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27/02/2024 | FRANCE | N°20VE01767

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 20VE01767


Vu les procédures suivantes :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Soin des arbres en milieu urbain a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler ou, à défaut, de résilier le lot n° 2 de l'accord-cadre à bons de commande relatif aux travaux de taille et d'entretien des arbres en port architecturé sur les voies et espaces publics du territoire communal et intercommunal de Versailles et de condamner la commune de Versailles à lui verser une somme de 16 809,20 euros hors taxe à parfaire, en réparation des préjudic

es qu'elle a subis du fait de son éviction irrégulière de ce marché.



Par deux...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Soin des arbres en milieu urbain a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler ou, à défaut, de résilier le lot n° 2 de l'accord-cadre à bons de commande relatif aux travaux de taille et d'entretien des arbres en port architecturé sur les voies et espaces publics du territoire communal et intercommunal de Versailles et de condamner la commune de Versailles à lui verser une somme de 16 809,20 euros hors taxe à parfaire, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de son éviction irrégulière de ce marché.

Par deux jugements n° 1801472 et 1804050 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée sous le n° 20VE01767 le 27 juillet 2020, la société anonyme Soin des arbres en milieu urbain (SAMU), représentée par Me Adeline-Delvolvé, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801472 du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 ;

2°) d'annuler ou, à défaut, de résilier le lot n° 2 de l'accord-cadre à bons de commande ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Versailles et de la communauté d'agglomération Versailles Grand Parc la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en considérant que l'offre de la société SAMU était irrégulière dès lors que le mémoire technique répondait aux exigences du CCTP et plus particulièrement en ce qui concerne l'utilisation des broyeurs et que la société a démontré que le coût des prestations de broyage avait été intégré dans ses coûts indirects ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la société SAMU ne pouvait pas se prévaloir de l'irrégularité de l'offre de l'attributaire au motif que son offre était elle-même irrégulière ;

- il a aussi entaché son jugement d'une insuffisance de motivation s'agissant de la réponse qu'il a apportée à ses moyens tirés de l'irrégularité de l'offre de la société SMDA et de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les candidats ;

- le groupement de commandes a commis plusieurs erreurs manifestes d'appréciation en rejetant l'offre de la société SAMU comme irrégulière alors que cette dernière répondait parfaitement aux exigences posées par les documents du marché et il a par ailleurs dénaturé l'offre de la société SAMU concernant sa méthodologie de broyage des déchets boisés ;

- le groupement de commandes a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu le principe d'égalité de traitement en acceptant, dans le même temps, l'offre, de la société SMDA qui a opéré dans son mémoire technique une confusion entre taille de haie et taille d'entretien, laquelle a nécessairement eu un impact important sur la compréhension de son offre et de son détail quantitatif estimatif de prix, et a retenu la technique de la suppression de la pousse annuelle par prolongement, laquelle est clairement prohibée par les articles 4-2 et 4-3 du CCTP ;

- le marché doit être annulé en conséquence ou, à défaut, résilié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, la commune de Versailles, agissant en qualité de mandataire du groupement de commandes composé d'elle-même et de la communauté d'agglomération Versailles Grand Parc, représentée par Me Lubac, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société SAMU la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en faisant valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société SMDA qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2023.

II- Par une requête, enregistrée sous le n° 20VE01768 le 27 juillet 2020, la société anonyme SAMU, représentée par Me Adeline-Delvové, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804050 du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 ;

2°) d'annuler ou, à défaut, de résilier le lot n° 2 de l'accord-cadre à bons de commande ;

3°) de condamner la commune de Versailles à lui verser la somme de 16 809,20 euros, à parfaire, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de son éviction irrégulière de ce marché ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Versailles et de la communauté d'agglomération Versailles Grand Parc la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soulève les mêmes moyens que sous la requête n° 20VE01767 et précise qu'elle avait des chances sérieuses de remporter le marché et que ses frais de présentation doivent être évalués à la somme de 6 069,60 euros hors taxes et son manque à gagner à la somme de 10 739,60 euros hors taxes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2020, la commune de Versailles, représentée par Me Lubac, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société SAMU la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en faisant valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société SMDA qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bas pour la commune de Versailles, la société appelante n'étant ni présente ni représentée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence en date du 2 juin 2017, le groupement de commandes constitué par la commune de Versailles et la communauté d'agglomération Versailles Grand Parc et dont la commune de Versailles était le coordonnateur, a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution de trois accords-cadres pour des prestations de taille, de plantation et de soin des arbres dont le lot n° 1 était relatif à des travaux de taille et d'entretien des arbres en port libre sur les voies et espaces publics du territoire communal et intercommunal de Versailles, tandis que le lot n° 2 était relatif à la taille et l'entretien des arbres en port architecturé sur les voies et espaces publics du territoire communal et intercommunal de Versailles. La société anonyme (SA) Soins des arbres en milieu urbain (SAMU) a présenté une offre pour ces deux lots comportant un mémoire technique commun. Le 24 juillet 2017 et le 7 août suivant, le groupement de commandes a sollicité de cette société des précisions relatives à ses offres pour les lots n° 1 et 2 dans le cadre de la procédure de suspicion d'offre anormalement basse prévue par l'article 60 du décret du 25 mars 2016. Par deux courriers en date du 11 août 2017, la SA SAMU a apporté au groupement des précisions sur le détail des prix proposés et lui a communiqué les sous-détails de prix demandés. Le 10 octobre 2017, le président de la commission d'appel d'offres a informé la SA SAMU, d'une part, que son offre avait été déclarée irrégulière pour le lot n° 2 au motif que les prestations de broyage des branches n'étaient pas intégrées dans ses prix en méconnaissance des stipulations des articles 3-4-1 et suivants du cahier des clauses techniques particulières, et, d'autre part, que ce lot était attribué à la société par actions simplifiée (SAS) Soins modernes des arbres (SMDA). Par les présentes requêtes n° 20VE01767 et 20VE01768, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, la SA SAMU relève appel des jugements n° 1801472 et 1804050 du 28 mai 2020 par lesquels le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation, ou à défaut, à la résiliation de l'accord-cadre conclu entre le groupement de commandes et la SAS SMDA pour l'exécution des travaux faisant l'objet du lot n° 2 et à la condamnation du groupement de commandes à lui verser la somme de 16 809,20 euros en réparation de son préjudice.

Sur la requête n° 20VE01767 aux fins d'annulation du contrat :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SA SAMU ne peut donc utilement se prévaloir de la dénaturation des pièces du dossier, de l'erreur de droit ou de l'erreur d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

3. Par ailleurs, les premiers juges ont suffisamment motivé aux points 11 et 13 de leur jugement pour quels motifs l'irrégularité de l'offre de l'attributaire alléguée par la société ne pouvait être regardée comme en rapport direct avec son éviction. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit donc être également écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

5. Un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction. Au titre de tels manquements, le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière. Un candidat dont l'offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres. Il ne saurait notamment soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel moyen n'étant pas de ceux que le juge devrait relever d'office.

6. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

7. Aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I.- (...) Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu'elle est incomplète (...) II. - Dans les procédures d'appel d'offres (...), les offres irrégulières (...) sont éliminées ". Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter les offres irrégulières.

S'agissant de la régularité de l'offre de la SA SAMU :

8. Aux termes de l'article 3-4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché dont s'agit : " 3-4-1 Transformation ou élimination des produits de coupe / L'élimination par brûlage des produits de coupe est rigoureusement proscrite. / Les branchages doivent être transformés en broyat. / 3-4-2 - Evacuation des produits de coupe / Le bois et les produits de coupe seront évacués chaque jour. / 3-4-3 - Récupération des produits de coupe / Les copeaux de broyats seront systématiquement récupérés par le Maître d'œuvre. / Ils seront à livrer sur un lieu de stockage désigné par le Maître d'œuvre dans le périmètre de la ville. (...) ".

9. L'article 5-1 du règlement de consultation prévoyait par ailleurs que les soumissionnaires devraient présenter un mémoire technique décrivant " les moyens matériels et humains mobilisés pour chacun des chantiers " et " une note explicative sur la méthodologie détaillée envisagée par le candidat pour la réalisation des prestations du CCTP (poste par poste pour chacun des lots) ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'offre pour le lot n° 2 de la SA SAMU a été rejetée comme irrégulière au motif que les prestations de broyage des branches n'étaient pas intégrées dans les prix en méconnaissance des stipulations des articles 3-4-1 et suivants du cahier des clauses techniques particulières.

11. Il résulte toutefois de l'instruction que le mémoire technique présenté par la SA SAMU, commun aux lots n° 1 et n° 2, prévoyait à titre de procédure commune d'exécution des travaux " l'évacuation des déchets, par des moyens adaptés en fonction du site (poids lourd avec grue de chargement, camion et broyeur, reprise des déchets avec un chargeur en cas d'inaccessibilité du véhicule d'évacuation ou broyage sur place avec un broyeur à chenilles) ". Ce mémoire précisait également que " le broyat sera livré en priorité sur le site désigné par le maître d'œuvre, sauf dans le cas de déchets contaminés où les déchets seront évacués en camion bâché pour incinération " (p. 44 et 45). Ce mémoire prévoyait par ailleurs " le ramassage et le broyage des branches " dans la méthodologie détaillée pour les différents chantiers intitulés " taille et entretien des arbres en port libre " (p. 46), " abattage " (p. 51) et " taille en rideau " (p. 62). Le mémoire technique indiquait encore, s'agissant du traitement des déchets, que le " traitement des rémanents " était prévu " pour tous les types de chantier ", que " l'intégralité des déchets serait valorisée " et que sur demande, la société pourrait mettre à la disposition du pouvoir adjudicateur " les branches broyées sous forme de BRF pour utilisation comme paillage dans les massifs, ou le bois débité pour utilisation comme bois de chauffage " (p.89). Par suite, ainsi que le soutient la SA SAMU, son mémoire technique comprenait la prestation de broyage, y compris pour les prestations du lot n° 2 relatif aux travaux de taille et d'entretien des arbres en port architecturé.

12. Par ailleurs, si en réponse au courrier de la commune du 7 août 2017 invitant la requérante à présenter un sous-détail des prix n° 301-16 et n° 302-16 du lot n° 2 dans le cadre d'une suspicion d'offre anormalement basse, la SA SAMU a communiqué le 11 août 2017 deux sous-détails de prix qui ne comportaient pas de poste " broyeur " valorisé au titre des coûts directs du lot n° 2, contrairement au lot n° 1, et dont les coûts indirects présentaient un taux de 29 % non détaillé, identique à celui du lot n° 1, alors même que la société requérante soutient que ce poste comprenait le coût du broyage du lot n° 2, cette seule circonstance n'était pas de nature à regarder l'offre comme irrégulière. En effet, d'une part, il est constant que le bordereau des prix unitaires avait été régulièrement complété. D'autre part, la SA SAMU avait accompagné ce sous-détail de prix d'un courrier précisant qu'elle bénéficiait pour le marché d'un matériel déjà amorti et de possibilité de reprise gratuite de ses produits d'élagage, ce qui lui permet sur ce poste de dépense, ainsi que l'explique la société dans ses écritures contentieuses, de ne facturer que l'électricité et le fioul nécessaires à l'activité de broyage, réalisée en majorité sur le site de la société selon la méthodologie décrite, et de l'intégrer dans ses coûts indirects. Enfin, le sous-détail de prix communiqué par la société n'élude pas le poste " broyeur ".

13. Dans ces conditions, alors que le broyage était prévu dans le mémoire technique de la société et que celle-ci pouvait, au titre de sa stratégie commerciale, décidé de ne pas facturer l'utilisation du broyeur au titre de ses coûts directs, la SA SAMU est fondée à soutenir que le groupement de commandes a dénaturé son offre présentée au titre du lot n° 2 en rejetant celle-ci comme irrégulière au motif qu'elle n'intégrerait pas les prestations de broyage.

S'agissant de la régularité de l'offre de la société SMDA :

14. La SA SAMU soutient que la société SMDA a opéré dans son mémoire technique une confusion entre taille de haie et taille d'entretien, laquelle a nécessairement eu un impact important sur la compréhension de son offre et de son détail quantitatif estimatif de prix, et a retenu la technique de la suppression de la pousse annuelle par prolongement, laquelle est prohibée par les articles 4-2 et 4-3 du CCTP. Il résulte cependant du rapport d'analyse des offres que la confusion entre la taille de haie et la taille d'entretien n'a été commise qu'à une seule reprise dans le mémoire technique de l'attributaire et a été notée comme une simple " erreur matérielle " par la commission d'analyse des offres. Si ce même rapport indique par ailleurs que " la technique de suppression de la pousse annuelle par prolongement n'est pas la méthode la plus adaptée ", cette technique figurait toutefois parmi d'autres techniques proposées par l'entreprise. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'offre de la société SMDA était irrégulière et que celle-ci aurait été sélectionnée en méconnaissance du principe d'égalité de traitements des candidats.

15. La circonstance que l'offre de la SA SAMU ait été écartée à tort comme irrégulière ne constitue pas un vice d'une particulière gravité, de nature à entraîner l'annulation de l'accord-cadre litigieux. Par ailleurs, ce dernier ayant été conclu en 2018 pour une durée de quatre ans non reconductible, les conclusions tendant à sa résiliation sont, à la date du présent arrêt, sans objet.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SA SAMU n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué n° 1801472 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur la requête n° 20VE01768 aux fins d'indemnisation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

17. Il y a lieu d'écarter les moyens invoqués selon les mêmes termes que sous la requête n° 20VE01767 relatifs à la régularité du jugement selon les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 et 3 du présent arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

18. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

19. A supposer que la SA SAMU ait eu des chances sérieuses d'emporter le marché, il résulte en tout état de cause de l'instruction que si l'avis d'appel public à la concurrence indiquait, comme il en avait l'obligation au titre de la définition de ses besoins, que les commandes annuelles étaient " estimées " entre 60 000 euros hors taxes et 240 000 euros hors taxes, l'accord-cadre litigieux ne prévoyait toutefois aucun minimum de commande garanti. Par suite, la SA SAMU n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation de son manque à gagner, qui ne présente pas de caractère certain. Si la SA SAMU sollicite par ailleurs l'indemnisation des frais de présentation de l'offre qu'elle évalue, pour la rédaction de l'offre et la visite des lieux, à trois jours de travail d'un de ses techniciens, elle ne produit aucun bulletin de paie. Le temps de travail nécessaire à la préparation de l'offre de la société ainsi évalué est, par ailleurs, commun aux lots n° 1 et 2. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation du préjudice de la SA SAMU en allouant à l'intéressée une somme de 2 000 euros.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SA SAMU est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 1804050 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et à solliciter la condamnation solidaire du groupement de commandes composé de la communauté d'agglomération Versailles Grand Parc et de la commune de Versailles au versement d'une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice.

S'agissant des frais relatifs aux instances d'appel :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". En application des dispositions précitées, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de la communauté d'agglomération Versailles Grand Parc et de la commune de Versailles la somme de 2 000 euros chacune au titre des frais exposés par la SA SAMU pour assurer sa défense et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société appelante les sommes dont la commune de Versailles demande, en qualité de mandataire du groupement de commandes, le versement au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804050 du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 est annulé.

Article 2 : La communauté d'agglomération Versailles Grand Parc et la commune de Versailles sont solidairement condamnées à verser à la SA SAMU la somme de 2 000 euros en réparation des frais exposés par la société pour la présentation de son offre en vue de l'attribution du lot n° 2 relatif à la taille et l'entretien des arbres en port architecturé sur les voies et espaces publics du territoire communal et intercommunal de Versailles.

Article 3 : La communauté d'agglomération Versailles Grand Parc et la commune de Versailles verseront solidairement à la SA SAMU la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SA SAMU au titre de la requête n° 20VE01768 est rejeté.

Article 5 : La requête n° 20VE01767 de la SA SAMU est rejetée.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Versailles présentées, en qualité de mandataire du groupement de commandes, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des requêtes n° 20VE01767 et 20VE01768 sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Soins des Arbres en Milieu Urbain et à la commune de Versailles, mandataire du groupement de commandes.

Copie en sera adressée à la communauté d'agglomération Versailles Grand Parc et au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Albertini, président,

- M. Pilven, président assesseur,

- Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

La rapporteure,

J. FLORENTLe président,

P-L. ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE01767, 20VE01768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01767
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELAS ADMINIS AVOCATS;SELAS ADMINIS AVOCATS;SELAS ADMINIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;20ve01767 ?
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