancaires attestant que M. C... utilise le compte pour financer son train de vie. Au regard de ces éléments, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve qui lui incombe que M. C... dispose seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire. Il est par suite présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de leur demande. La requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.
La rapporteure,
O. B...Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme,
La greffière,
2
N° 20VE02898