Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2203315 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 25 octobre 2022 et les 29 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Papi, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de lui enjoindre de réexaminer son dossier dans le délai d'un an, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Versailles n'a pas répondu à son argument tiré d'un défaut de loyauté de la préfecture qui lui a demandé de fournir un certain nombre de documents lui permettant éventuellement de lui délivrer un titre de séjour sur un autre fondement, sans en tenir compte ;
- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour n'est pas suffisamment motivée en droit et en fait ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée ;
- une carte de séjour temporaire devait lui être délivrée de plein droit en application de l'article L. 423-7 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie contribuer à l'entretien de son enfant de nationalité française ;
- le préfet a porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- en vertu de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il justifie d'une résidence en France depuis dix ans et qu'il est père d'un enfant français résidant en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les observations de Me Dupaigne, substituant Me Papi, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant comorien né le 10 mars 1989, entré en France selon ses déclarations le 24 juillet 2012, titulaire d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'un enfant français depuis le 4 mai 2015, a demandé le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 20 janvier 2022, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande et assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., s'il ne justifie pas de sa présence sur le sol français depuis 2012, il y réside en séjour régulier depuis février 2015, soit près de sept années à la date de l'arrêté contesté, à la faveur de titres de séjour qui lui ont été délivrés en qualité de parent d'un enfant de nationalité française, née le 2 janvier 2015 à Saint-Denis. Si le requérant ne remplit plus la condition de contribution à l'entretien de l'enfant prévue à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait que la mère et l'enfant sont parties vivre à Mayotte en 2020, il apporte des éléments dont il ressort qu'il verse sur un livret A ouvert au nom de l'enfant une somme mensuelle de 50 euros depuis décembre 2020 et qu'il a saisi le juge aux affaires familiales d'Evry le 5 juillet 2021, lequel s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de Mamoudzou, afin d'obtenir un droit d'hébergement pendant les vacances scolaires et que soit fixée une pension alimentaire. Par ailleurs, M. B... dispose de ressources stables et suffisantes depuis l'année 2017, d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein depuis le 6 janvier 2019, et d'un logement loué dans le parc privé. De plus, M. B... vit en concubinage avec une compatriote en séjour régulier avec laquelle il a un enfant, né le 17 mai 2021, avant l'intervention de l'arrêté contesté. Dans ces circonstances, le refus de renouvellement de titre de séjour et la mesure d'éloignement contestés portent une atteinte excessive au droit de M B... au respect de sa vie privée et familiale.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Essonne délivre à M. B..., un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet, ou à toute autorité compétente, d'y procéder, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, dans un délai de deux mois. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Papi, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2203315 du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 20 janvier 2022 du préfet de l'Essonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne, ou toute autre autorité territorialement compétente, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois.
Article 3 : L'Etat versera à Me Papi, avocate de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.
La rapporteure,
O. A... Le président,
P. BEAUJARD La greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme,
La greffière,
N° 22VE02413
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