Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet de Police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de la Tunisie et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2306418 du 15 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Ben Younes, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation personnelle ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2023, le préfet de police conclut au rejet la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une lettre du 11 décembre 2023, les parties ont été informées que la cour était susceptible de substituer d'office, comme base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire attaquée, les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux dispositions du 1° de cet article et, comme base légale de la présomption de risque de fuite instituée par les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions du 2° de cet article à celles du 1° de cet article.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 29 janvier 1990 à Medjez el Bab, est entré sur le territoire français le 29 décembre 2019 sous couvert d'un visa de type C, valable du 20 décembre 2019 au 20 décembre 2020. Le 3 avril 2023, l'intéressé a fait l'objet d'un signalement par les services de police pour conduite d'un véhicule sans permis et usage de faux, à la suite duquel le préfet de police a, par un arrêté du 3 avril 2023, pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de la Tunisie ainsi qu'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide d'une mesure d'éloignement d'un étranger qui se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris si un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour lui a été délivré pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière. Dans le cas où l'étranger ne se prévaut pas de ce qu'il aurait pu prétendre à la délivrance d'un titre de plein droit, le juge de l'excès de pouvoir n'est pas tenu de procéder à cette vérification d'office.
4. Par suite, la circonstance que M. B... a déposé par courriel une demande d'admission exceptionnelle au séjour en mars 2023 sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle n'a au demeurant donné lieu à la délivrance d'aucun récépissé et n'a pas été enregistrée dans l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), n'était pas de nature à faire obstacle à l'adoption d'une obligation de quitter le territoire français par le préfet de Police au motif que l'intéressé était entré irrégulièrement sur le territoire français.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / (...) ".
6. Si M. B... produit au dossier un visa de court séjour en cours de validité à la date de son entrée en France en 2019, il ressort toutefois des propres déclarations du requérant lors de son audition par les services de police qu'il ne cesse de faire des allers-retours entre la France et l'Italie si bien qu'il n'est pas établi que sa dernière entrée en France serait régulière comme il l'allègue. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... ne justifie pas que sa dernière entrée sur le territoire français était régulière. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il allègue, le requérant ne justifie pas d'une adresse stable dès lors que si l'intéressé produit des fiches de paie mentionnant l'adresse de son frère, lequel atteste par ailleurs l'héberger, le requérant n'a pas déclaré d'adresse stable aux services de police lors de son audition et a indiqué faire des allers-retours constamment entre la France et l'Italie ainsi qu'il a été dit précédemment. Ses démarches pour obtenir sa régularisation n'ont en outre été effectuées que tardivement. Enfin, si M. B... soutient qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, il ressort des pièces du dossier que ce dernier a été placé en garde à vue pour conduite d'un véhicule sans permis avec usage d'un permis de conduire faux ou falsifié le 3 mai 2023, ce qui constitue un trouble à l'ordre public.
9. Par suite, si M. B... soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation, il résulte de l'instruction que, bien que contrairement à ce qu'indique l'arrêté attaqué, le requérant a fourni son identité aux services de police et détient un passeport tunisien en cours de validité, le préfet de police aurait pris légalement la même décision s'il s'était fondé sur les autres motifs de sa décision.
10. M. B... reprend enfin en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption du des motifs retenus par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise au point 11 de son jugement.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 3 avril 2023 doivent être rejetées, de même, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE01615