Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite du 21 février 2019 par laquelle le maire de la commune d'Asnières-sur-Oise a refusé de retirer sa décision de ne pas s'opposer à la division de la parcelle cadastrée section AD n° 503 en deux parcelles cadastrées section AD nos 783 et 784 et la décision implicite du 20 février 2019 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de retirer l'arrêté 18 novembre 2016 en tant qu'il déclare cessible la parcelle cadastrée section AD n° 783.
Par un jugement nos 1902714-1904087-1904089 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2021, Mme A..., représenté par Me Guillon, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ainsi que la décision par laquelle le service du cadastre a implicitement refusé de retirer la décision par laquelle il a entériné la division de la parcelle cadastrée section AD n° 503 en deux parcelles respectivement cadastrées section AD n° 783 et section AD n° 784 telle que demandée par la commune d'Asnières-sur-Oise ;
3°) d'enjoindre au maire d'Asnières-sur-Oise, au service du cadastre et au préfet du Val-d'Oise de retirer les décisions précitées dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune d'Asnières-sur-Oise le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions dirigées contre les décisions implicites du maire et du préfet ;
- le maire est aussi l'auteur de la décision du 21 février 2019 ;
- elle n'a pas certifié le document d'arpentage, préalablement à la division de sa parcelle et à l'adoption de l'arrêté de cessibilité ;
- la division de sa parcelle a été opérée en fraude au droit de propriété.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2022, la commune d'Asnières-sur-Oise, représentée par Me Gentilhomme, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- eu égard au caractère tardif des demandes de retrait de Mme A..., sa demande était irrecevable ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 30 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mars 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;
- le décret n° 55-471 du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Villette,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gentilhomme pour la commune d'Asnières-sur-Oise.
Considérant ce qui suit :
1. Le plan local d'urbanisme de la commune d'Asnières-sur-Oise a établi un emplacement réservé F en vue de la création d'un parc de stationnement recouvrant partiellement la parcelle cadastrée section AD n° 503, appartenant à Mme C... B... épouse A.... Ce projet a été déclaré d'utilité publique par un arrêté du préfet du Val-d'Oise du 11 janvier 2016. Le 9 mai 2016, un document d'arpentage a été réalisé, afin de modifier le parcellaire cadastral suivant le périmètre de l'emplacement réservé F. La parcelle cadastrée section AD n° 503 a alors été divisée en deux parcelles, cadastrées respectivement section AD nos 783 et 784, ainsi que le révèle l'arrêté du 18 novembre 2016 par lequel le préfet du Val-d'Oise a déclaré cessible immédiatement pour cause d'utilité publique la parcelle cadastrée section AD n° 783. Par un courrier reçu le 21 décembre 2018, Mme A... a demandé au maire d'Asnières-sur-Oise de retirer sa décision par laquelle il a entériné ou ne s'est pas opposé à la division de la parcelle cadastrée section AD n° 503 en deux parcelles cadastrées section AD nos 783 et 784 et de lui réattribuer la parcelle cadastrée section AD n° 503. Par un courrier reçu le 20 décembre 2018, Mme A... a aussi sollicité du préfet du Val-d'Oise le retrait de l'arrêté du 18 novembre 2016 en tant qu'il déclare cessible la parcelle cadastrée section AD n° 783. Mme A... relève appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de refus nées du silence de l'administration sur ces deux demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges ont requalifié la décision implicite du 21 février 2019 comme émanant non du maire de la commune d'Asnières-sur-Oise mais du service du cadastre, seul compétent en application du décret du 30 avril 1955 pour procéder aux opérations de conservation du cadastre. Ce faisant, ils n'ont pas omis de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision. En outre, Mme A... n'avait pas saisi les premiers juges d'une demande tendant à l'annulation du refus du maire d'Asnières-sur-Oise d'abroger la division cadastrale de sa parcelle ou du refus du préfet d'abroger son arrêté de cessibilité du 18 novembre 2016, et ne saurait dès lors leur reprocher de ne pas avoir statué sur de telles conclusions. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction ". Aux termes de l'article L. 241-2 du même code : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ".
4. Une personne justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation : " Les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux prescriptions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L'identité des propriétaires est précisée conformément aux prescriptions du premier alinéa de l'article 5 ou du premier alinéa de l'article 6 de ce décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955 ". Aux termes de l'article R. 132-3 du même code : " Il peut n'être établi qu'un seul document d'arpentage pour l'ensemble des parcelles contiguës comprises dans une même feuille de plan cadastral. Dans ce cas, il n'est plus exigé de document d'arpentage soit à l'occasion de cessions amiables postérieures à l'arrêté de cessibilité ou à tous actes en tenant lieu, soit à l'occasion de l'ordonnance d'expropriation ".
6. Aux termes de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines. / Lorsqu'il réalise ou constate une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte ou la décision doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division, sauf en cas de lotissement effectué dans le cadre de la législation sur les lotissements ou s'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre n'est pas rénové. La constitution sur une fraction de parcelle d'un droit d'usufruit, d'un droit de superficie ou d'un bail emphytéotique est considérée comme un changement de limite de propriété. / Lorsque, sans réaliser ou constater une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, il ne concerne qu'une ou plusieurs fractions d'un immeuble, l'acte ou la décision judiciaire doit comporter à la fois la désignation desdites fractions et celle de l'ensemble de l'immeuble. La désignation de la fraction est faite conformément à un état descriptif de division, ou, éventuellement, à un état modificatif, établi dans les conditions fixées par décret, et préalablement publié ; elle doit mentionner le numéro du lot dans lequel la fraction est comprise, et, sous réserve des exceptions prévues audit décret, la quote-part dans la propriété du sol afférente à ce lot. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'acte ou la décision concerne soit une servitude, soit un droit d'usage ou d'habitation, soit un bail de plus de douze années. Elles sont également sans application lorsque l'acte ou la décision entraîne la suppression de la division de l'immeuble. / Les mêmes indications doivent obligatoirement figurer dans tout bordereau, extrait, expédition ou copie, déposé en vue de l'exécution de la formalité. / S'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre a été rénové, et faisant l'objet d'une mutation par décès, d'un acte ou d'une décision judiciaire translatif, déclaratif ou constitutif d'un droit réel susceptible d'hypothèque, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral ayant moins de six mois de date au jour de la remise au service chargé de la publicité foncière, et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre. Cet extrait ou ces documents doivent être remis au service chargé de la publicité foncière à l'appui de la réquisition de la formalité ".
7. Il résulte des dispositions combinées rappelées aux points précédents que lorsqu'un arrêté de cessibilité déclare cessibles des parties de parcelles, ce qui implique de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que l'arrêté de cessibilité désigne les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document. Le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation, entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité.
En ce qui concerne la division cadastrale :
8. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que la demande de Mme A..., qui tendait au retrait de la décision par laquelle l'administration avait procédé à la division de sa parcelle cadastrée section AD n° 503 aurait dû être adressée au service du cadastre et non au maire de la commune d'Asnières-sur-Oise, nonobstant la circonstance qu'il a été procédé à cette division à la demande de cette commune. Dès lors, en application des articles L. 114-2 et L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration, la décision implicite du 21 décembre 2019 doit être regardée comme ayant été prise par le responsable de ce service et non par le maire de la commune d'Asnières-sur-Oise.
9. En second lieu, la seule circonstance que le document d'arpentage établi à la demande de la commune d'Asnières-sur-Oise et présenté à l'appui de sa demande de division cadastrale n'ait pas été certifié par Mme A..., à la suite de la notification de ce document faite à cette dernière et des tentatives infructueuses de la commune pour la joindre, ne saurait caractériser, dans les circonstances de l'espèce, une fraude. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 21 février 2019 portant refus du retrait de cette décision de division au-delà du délai de quatre mois suivant son adoption.
En ce qui concerne l'arrêté de cessibilité :
10. La seule circonstance que le document d'arpentage établi à la demande de la commune d'Asnières-sur-Oise préalablement à l'arrêté de cessibilité du 18 novembre 2016 n'aurait pas été certifié par Mme A..., à la suite de la notification de ce document faite à cette dernière et des tentatives infructueuses de la commune pour la joindre, ne saurait entacher de fraude cet arrêté de cessibilité. Dès lors, Mme A... n'était pas fondée à soutenir que le préfet aurait dû retirer cet arrêté plus de quatre mois après son édiction.
11. Il en va de même de la circonstance selon laquelle la délimitation de la parcelle section AD n° 783 déclarée cessible n'aurait pas parfaitement correspondu à celle de l'emplacement réservé F figurant au plan local d'urbanisme, le préfet pouvant déclarer cessible toute surface nécessaire à la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique par l'arrêté du 11 janvier 2016.
12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la commune, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune ou de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que Mme A... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme que la commune d'Asnières-sur-Oise demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Asnières-sur-Oise présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à la commune d'Asnières-sur-Oise et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La rapporteure,
A. VILLETTELe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE02216