Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juillet 2021 et 16 mars 2022, la société Paulvilbois, représentée par Me Férignac, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 29 avril 2021 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la SCCV Retail LVDB à modifier substantiellement un projet de création d'un ensemble commercial situé sur le territoire de la commune de La Ville-du-Bois ;
2°) de mettre à la charge de la SCCV Retail LVDB le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Paulvilbois soutient que :
- il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial auraient été régulièrement convoqués et auraient reçu l'ensemble des documents prescrits par le code de commerce ;
- la demande de modification substantielle présentée sur le fondement de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme était irrecevable ;
- le dossier de demande de la SCCV Retail LVDB était incomplet ;
- le projet de la SCCV Retail LVDB méconnaît l'article L. 756-2 du code de commerce eu égard à l'absence d'utilisation économe de l'espace, à son effet négatif sur les flux de circulation, à l'absence de caractère certain de la réalisation des aménagements nécessaires à la viabilité du projet, à son incidence sur l'animation de la vie urbaine et à son incompatibilité avec le SDRIF.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 novembre 2021 et 30 mars 2022, la SCCV Retail LVDB, représenté par Me Bolleau, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Paulvilbois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Paulvilbois ne sont pas fondés.
Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 30 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Villette,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bertranet pour la société Paulvilbois et de Me Dutoit, substituant Me Bolleau, pour la SCCV Retail LVDB.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 septembre 2020, le maire de la commune de La Ville-du-Bois a délivré à la SCCV Retail LVDB un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, concernant un ensemble commercial comprenant une concession automobile et une salle de sport, activités non soumises à autorisation, et un magasin de vêtements ainsi qu'une cellule commerciale non alimentaire, activités soumises à autorisation d'exploitation commerciale. Le 24 novembre 2020, la SCCV Retail LVDB a déposé auprès de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Essonne une demande d'autorisation de modification substantielle de son projet eu égard à la transformation de cette dernière cellule commerciale en commerce alimentaire. Une décision implicite d'autorisation est née le 24 janvier 2021. La société Paulvilbois a formé un recours contre cette décision devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), qui a rejeté ce recours et autorisé le projet de la SCCV Retail LVDB le 29 avril 2021. La société Paulvilbois demande à la cour d'annuler cette dernière décision.
2. En premier lieu, si la requérante soutient que les dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce, aux termes duquel " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale " auraient été méconnues, elle ne produit aucun élément étayé au soutien de cette argumentation ni n'allègue que les conditions dans lesquelles la CNAC se serait réunie auraient été de nature à priver les intéressés d'une garantie ou à avoir une influence sur le sens de la décision contestée. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l'article L. 752-15 du même code, mais n'a pas d'effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale auprès de la commission départementale. ".
4. La société Paulvilbois soutient que la SCCV Retail LVDB ne pouvait se contenter de solliciter une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale dès lors que la modification de son projet avait un effet sur la conformité des travaux à la réglementation de l'urbanisme. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que la modification de l'implantation du bâtiment A en limite séparative, la diminution du nombre de places de stationnement et l'ajout d'un groupe froid figuraient sur les plans antérieurs à la délivrance du permis de construire du 8 septembre 2020 et ne résultent donc pas de la modification de son projet par la SCCV Retail LVDB. De même, il n'apparait pas que le remplacement d'un bardage métallique par un bardage bois de même teinte sur une surface limitée de la façade de la cellule commerciale adjacente au commerce d'habillement résulterait de la transformation de cette cellule en commerce alimentaire, objet de la modification du projet de la SCCV, ni même, au surplus, qu'il aurait, en l'espèce, affecté la conformité du projet aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme. Dès lors, la société Paulvilbois n'est pas fondée à soutenir que la demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la SCCV Retail LVDB était irrecevable, faute pour cette demande d'être accompagnée d'une demande de permis de construire modificatif.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 752-15 du code de commerce : " L'autorisation d'exploitation commerciale est délivrée préalablement à la réalisation du projet si le permis de construire n'est pas exigé. L'autorisation est accordée par mètre carré de surface de vente. Une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d'instruction ou lors de sa réalisation, subit, du fait du pétitionnaire, des modifications substantielles au regard des critères énoncés à l'article L. 752-6. Lorsqu'elle devient définitive, l'autorisation de modifier substantiellement le projet se substitue à la précédente autorisation d'exploitation commerciale accordée pour le projet ". Aux termes de l'article R. 752-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. 1° Informations relatives au projet : f) Pour les projets de modification substantielle : une description du projet autorisé, des modifications envisagées et du projet après modifications ; ".
6. En l'espèce, si la demande d'autorisation de la SCCV Retail LVDB était axée sur la création d'un commerce de boulangerie, en lieu et place d'un commerce non alimentaire, les documents produits rappelaient la nature du projet initialement autorisé par la CNAC et décrivaient le projet issu de cette modification. L'analyse d'impact, qui ne concernait initialement que la boulangerie, a été complétée en cours d'instruction et les éléments ainsi produits, relatifs notamment aux opérations de revitalisation du territoire en cours et aux commerces d'habillement présents dans la zone de chalandise, ont permis à la CNAC d'apprécier l'impact de l'ensemble du projet sur la vie locale. De même, l'étude de trafic a été reprise en cours d'instruction, pour tenir compte des flux générés par la boulangerie. Dès lors, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande d'autorisation de la SCCV Retail LVDB doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
8. Le projet de la SCCV a vocation à s'implanter sur une parcelle qui accueillait une station-service désormais démantelée et classée en zone constructible par le plan local d'urbanisme communal. Il procède ainsi de la requalification d'une friche commerciale et industrielle. La SCCV a également procédé à la dépollution des terres de la parcelle. Si ce projet augmente la surface imperméabilisée de cette parcelle, de 6 426 mètres carrés à 8 713 mètres carrés, il prévoit aussi 3 353 mètres carrés d'espaces verts et le maintien d'arbres de haute tige. Le nombre de places de stationnement imperméabilisées a été réduit grâce à une mutualisation des parkings des commerces alentour et la requérante ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la compacité du bâti. Il n'apparaît pas non plus, en l'état de l'instruction, faute d'information sur les surfaces disponibles, que ce projet aurait pu être accueilli par la galerie du centre commercial située à proximité. Dès lors, la société Paulvilbois n'est pas fondée à soutenir que ce projet entraîne une consommation excessive d'espace.
9. L'étude de trafic produite par la SCCV Retail LVDB en cours d'instruction témoigne des capacités du réseau routier à absorber les flux générés par le projet, malgré l'existence de congestions sur la route nationale 20. En outre, trois lignes de bus desservent fréquemment la parcelle d'assiette du projet. Dès lors, le projet ne compromet pas la maîtrise des flux de transports et le développement des transports collectifs.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agrandissement de la voie publique desservant la parcelle constitue une condition pour que celui-ci satisfasse aux objectifs fixés en matière d'aménagement du territoire par l'article L. 752-6 précité. Notamment, eu égard à la desserte du site par les poids lourds, il n'apparaît pas que cet agrandissement aurait constitué une nécessité pour leur circulation en toute sécurité ou sans engorgement du réseau routier. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet agrandissement ne présentait pas un caractère suffisamment certain à la date de la décision de la CNAC ne peut être utilement soulevé par la société Paulvilbois.
11. Le projet de la SCCV Retail LVDB soumis à autorisation comprend un magasin d'habillement et une boulangerie ayant partiellement vocation à alimenter les clients présents dans la zone commerciale. La zone de chalandise du projet est sous dotée en boulangeries, de telle sorte que l'exploitation de ce commerce n'apparaît pas de nature à faire obstacle au développement de commerces de proximité. De même, le projet s'implante dans une zone commerciale existante dont il ne modifie pas substantiellement l'attractivité. Il n'est pas établi, non plus, qu'une friche en centre-ville aurait été en mesure d'accueillir l'ensemble du projet commercial de la SCCV Retail LVDB ni même, en l'état de l'instruction, faute d'information sur les surfaces disponibles, que ce projet aurait pu être accueilli par la galerie du centre commercial en déclin située à proximité. Enfin, la société Paulvilbois ne produit aucun élément circonstancié sur l'atteinte portée par le projet aux opérations de revitalisation du territoire en cours dans la zone de chalandise. Dès lors, le projet en litige n'apparaît pas de nature à compromettre l'animation de la vie urbaine.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Paulvilbois n'est pas fondée à soutenir que la CNAC aurait commis une erreur d'appréciation en considérant que ce projet n'était pas de nature à compromettre l'objectif d'aménagement du territoire fixé par la loi.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme ". Eu égard à la requalification d'un espace déjà imperméabilisé et pollué situé en zone constructible, à la présence de lignes de bus desservant fréquemment le site et à son implantation à l'entrée de zones résidentielles, la société Paul Vilbois n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le projet serait incompatible avec les objectifs du schéma directeur de la région île de France de densification, et d'implantation des commerces dans les zones desservies par les transports collectifs et à de proximité des espaces résidentiels.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Paulvilbois n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la CNAC du 29 avril 2021.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCCV Retail LVDB, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Paulvilbois demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de société Paulvilbois une somme de 1 500 euros à verser à la SCCV Retail LVDB sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Paulvilbois est rejetée.
Article 2 : La société Paulvilbois versera à la SCCV Retail LVDB une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Paulvilbois, à la SCCV Retail LVDB, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la commune de La Ville-du-Bois.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023.
La rapporteure,
A. VILLETTELe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE02079