Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2212562 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Tsika-Kaya, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la cour aurait dû annuler l'arrêté attaqué du 1er mars 2023 à la lumière de l'abrogation de l'arrêté abrogé du 10 août 2022 qui l'a précédé et qui méconnait les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet a méconnu l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne saisissant pas la commission du titre de séjour ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé, le préfet s'étant abstenu d'examiner sa situation personnelle et professionnelle ;
- il justifie de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, particulièrement au regard de son intégration professionnelle ;
- en lui refusant un titre de séjour et en lui enjoignant de quitter le territoire français, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour prive de base légale et entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français y afférente ;
- en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, celle fixant le pays de destination est également dépourvue de base légale ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albertini,
- et les observations orales de Me Bikindou, substituant Me Tsika-Kaya, pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant haïtien né le 9 avril 1980, est entré sur le territoire français le 2 août 2009, selon ses déclarations. Le 29 juin 2022, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 août 2022, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi. Par un arrêté du 16 février 2023, le préfet du Val-d'Oise a procédé à l'abrogation de cet arrêté en cours d'instance. Par un nouvel arrêté du 1er mars 2023, l'autorité préfectorale a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de son renvoi. M. C... relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Le préfet du Val-d'Oise, qui a procédé à l'abrogation de l'arrêté contesté du 10 août 2022, par un arrêté du 16 février 2023, soutient de nouveau en appel que la requête est devenue dépourvue d'objet. Toutefois, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le préfet a pris un nouvel arrêté en date du 1er mars 2023, par lequel il a, de nouveau, refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi et à l'encontre duquel le requérant, dans ses dernières écritures, a redirigé l'ensemble de ses conclusions. Dans ces conditions, la requête n'a pas perdu son objet. Dès lors, l'exception de non-lieu à statuer ne peut être accueillie.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, par un arrêté du 31 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'État dans le Val-d'Oise de ce même jour, M. D... B..., directeur des migrations et de l'intégration, a reçu délégation à l'effet de signer l'ensemble des décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige du 1er mars 2023, qui manque en fait, doit être écarté, alors au demeurant que cette décision s'est substituée à celle prise par le préfet le 10 août 2022.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. Il ressort de l'examen de l'arrêté litigieux que, d'une part, il mentionne les textes sur lesquels il repose et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, il comporte des motifs de fait non stéréotypés, rappelant les conditions d'entrée sur le territoire français ainsi que la situation administrative, personnelle et familiale du requérant. Le préfet a également précisé les motifs pour lesquels l'intéressé ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise a suffisamment exposé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et sérieux de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen en ne mentionnant pas son expérience professionnelle dès lors qu'il n'établit ni même n'allègue avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, et alors qu'au surplus il ressort des pièces du dossier qu'à la date de sa demande et à la date de la décision en litige, il ne justifiait d'aucun contrat de travail en cours. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...)/ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
8. Tout d'abord, si M. C... se prévaut de son expérience professionnelle au sein de la société Lourdes transports, la production de dix bulletins de salaire sur les années 2018 et 2019 et aussi d'une demande d'autorisation de travail en qualité de préparateur de commandes du 14 janvier 2019, présentée depuis plus de deux ans à la date de la décision en litige, ces éléments ne lui permettent pas de se prévaloir d'une expérience professionnelle ancienne, stable et continue. Il est de surcroît constant qu'à la date de la décision en cause, il ne fait état d'aucune expérience professionnelle récente, ni d'aucun contrat ou promesse d'embauche.
9. En outre, M. C... soutient qu'il réside en France de manière continue depuis 2009, pour se prévaloir de son ancienneté de séjour et de l'intensité des liens développés sur le territoire. Toutefois, les pièces produites à l'instance, y compris en cause d'appel, sont trop peu nombreuses pour attester de sa présence continue effective sur le territoire, notamment durant les années 2014 à 2016, s'agissant seulement d'une attestation d'employeur pour la seule période du 1er avril 2015 au 30 avril 2016, et à compter de 2020. En outre, il ne produit aucun élément de nature à démontrer l'existence des liens intenses et stables développés sur le territoire dont il se prévaut alors qu'il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où réside son fils et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 29 ans. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que son admission au séjour en France répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels et que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite le moyen doit être écarté.
10. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ". Il résulte de ces dispositions que la commission du titre de séjour doit être saisie par l'autorité administrative pour avis dès lors que cette dernière envisage de refuser l'octroi d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui justifie avoir résidé habituellement en France pendant plus de dix ans.
11. Si M. C... avance encore en appel qu'il réside en France depuis 2009, il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, ainsi qu'il a été dit, de sa résidence habituelle en France depuis cette date. Dès lors, l'autorité préfectorale n'était pas tenue de soumettre sa demande d'admission exceptionnelle au séjour à la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que, faute de consultation de cette commission, la décision attaquée portant refus de titre de séjour aurait été édictée au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
12. En cinquième lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'établit pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement et qu'il ressort de la décision litigieuse que sa situation n'a pas été examinée sur ce fondement.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. M. C... fait valoir sa durée de présence en France depuis plus de dix ans et les liens développés sur le territoire. Toutefois, il ressort de ce qui a été dit au point 9 que, par les pièces produites, le requérant ne démontre, ni une présence stable sur le territoire, ni l'existence de liens développés en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. En dernier lieu, il ressort de ce qui vient d'être dit que les moyens soulevés par M. C... à l'encontre du refus de titre de séjour dont il a fait l'objet doivent être écartés. Par suite, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa demande d'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, avec un délai de départ volontaire de trente jours. Il n'est pas davantage fondé, dans ces conditions, à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, pour contester la légalité de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. PILVENLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01742 2