Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. K... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 octobre 2019 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse, Mme F... B..., et de ses enfants I... C..., Q... M..., E... L..., O... L... et H... C....
Par un jugement n° 2000830 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2022, M. C..., représenté par Me Louvier, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté en tant qu'il lui refuse le regroupement familial au bénéfice de son épouse et de son enfant S... C...-R... ;
2°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui accorder le droit au regroupement familial au bénéfice de son épouse et de son enfant S... C...-R..., dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Loiret, de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'État aux entiers dépens.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et de fait en ce qui concerne l'application de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conditions de ressources et de logement ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2023, la préfète du Loiret conclut au rejet de la requête de M. C....
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 8 mars 2022.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant centrafricain, né le 29 juin 1988, bénéficiaire de la protection subsidiaire depuis le 24 novembre 2015, a introduit le 14 février 2019 une demande de regroupement familial au bénéfice de trois enfants nés d'un premier lit, de son épouse et de leurs deux enfants communs. Par une décision du 18 octobre 2019, le préfet du Loiret a classé sans suite sa demande en ce qui concerne les trois enfants J... C..., P... N... et E... C...-R..., au motif qu'ils relevaient de la procédure de réunification familiale, et rejeté sa demande, en ce qui concerne son épouse et leurs deux enfants communs H... C... et O... L..., au motif que les conditions de ressources et de logement n'étaient pas remplies. M. C... relève appel du jugement du 21 septembre 2021 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cette décision, en ce qui concerne le rejet de sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme F... B..., et de leur fille S... C...-R....
2. Aux termes de l'article L. 411-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " Aux termes de l'article L. 411-5 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ; / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; (...). " Selon l'article R. 411-4 de ce code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : (...) cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes (...) ". Enfin, l'article R. 411-5 dispose que " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : (...) - en zones B1 et B2 : 24 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes (...). ".
3. En premier lieu, il ne ressort pas des termes de la décision du 28 octobre 2019 que le préfet du Loiret, qui a apprécié si M. C... justifiait des conditions de ressources et de logement pour prétendre au droit au regroupement familial, et examiné la demande au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre l'arrêté contesté.
4. En deuxième lieu, il est constant que la superficie de 42 m2 du logement dont dispose M. C..., est inférieure à la superficie d'au moins 74 m² pour une famille de sept personnes et d'au moins 44 m² pour une famille de quatre personnes requise dans la zone où il habite. Par suite, à la date de la décision contestée et au vu de la composition familiale dont le préfet était saisi, M. C... ne remplissait pas la condition de logement posée à l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sont sans incidence à cet égard les circonstances, postérieures à la décision contestée, qu'il a déposé une demande de logement le 13 juin 2020 et que l'enfant Warren-Noah serait décédé le 31 janvier 2020. Le préfet s'est également à bon droit fondé sur l'insuffisance des ressources du demandeur dès lors qu'il ressort de l'enquête ressources réalisée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration que la moyenne mensuelle nette de ses revenus s'établissait à 1 044 euros au cours de la période de référence de février 2018 à janvier 2019, alors que le salaire minimum mensuel net s'établissait en moyenne à 1 178,04 euros par mois sur la même période. Il s'ensuit que, quelle que soit la composition familiale, la condition de ressources n'est pas remplie. Dans ces conditions, le préfet a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
6. M. C..., de nationalité centrafricaine, présent en France depuis 2014 et bénéficiaire de la protection subsidiaire depuis le 24 novembre 2015, soutient avoir tenté d'obtenir la réunification de sa famille, sans succès, dès octobre 2016. Il ressort en effet des pièces du dossier que sa demande de réunification familiale au profit des trois enfants de Mme G... D... avait précédemment été refusée le 13 février 2017 par le chef de poste de l'ambassade de France à Bangui, au motif que la mère n'avait pas renoncé à ses droits parentaux, et que la réunification familiale au profit de Mme B... et de ses deux enfants a également été refusée aux motifs, d'une part, que les déclarations faites à l'Office français des réfugiés et apatrides, quant à l'état civil de sa concubine et de ses cinq enfants de deux unions parallèles, n'étaient pas concordantes avec les déclarations faites au bureau des familles de réfugiés, d'autre part, que la maternité de Begoua n'avait pas trace de la naissance de l'enfant H... qui serait né de Mme B... le 24 février 2011. Cette décision a été confirmée par la Commission de recours des refus de visas le 8 juin 2017. M. C... s'est également vu opposer un précédent refus de regroupement familial au profit de Mme B... de l'un des deux enfants, O..., le 28 juin 2018, motifs pris de l'impossibilité du regroupement familial partiel et de l'instabilité des ressources. Si ces précédents démontrent la persévérance de M. C... à faire venir sa famille, les incertitudes quant à la composition de la famille du requérant demeurent, ainsi que l'insuffisance de ses ressources. En outre, dès lors que l'épouse de M. C... réside au Mali depuis 2014 avec leurs deux enfants et les trois enfants de M. C... nés d'une précédente union, M. C... peut leur rendre visite au Mali, comme en attestent les visas et billets d'avion qu'il produit, ainsi que son mariage avec Mme B... célébré au Mali le 23 septembre 2017. Compte-tenu de ces éléments, en dépit de ce que les ressources de M. C... se seraient améliorées entre la période de référence et la décision contestée, la décision par laquelle le préfet a refusé de lui accorder le regroupement familial au bénéfice de son épouse et leurs deux enfants n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour ces mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institution publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. La fille de M. C... et Mme B..., O..., née le 30 juillet 2012, vit avec sa mère et ses trois demi-frères au Mali depuis 2014. Il ressort des pièces du dossier qu'il peut lui rendre visite au Mali. Par ailleurs, les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier de l'insuffisance des ressources et des conditions de logement du requérant, contraires à son intérêt. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.
10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
M. Tar, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.
L'assesseur le plus ancien,
G. TAR
La présidente-rapporteure,
O. DORION
La greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme,
La greffière,
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N° 22VE00963