Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui verser la somme totale de 347 044,68 euros en raison des préjudices qu'il a subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 17 avril 2009.
Par un jugement n° 1705135 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Versailles à verser au requérant la somme globale de 15 269,28 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir les sommes de 4 199,98 euros au titre du remboursement des dépenses de santé de M. F... et de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 décembre 2021, le 7 décembre 2021 et le 27 septembre 2023, M. F..., représenté par Me Mineur, avocate, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Versailles et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme totale de 377 573,19 euros au titre des préjudices résultant de l'infection nosocomiale contractée dans cet établissement ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles et de la SHAM la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité du centre hospitalier de Versailles doit être engagée du fait de l'infection nosocomiale dont il a été victime après l'intervention chirurgicale du 17 avril 2009 ;
- le premier rapport d'expertise a détaillé exclusivement les préjudices consécutifs à cette infection nosocomiale et il n'y a donc pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance de 10 % ;
- il est fondé à solliciter les sommes de 140 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles, de 1 393,29 euros au titre des frais divers exposés, de 17 454,84 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire, de 155 578,27 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, de 4 226,27 euros au titre de ses dépenses de santé futures, de 36 281,27 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, de 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, de 10 000 euros au titre des souffrances endurées, de 5 000 euros au titre des souffrances endurées post consolidation, de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 25 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent et de 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément.
Par des mémoires enregistrés le 16 février 2022 et le 26 janvier 2023, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, représentée par Me Legrandgerard, avocate, conclut à la réformation du jugement attaqué et à la condamnation du centre hospitalier de Versailles à lui verser la somme de 43 259,80, euros dont il convient de déduire la somme de 4 199,98 euros déjà versée en exécution du jugement rendu le 5 octobre 2021, soit la somme de 39 059,82 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le premier rapport d'expertise a détaillé exclusivement les préjudices consécutifs à cette infection nosocomiale et il n'y a donc pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance de 10 % ;
- le montant de ses débours et leur imputabilité est établi par les pièces qu'elle produit.
Par un mémoire enregistré le 3 mars 2022, le centre hospitalier de Versailles et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par la société Le Prado-Gilbert, société d'avocats, conclut au rejet de la requête de M. F... et, par la voie de l'appel incident, à la diminution de l'indemnité accordée à ce dernier.
Ils soutiennent que :
- les moyens avancés par M. F... ne sont pas fondés ;
- les premiers juges ont commis une erreur dans le calcul de l'indemnité allouée au titre du besoin d'assistance d'une tierce personne dans les actes de la vie courante, qui doit être ramenée à la somme de 10 730,96 euros ;
- les premiers juges auraient dû prendre en compte les allocations chômage qu'a nécessairement touchées M. F... pour calculer l'indemnité allouée au titre de la perte de gains professionnels actuels.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance en date du 26 novembre par laquelle le président du tribunal administratif de Versailles a ordonné une expertise et désigné le docteur E... en qualité d'expert ;
- l'ordonnance en date du 2 décembre 2020 par laquelle le président par intérim du tribunal administratif de Versailles a taxé et liquidé les frais et honoraires d'expertise du docteur E... ;
Par ordonnance du 3 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2023 en application de l'article L. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mineur, pour M. F....
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 avril 2009, M. B... F... s'est fracturé le plateau tibial du genou droit au cours d'un accident domestique. Il a été hospitalisé au centre hospitalier d'Arcachon le même jour, puis transféré au centre hospitalier de Versailles où il a subi le 17 avril 2009 une ostéosynthèse par plaque et vis. Le 30 avril 2009, du fait d'une forte fièvre, il a été transféré en unité septique où il a subi deux lavages, les 1er et 5 mai, ainsi que la pose d'un drain. Il a été mis sous antibiothérapie jusqu'au 24 juillet 2009. Les hémocultures ont révélé la présence d'un staphylocoque doré. Du 24 mai au 26 juillet 2009, M. F... a été pris en charge par le service de rééducation de l'hôpital du Vésinet. Par la suite, M. F... a subi deux autres hospitalisations, du 9 au 11 décembre 2009 et du 29 novembre au 4 novembre 2010 pour ablation du matériel d'ostéosynthèse et pratiquer une ostéotomie de soustraction.
2. Le 22 septembre 2010, M. F... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'une demande de réparation des préjudices consécutifs à la dégradation de son état de santé, qu'il estime imputable à sa prise en charge par le centre hospitalier de Versailles le 17 avril 2009. Le Dr A... et le Dr D..., désignés en qualité d'experts par la CCI, ont rendu leur rapport le 5 juillet 2011, dans lequel ils ont notamment conclu que le dommage subi par M. F... était lié à la fracture survenue le 14 avril 2009, au défaut de réduction de cette fracture, au problème d'axe qui en est résulté et, enfin, à une infection nosocomiale. Par un avis du 15 février 2012, la CCI a conclu à la responsabilité du centre hospitalier de Versailles pour indemniser le dommage subi par M. F... consécutif à l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale du 17 avril 2009. Par un courrier du 28 juin 2012, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), en sa qualité d'assureur du centre hospitalier, a informé M. F... qu'elle acceptait de l'indemniser à hauteur d'un tiers des dommages décrits dans le rapport d'expertise du 5 juillet 2011. M. F... a cependant refusé cette offre d'indemnisation et porté sa contestation devant le tribunal.
3. Par un jugement avant dire droit du 26 novembre 2019, le tribunal a jugé que la responsabilité du centre hospitalier de Versailles ne pouvait être engagée à l'égard de M. F... ni en raison de l'ostéosynthèse pratiquée le 17 avril 2009, ni du traitement de son infection nosocomiale, les soins prodigués étant conformes aux données acquises de la science. En revanche, il a été jugé que M. F... était fondé à demander la réparation, par le centre hospitalier, du dommage subi en lien avec l'infection nosocomiale contractée au décours de l'intervention du 17 avril 2009. Le tribunal a ordonné une expertise médicale complémentaire en vue de déterminer, en fixant un pourcentage, le taux de la perte de chance de M. F... d'éviter le déficit fonctionnel du genou droit qu'il a subi, associé à des douleurs séquellaires, en raison de l'infection nosocomiale contractée au décours de ladite intervention. L'expert E... a rendu son rapport le 3 novembre 2020 concluant à un taux de perte de chance de 10 %.
4. Par le jugement n° 1705135 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Versailles à verser au requérant la somme globale de 15 269,28 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir les sommes de 4 199,98 euros au titre du remboursement des dépenses de santé de M. F... et de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. M. F... relève appel de ce jugement en sollicitant que l'indemnité accordée soit portée à la somme de 317 044,68 euros. Le centre hospitalier de Versailles a formé un appel incident tendant à la diminution de l'indemnité accordée à M. F....
Sur la fraction du préjudice indemnisable :
5. En premier lieu, dans le cas où une infection nosocomiale a compromis les chances d'un patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette infection et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 5 juillet 2011, que le dommage de M. F..., qui consiste en un déficit fonctionnel au niveau du genou droit associé à des douleurs séquellaires, a pour origine trois facteurs, soit une fracture traumatique, un mauvais résultat de l'ostéosynthèse et une infection nosocomiale. Ainsi, l'infection nosocomiale contractée par le requérant a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation et il est, en conséquence, fondé à demander la condamnation du centre hospitalier de Versailles à réparer la perte de chance d'éviter la survenue de son dommage, qui a été évaluée à 10 % par le rapport de l'expert E....
7. M. F... et la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines soutiennent que les préjudices qui ont été détaillés dans le rapport d'expertise du 5 juillet 2011 sont ceux imputables exclusivement à l'infection nosocomiale et que, par suite, il convient de les indemniser intégralement sans appliquer de taux de perte de chance. Toutefois, il n'y a pas lieu de retenir cette interprétation, dès lors que ce rapport mentionne des préjudices qui ne sauraient avoir pour origine exclusive l'infection nosocomiale, tels que le port de semelles orthopédiques, les hospitalisations du 9 au 11 décembre 2009 et du 29 novembre au 4 décembre 2010, qui avaient pour objet de pratiquer une ostéotomie tibiale de valgisation pour remédier au cal vicieux tibéral dont souffrait M. F... du fait des mauvais résultats de son ostéosynthèse, ou encore les frais d'assistance de tierce personne. Le certificat d'imputabilité produit par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines n'est pas non plus de nature à emporter la conviction de la cour, dès lors qu'il concerne notamment des débours afférents aux hospitalisations du 9 au 11 décembre 2009 et du 29 novembre au 4 décembre 2010, qui ne résultent pas uniquement de l'infection nosocomiale.
8. Par suite, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Versailles à réparer les préjudices subis par M. F... en lien avec l'infection nosocomiale, dans la limite du taux de perte de chance de 10 %.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des frais divers :
9. M. F... établit qu'il a exposé la somme de 137,29 euros pour obtenir copie de son dossier médical et se rendre au rendez-vous d'expertise du 28 juin 2011. Ces frais, qui auraient été exposés quel que soit le taux de perte de chance d'échapper à l'accident médical fautif, doivent être indemnisés intégralement.
10. En revanche, M. F... n'est pas fondé à demander le remboursement des honoraires du docteur C..., dont il reconnaît qu'ils ont été pris en charge par l'assistance de protection juridique et alors que le recours subrogatoire qui pourrait éventuellement être exercé concernant ces honoraires ne le serait pas à son encontre.
11. Il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier à verser au requérant la somme de 137,29 euros au titre des frais divers.
S'agissant des dépenses de santé actuelles relatives à l'achat de semelles orthopédiques :
12. M. F... a produit un certificat médical attestant de ce que son état de santé nécessite l'usage de semelles orthopédiques, devant être renouvelées annuellement, ainsi qu'une facture du 3 juin 2010 établissant qu'il avait exposé le coût de 140 euros pour l'achat de telles semelles en 2010. Il réclame pour la période courant de 2011 à 2023 la somme de 1 560 euros au titre du renouvellement de ces semelles. Au titre des dépenses de santé actuelles, M. F... doit donc être indemnisé, après application du taux de perte de chance, d'une somme de 156 euros pour la part imputable à l'infection nosocomiale.
13. Par ailleurs, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines justifie, par l'attestation d'imputabilité du 26 juillet 2019, avoir engagé des débours pour le compte de son assuré M. F... pour un montant total de 43 259,80 euros, correspondant aux frais d'hospitalisation des périodes imputables à l'infection nosocomiale, du 1er au 23 mai 2009, du 9 au 11 décembre 2009 et du 29 novembre au 4 décembre 2010 ainsi qu'aux frais pharmaceutiques exposés du 23 mai au 27 juillet 2009. Compte tenu du principe de priorité accordé à la victime et du taux de perte de chance applicable en l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Versailles à verser à M. F... la somme de 156 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines la somme de 4 169,98 euros, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par le code de la sécurité sociale pour un montant de 1 162 euros.
S'agissant des dépenses de santé futures :
14. Etant donné la nécessite de renouveler annuellement les semelles orthopédiques de M. F..., le centre hospitalier de Versailles doit être condamné à lui verser, après application du taux de perte de chance, la somme arrondie de 267 euros au titre de ce chef de préjudice.
S'agissant des frais d'assistance par tierce personne :
15. Il résulte du rapport d'expertise du 5 juillet 2011 que le besoin en assistance par tierce personne dans les actes de la vie courante a été fixé à 2 heures par jour pour les périodes courant du 24 juillet 2009 au 31 octobre 2009, du 12 décembre 2009 au 1er juin 2010 et du 5 décembre 2010 au 10 janvier 2011. Pour les périodes intercalaires jusqu'à la consolidation le 1er mars 2011, le besoin a été évalué à 4 heures par semaine. Compte tenu du nombre de jours ainsi détaillés rapportés à une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés et du montant du SMIC horaire brut augmenté des charges sociales de l'époque, fixé à 12,40 euros, le besoin d'assistance par une tierce personne de M. F... peut être évalué à la somme globale de 10 730,96 euros. Ainsi, après application du taux de perte de chance, il y a lieu de condamner le centre hospitalier à verser au requérant la somme arrondie de 1 073 euros.
S'agissant des pertes de gains professionnels résultant de la perte de chance d'être embauché au sein de la société Robardey et de l'incidence professionnelle :
16. Au moment de l'accident d'avril 2009, M. F... effectuait son préavis après avoir été licencié en décembre 2008 de son poste de directeur général adjoint au sein de la société Cimlec Industrie. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 5 juillet 2011, que l'infection nosocomiale et son état de santé général ont engendré pour le requérant des difficultés à rechercher un emploi du 30 avril 2009, date de fin de son préavis auprès de son ancien employeur, jusqu'au 22 août 2011, date à laquelle le requérant a retrouvé un emploi au sein de la société Intercontrôle. Le requérant produit un courrier daté du 30 août 2009 de la société Emboutissage Robardey, qui indique renoncer à son recrutement pour un salaire annuel de 100 000 euros et divers avantages en nature, en raison de l'absence de rétablissement de son état de santé. M. F... justifie ainsi d'une sérieuse perspective d'embauche par ladite société qui n'a pu aboutir en raison de son état de santé. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. F... a perçu, sur cette même période, 99 521 euros d'allocations de retour à l'emploi et 5 000 euros d'indemnités journalières. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et après application du taux de perte de chance, M. F... doit être indemnisé de la somme de 12 048 au titre de la perte des gains professionnels afférent à sa non embauche au sein de la société Robardey.
17. En ce qui concerne l'incidence professionnelle, le requérant fait valoir qu'il a été licencié le 13 août 2014 et qu'à compter du 1er février 2015, il a créé une activité individuelle qui ne lui générait pas le même revenu que son activité salariée. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce licenciement et la baisse de revenu qui s'en est ensuivie seraient imputables à l'infection nosocomiale litigieuse. En revanche, il résulte du rapport d'expertise du 5 juillet 2011 que les séquelles fonctionnelles et les douleurs résiduelles dont souffre M. F... ont accru la pénibilité de l'exercice de son activité professionnelle. Il a également subi une dévalorisation professionnelle entre son emploi occupé antérieurement à l'accident, correspondant à un emploi d'ingénieur-cadre position III C, indice 240 et celui retrouvé à compter d'août 2011, correspondant à un emploi d'ingénieur-cadre position III B, indice 180. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et après application du taux de perte de chance, la somme allouée au titre de l'incidence professionnelle doit être appréciée à la somme de 1 500 euros.
S'agissant de la perte de gains professionnels futurs :
18. Si M. F... soutient qu'il n'a pu travailler que 161 semestres au lieu de 166, ce qui a minoré sa pension de retraite, il n'est pas établi que son état de santé, soit un déficit fonctionnel permanent de 10 % et une marche limitée à 500 mètres, était incompatible avec la poursuite de son activité d'ingénieur jusqu'à l'âge de la retraite. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que, au titre de son invalidité, il a bénéficié d'un taux bonifié de 50 % qui a compensé, totalement ou partiellement, les trimestres non travaillés pour le calcul de sa pension de retraite. Le préjudice allégué n'est donc pas établi.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
19. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que M. F... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 100 % du 30 avril au 23 mai 2009, de 25 % du 24 mai au 8 décembre 2009, de 100 % du 9 au 11 décembre 2009, de 50 % du 12 décembre 2009 au 28 novembre 2010, de 100 % du 29 novembre au 4 décembre 2010, de 75 % du 5 décembre 2010 au 1er février 2011 et de 25 % du 2 février au 1er mars 2011. Il sera fait une juste application de ce chef de préjudice, après application du taux de perte de chance, en condamnant le centre hospitalier de Versailles à lui verser la somme de 513 euros.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
20. Le rapport du 5 juillet 2011 indique que le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique dont M. F... restera atteint est évalué à 10 %. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice lié à l'infection en l'évaluant, compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation de son état de santé, à la somme de 1 400 euros, après application du taux de perte de chance.
S'agissant des souffrances endurées :
21. Le rapport du 5 juillet 2011 a évalué à 4 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par M. F... au titre des interventions chirurgicales subies et des traitements antibiotiques prolongés. Le requérant ne conteste pas utilement cette évaluation en faisant valoir qu'il a été victime d'une insuffisance rénale, d'une perte d'audition et d'une souffrance psychique telle qu'il a consulté à trois reprises un psychiatre. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant, après application du taux de perte de chance, à la somme de 720 euros.
22. D'autre part, M. F... demande une indemnité au titre des souffrances endurées après la consolidation de son état de santé, en faisant valoir qu'il souffre quand il marche et quand il monte les escaliers. Toutefois, il ressort des termes du rapport d'expertise précité qu'il n'a pas de traitement anti-douleur, sauf après la piscine. Le fait allégué qu'il ne peut plus pratiquer d'activité sportive est indemnisé au titre du préjudice d'agrément. La réalité de ce chef de préjudice n'est donc pas démontrée.
S'agissant du préjudice esthétique temporaire et permanent :
23. Les experts n'ont pas retenu de préjudice esthétique temporaire. Si M. F... soutient que les interventions chirurgicales qu'il a subies ont entraîné des hématomes, il n'établit pas que ces derniers auraient revêtu une importance particulière lui ouvrant droit à une indemnité. Le port de béquilles ou d'une attelle, dont il se prévaut également, ne constitue pas un préjudice esthétique temporaire. Il n'y a donc pas lieu d'indemniser ce chef de préjudice.
24. S'agissant du préjudice esthétique permanent de M. F..., les experts ont évalué ce préjudice à 0,5 sur une échelle de 7. Ainsi, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant, après application du taux de perte de chance, à la somme de 40 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
25. Il résulte de l'instruction que M. F... exerçait régulièrement des activités physiques et sportives, tels que le tennis, la chasse ou la course à pied, qu'il ne peut plus pratiquer dès lors que, en raison des suites de l'intervention du 17 avril 2009, son périmètre de marche est aujourd'hui réduit à 500 mètres environ. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément subi par M. F... en mettant à la charge du centre hospitalier de Versailles une somme de 300 euros à lui verser, après application du taux de perte de chance.
26. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que le centre hospitalier de Versailles est condamné à verser à M. F... en réparation de ses préjudices doit être portée à la somme de 18 154,29 euros et que l'indemnité que le centre hospitalier de Versailles est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines au titre du remboursement des dépenses de santé de M. F... est portée à la somme de 4 169,98 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion dont le montant est porté à la somme de 1 162 euros.
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Versailles à verser à M. F... et à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines les sommes respectives de 1 500 euros et 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier de Versailles est condamné à verser à M. F... est portée à la somme de 18 154,29 euros.
Article 2 : L'indemnité que le centre hospitalier de Versailles est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines au titre du remboursement des dépenses de santé de M. F... est portée à la somme de 4 169,98 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion dont le montant est porté à la somme de 1 162 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier de Versailles versera à M. F... une somme de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F..., au centre hospitalier de Versailles, à la SHAM et à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
Mme Pham, première conseillère,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
S. BROTONS
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE03234