Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B..., représenté par Me Maillet, avocat, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2208775 en date du 2 août 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 900 euros à verser à Me Maillet, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et sous réserve de l'admission définitive de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Procédure devant la cour :
Par une ordonnance n° 22PA04082 du 9 septembre 2022, le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a transmis à la cour administrative d'appel de Versailles, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, le dossier de la requête de la préfète du Val-de-Marne, enregistrée le 5 septembre 2022.
Par sa requête, enregistrée à la cour administrative d'appel de Versailles le 14 septembre 2022 sous le n° 22VE02222, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 décembre 2022, la préfète du Val-de-Marne demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 2 août 2022 et de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Elle soutient que :
S'agissant du motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
- l'arrêté n'a pas été pris au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
S'agissant des autres moyens soulevés par M. B... :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas signée par une autorité incompétente ;
- elle est suffisamment motivée ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 611-1 1° et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile dès lors que ce moyen est inopérant ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle n'est pas signée par une autorité incompétente ;
- elle est suffisamment motivée ;
- elle n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code des relations entre le public et l'administration ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle n'est pas signée par une autorité incompétente ;
- elle est suffisamment motivée ;
- elle n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2023, M. B..., représenté par Me Maillet, avocat, conclut au rejet de la requête, comme irrecevable et particulièrement mal fondée, à la confirmation du jugement entrepris et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros à verser à Me Maillet au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que la requête d'appel de la préfète du Val-de-Marne est irrecevable, dès lors qu'elle est tardive, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure civile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 5 avril 1986, a demandé l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. La préfète du Val-de-Marne relève appel du jugement du 2 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ". Aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, (...). L'admission provisoire est accordée par (...) le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué. ".
3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, précité.
Sur la fin de non-recevoir opposée :
4. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, relatif aux appels dirigés contre les jugements statuant sur les demandes tendant à l'annulation des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 de ce code : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-6 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai (...) ". Enfin, aux termes de l'article 642 du code de procédure civile : " (...) Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ".
5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 2 août 2022, dont la préfète du Val-de-Marne demande l'annulation, a été mis à sa disposition, le mardi 2 août 2022, au moyen de l'application informatique Télérecours, mentionnée par les dispositions précitées de l'article R. 751-4-1 du code de justice administrative, laquelle en a accusé réception le 3 août 2022. Le délai d'appel d'un mois qui lui était imparti, qui revêt le caractère d'un délai franc, a expiré le dimanche 4 septembre 2022. Par suite, la requête introduite par la préfète du Val-de-Marne le lundi 5 septembre 2022, devant la cour administrative d'appel de Paris, n'est pas tardive. La fin de non-recevoir opposée en défense doit, dès lors, être écartée.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
6. L'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". L'article 51 de la même charte énonce que : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
7. Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union européenne, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition de M. B... par les services de police du commissariat de Champigny-sur-Marne, le 30 mai 2020, dans le cadre d'une enquête préliminaire pour des faits de violences volontaires par conjoint sans incapacité totale de travail et de menaces de mort réitérées par conjoint, que l'intéressé a été entendu par l'administration préalablement à l'édiction de la décision attaquée et qu'il a été spécifiquement interrogé sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français, ainsi que sur sa situation personnelle, familiale et professionnelle en France et dans son pays d'origine. Ainsi, M. B... a eu la possibilité, au cours de cette audition, de faire connaître ses observations utiles et pertinentes de nature à influer sur l'arrêté contesté. En outre, il n'est pas établi, eu égard notamment à l'absence de toute production d'éléments en ce sens au dossier, que l'intéressé aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit pris à son encontre l'arrêté contesté et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Dans ces conditions, la procédure suivie par la préfète du Val-de-Marne, qui n'a pas privé M. B... de son droit d'être entendu, n'a pas porté atteinte au principe fondamental tel qu'énoncé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le moyen tiré du vice de procédure est ainsi infondé et doit, par suite, être écarté.
9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de l'ensemble des décisions attaquées :
10. En premier lieu, M. A... C..., adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, a reçu par un arrêté n° 2022/00306 du 28 janvier 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, délégation pour signer les décisions contestées. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables qui constituent une mesure de police, doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
12. Les décisions attaquées visent les textes dont il est fait application, exposent les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. B... ainsi que les éléments sur lesquels la préfète du Val-de-Marne s'est fondée pour prendre l'arrêté contesté. Ainsi, alors que les décisions querellées comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit être écarté.
13. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance par les décisions attaquées des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté, pour les motifs exposés aux point 8 et 9, doit être écarté.
14. En quatrième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté querellé ni de tout autre élément du dossier, que la préfète du Val-de-Marne, qui a notamment indiqué que M. B... est célibataire, sans charge de famille, que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas intenses et stables, eu égard notamment à sa récente date d'entrée sur le territoire, qu'il n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine et qu'il n'établit pas risquer d'être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Maroc, n'aurait pas procédé à un examen approfondi et personnalisé de sa situation personnelle et familiale avant d'arrêter les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. B... par l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
16. Il ressort des pièces du dossier que M. B... se déclare célibataire et sans enfant à charge, la garde de son enfant né de sa précédente union ayant été confiée à son ancienne épouse. Dans ces conditions, et alors qu'il ni ne démontre être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a majoritairement vécu avant son entrée en France, en 2017, selon ses déclarations, ni n'atteste par le versement d'une quelconque pièce au dossier d'une insertion professionnelle stable et durable en France, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels les décisions attaquées ont été prises. Un tel moyen doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la préfète du Val-de-Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ces décisions sur la situation personnelle et familiale de M. B... doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
17. En premier lieu, si l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant élève au rang de considération primordiale l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions des autorités administratives qui le concernent, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de cet article par l'arrêté attaqué, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12, doit être écarté. Il en va de même pour le moyen tiré d'une méconnaissance des articles 9 et 16 de la même convention.
18. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 16, et au regard de la circonstance que M. B... n'a pas non plus justifié d'une insertion professionnelle intense et stable, M. B... ne peut être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à ce qu'il soit admis au séjour au titre des dispositions susvisées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision attaquée des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
20. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes du 1° de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
21. Il ressort des pièces du dossier et notamment de ses propres déclarations que M. B..., qui ne peut justifier de son entrée régulière en France, se maintient en situation irrégulière sur le territoire sans jamais avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Ainsi, alors qu'il se trouve dans le cas visé au 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est établi qu'il existe un risque que M. B... se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet. C'est donc sans erreur de droit ni de fait tenant à la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code susvisé que la préfète du Val-de-Marne a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. B.... Par suite, un tel moyen doit être écarté.
22. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / (...) 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même directive : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 4. / (...) 4. S'il existe un risque de fuite, (...) les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ". Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé au point 20, le législateur a précisé que l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire notamment dans le cas où il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet. Enfin, par l'article L. 612-3 du même code, le législateur a entendu définir les cas dans lesquels, sauf circonstances particulières, le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 précité peut être regardé comme établi.
23. Si M. B... soutient que les dispositions de l'article L. 612-2 précité créent une " présomption de risque de fuite ", qui serait contraire aux objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énumère et définit précisément les cas ou critères objectifs sur la base desquels, sauf circonstance particulière, l'autorité préfectorale peut considérer qu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 par ces articles L. 612-2 et L. 612-3 ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'autre moyen soulevé à l'encontre de la décision portant fixation du pays de renvoi :
24. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...). Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
25. Si M. B..., de nationalité marocaine, soutient que la mesure en cause l'expose à être séparé de son enfant et à subir ainsi un traitement contraire aux stipulations susvisées, il n'établit toutefois pas la réalité des liens qu'il entretient effectivement avec celui-ci ni même sa présence effective sur le territoire français. Ainsi, et alors qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que M. B... serait exposé à un risque de traitements contraires aux stipulations susvisées en cas de retour dans son pays d'origine, il n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle la préfète du Val-de-Marne a fixé le pays à destination duquel il doit être renvoyé aurait été prise en méconnaissance des stipulations et dispositions susvisées. Un tel moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée deux ans :
26. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ". Il ressort de ces dispositions que lorsqu'un préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il lui appartient d'assortir cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois faire obstacle à la prise d'une telle mesure, dont la fixation de la durée doit, en tout état de cause, prendre en considération quatre critères sans pour autant se limiter à ne prendre en compte qu'un ou plusieurs d'entre eux, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
27. Alors qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ, M. B..., qui se présente comme étant célibataire et sans enfant à charge, ne justifie ni d'attaches sociales ou professionnelles conséquentes en France ni d'une circonstance à caractère humanitaire quelconque. Dès lors, alors même qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et sans qu'il eut été besoin pour l'autorité compétente de se prononcer de manière exhaustive sur l'ensemble des critères fixés à l'article L. 612-10 du code susvisé, c'est sans erreur de droit que la préfète du Val-de-Marne a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code précité doit être écarté.
28. En second lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 à 19, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle et familiale. Par suite, un tel moyen doit être écarté.
29. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 30 mai 2022. Les conclusions à fin d'annulation et d'injonction et celles relatives aux frais d'instance présentées par M. B... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent dès lors être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : M. B... est admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 2208775 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 2 août 2022 est annulé.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Versailles sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La cour administrative d'appel de Versailles
(6ème chambre)
Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président-assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.
Le président-assesseur,
O. MAUNYLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
3
2
N° 22VE02222