Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1805074 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2021, Mme C..., représentée par Me Gastaud et Me Lellouche-Hanoune, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas la qualité de bénéficiaire de l'avantage occulte distribué par la SAS Ocean Properties à la SCI Harmonie, dès lors que la SCI Harmonie Holding dont elle est associée, n'a acquis les parts de la SCI Harmonie que postérieurement à l'acquisition de la villa à un prix minoré regardée par l'administration comme un acte anormal de gestion ; l'intention libérale s'apprécie à la date de la cession ; cette intention n'est pas caractérisée à son profit dès lors qu'elle est tierce aux parties à l'acte de cession et qu'elle n'est pas en relation d'intérêt avec la SAS Ocean Properties ; l'avantage occulte consenti à la SCI Harmonie ne pouvait être imposé qu'entre les mains des associés titulaires des parts de cette société au 31 octobre 2012, date de la distribution ;
- l'acte anormal de gestion n'est pas constitué dès lors que le prix de cession de la villa était justifié par les difficultés financières de la SAS Ocean Properties ;
- subsidiairement, la villa a été cédée à sa valeur de marché.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de Mme C....
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 janvier 2023, l'instruction a été close au 3 février 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Ocean Properties, qui a pour objet l'achat et la revente de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service vérificateur a regardé la cession le 31 octobre 2012, à la SCI Harmonie, d'une villa de 251 m² située à Grimaud (Var), au prix de 2,5 millions d'euros, comme un acte anormal de gestion constitutif d'un avantage occulte distribué à la SCI Harmonie. Mme C... détentrice depuis le 5 novembre 2012 en nue-propriété de 25 % des parts de la SCI Harmonie Holding, elle-même détentrice de la totalité des parts de la SCI Harmonie, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2012, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Elle relève appel du jugement du 20 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la distribution d'un avantage occulte à la SCI Harmonie :
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : " (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Il appartient à l'administration d'établir l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix de vente convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.
S'agissant de l'écart de prix :
3. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que les éléments apportés par le contribuable ne sont pas de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.
4. Pour considérer que le prix de 2,5 millions d'euros de la villa acquise par la SCI Harmonie, soit 9 339 euros du m², avait été minoré au regard de la valeur vénale de l'immeuble évaluée par le service à 3 137 000 euros, sur la base d'un prix du m² de 12 500 euros, l'administration a comparé le prix convenu au prix de vente de trois autres lots du même programme immobilier cédés le même jour par la SAS Ocean Properties pour un prix de vente compris entre 11 765 et 12 075 euros du m² et trois autres termes de comparaison correspondant à des ventes réalisées dans les mois précédents, dans un périmètre restreint de moins d'un kilomètre, de biens présentant un niveau équivalent en termes de surface du terrain, de surface habitable et de prestations, dont le prix du m² habitable s'établissait à 15 649 euros, 16 755 euros et 12 500 euros, soit un prix moyen sur l'ensemble de ces biens de 13 376 euros du m² habitable. Par ces constatations, alors que la minoration de prix de 637 000 euros représente 25 % du prix stipulé et 20 % de la valeur vénale, l'administration fiscale établit l'existence d'un écart significatif du prix convenu par rapport à la valeur vénale du bien vendu.
5. Pour contester cette évaluation, la requérante se prévaut du délai entre la date d'achèvement de l'immeuble en 2009 et sa vente en octobre 2012. Toutefois, ce seul délai ne prouve pas l'existence de difficultés de commercialisation, alors que trois autres villas du même programme ont été vendues le même jour à un prix normal. L'évaluation à laquelle l'administration a procédé n'est pas davantage utilement contestée par les arguments tirés d'une erreur cadastrale qui n'est au demeurant pas avérée, et de ce que seuls quatre termes de comparaison correspondent à des cessions réalisées en 2012, dès lors qu'en excluant le terme le plus ancien, le prix moyen du m² est encore de 12 923 euros et que le prix moyen des quatre ventes réalisées en 2012 s'établit à un prix de 11 957 euros, très supérieur au prix de 9 339 euros du m² du lot en cause. Si Mme C... soutient, s'agissant des autres villas du programme " Azur Roc ", que la villa n° 5 serait " la moins prestigieuse, la moins bien exposée, la plus petite implantée à l'entrée du domaine, ne disposant que d'un terrain assez exigu par rapport aux autres villas, et de la piscine la plus petite non dotée d'un jacuzzi ", le ministre fait valoir sans être contredit que la villa n° 5 dispose d'un terrain plus grand que la villa n° 3 et aussi grand que la villa n° 4, est élevée sur deux niveaux comme les villas n° 3 et 4, dispose du même nombre de pièces que la villa n° 4,et a été achevée à la même date que les villas n° 3 et 4. La seule circonstance que la piscine ne disposerait pas d'un jacuzzi ne suffit pas à justifier la différence de prix au m². Bien que la surface habitable de la villa n° 5 soit effectivement inférieure de 5 % à la surface de la villa n° 4, de 14 % à la villa n° 3 et de 28 % à la villa n° 2, cette circonstance est sans incidence sur le prix moyen au mètre carré dès lors que les prestations des différents lots pouvaient être regardées comme comparables. En revanche, les termes de comparaison proposés par la requérante n'apparaîssent pas pertinents dès lors qu'ils sont situés dans un périmètre plus large incluant des biens ne présentant pas les mêmes caractéristiques de surperficie du terrain d'assiette et de standing que les villas " Azur Roc ", décrite par la plaquette de commercialisation comme des villas haut de gamme, sur un domaine de quatorze hectares, dominant le golfe de Saint-Tropez.
6. Il résulte de ce qui précède que la minoration du prix de cession de la villa n° 5 acquise par la SCI Harmonie doit être regardée comme établie.
7. En se bornant à faire valoir qu'un délai de trois ans s'est écoulé entre l'achèvement de la villa et sa cession, la requérante n'établit pas que la SAS Ocean Properties a été contrainte de céder la villa n° 5 a un prix minoré. Si Mme C... soutient également que la SAS Ocean Properties a été mise en redressement judiciaire le 7 juin 2013, puis placée en liquidation judiciaire le 18 septembre 2013, alors que le ministre fait valoir sans être contredit que ces procédures ont été engagées pour des motifs étrangers à la commercialisation du programme " Azur Roc ", elle ne justifie pas des difficultés financières de la SAS Ocean Properties, ni de ce que ces difficultés l'auraient contrainte à céder l'immeuble à un prix inférieur à sa valeur vénale. Cette allégation est d'ailleurs contredite par le fait que l'essentiel du prix était payable à terme, à un tiers. Enfin, la requérante n'allègue pas de l'existence de contreparties. Dans ces conditions, la minoration du prix de cession est constitutive d'un acte anormal de gestion.
S'agissant de l'intention libérale :
8. L'intention, pour la société distributrice, d'octroyer une libéralité et, pour le cocontractant, de la recevoir s'apprécie à la date de la cession. Dans le cas où les parties sont liées par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir une libéralité est présumée.
9. En l'espèce, il est constant qu'à la date de la distribution de l'avantage occulte dont a bénéficié la SCI Harmonie, celle-ci était détenue à 99 % par la SAS Ocean Properties, le 1 % restant étant détenu par la société Ocean Group International elle-même associée unique de la SAS Ocean Properties. La société distributrice ayant consenti l'avantage à sa filiale détenue directement ou indirectement à 100 %, l'intention libérale est présumée. Est à cet égard sans incidence la circonstance que la SCI Harmonie Holding n'était pas, à la date la distribution réalisée lors de la cession le 31 octobre 2012, propriétaire des parts de la SCI Harmonie Holding.
10. Il résulte de ce qui précède que la SCI Harmonie a bénéficié d'un avantage constitutif d'un revenu distribué imposable en application du c de l'article 111 du code général des impôts au titre de l'année 2012.
En ce qui concerne l'imposition du revenu distribué à la SCI Harmonie :
11. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...) ". Aux termes de l'article 12 du même code : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. " Il résulte de ces dispositions que les bénéfices des sociétés de personnes sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés présents à la date de clôture de l'exercice, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé chacun une part de ces bénéfices à raison de leurs droits dans la société à cette date.
12. Aux termes de l'article 238 bis K du même code : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 239 quater, 239 quater B ou 239 quater C sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits (...) / II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement ".
13. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient Mme C..., l'administration fiscale n'a pas entendu imposer entre ses mains, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, l'avantage occulte dont elle aurait indirectement bénéficié. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle ne peut être réputée bénéficiaire de cet avantage consenti antérieurement à l'acquisition des parts de la SCI Harmonie par la SCI Harmonie Holding dont elle est associée. En revanche, l'administration fiscale était fondée à la soumettre à l'impôt, en sa qualité de nue-propriétaire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de la quote-part lui revenant, à la clôture de l'exercice de la SCI Harmonie, du produit exceptionnel constitué par l'acquisition d'un bien immobilier à un prix minoré.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.
La rapporteure,
O. A... Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 21VE02150