Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302225 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2023, Mme B... D..., représentée par Me Pigasse, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2023, le préfet des Yvelines conclut au rejet la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pigasse pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D..., ressortissante ivoirienne née en 1995, déclare être entrée en France le 23 septembre 2018 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour " étudiant ". Elle a, par la suite, été titulaire d'une carte de séjour temporaire délivrée au même titre sur le fondement des articles L. 422-1 à L. 422-3 du code de l''entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 17 septembre 2020, elle a sollicité un changement de statut sur le fondement des disposions de l'article L. 423-7 de ce code. Par un arrêté du 12 janvier 2023, le préfet des Yvelines a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. Par la présente requête, Mme D... relève appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 de code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ".
3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Par l'arrêté attaqué, le préfet des Yvelines a refusé, sur le fondement des dispositions des article L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le changement de statut sollicité par Mme D..., au motif que la reconnaissance de paternité de son enfant, né le 14 septembre 2020, par M. C..., ressortissant français, présentait un caractère frauduleux résultant d'un faisceau d'indices concordants, justifiant ainsi la saisine du procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale pour établir que le ressortissant français ne serait pas le père biologique de son enfant.
5. S'il n'est pas contesté que M. C..., qui a reconnu le jeune A..., né le 14 septembre 2020, par anticipation, le 27 mai 2020, a également reconnu être le père de deux autres enfants nés de deux mères différentes, toutes deux ressortissantes étrangères en situation irrégulière et ayant sollicité la régularisation de leur situation au motif de la nationalité française acquise par leur enfant du fait de cette reconnaissance, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des virements et factures d'achat produits en première instance ainsi que des attestations circonstanciées et photographies produites pour la première fois en appel, que Mme D..., qui jusqu'à l'arrêté contesté, a toujours été en situation régulière sur le territoire français, a eu une relation avec M. C... à compter de l'année 2019 et s'est séparée du père de son fils quelques temps après sa naissance, lorsqu'elle a appris qu'il lui était infidèle et était le père de deux autres enfants, mais que M. C..., qui est déclaré responsable légal du jeune A... sur le dossier scolaire de l'enfant, a toujours contribué à l'entretien et à l'éduction de son fils depuis sa naissance. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la reconnaissance de paternité souscrite par M. C... à l'égard de l'enfant A... avait un caractère frauduleux et Mme D... est fondée à soutenir que le préfet des Yvelines ne pouvait légalement pour ce motif lui refuser la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Yvelines délivre à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". En conséquence, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer ce titre à la requérante, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Yvelines du 12 janvier 2023 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme D... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE01738