Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2216975 du 25 juillet 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Mbongo Mounoumé, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa grande sœur, titulaire d'un carte de résident, bénéficie d'un jugement de tutelle de l'appelante ; elle est scolarisée depuis son entrée en France, puisqu'elle est titulaire d'un baccalauréat obtenu au titre de la session 2022 ; contrairement à ce qui est indiqué, elle est inscrite en 1ère année d'études conduisant au diplôme d'Etat d'infirmière (rentrée le 6 février 2024 à 9 h 30) ; une erreur a ainsi été commise par les premiers juges sur la matérialité des faits assortie d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, jusqu'à prétendre qu'elle n'est pas scolarisée ; elle a été reçue tardivement à la préfecture, après le COVID et l'obtention du baccalauréat mais elle a sollicité dans l'année de sa majorité, la délivrance d'un titre de séjour au visa de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; pendant toute la période COVID la préfecture n'a jamais été en mesure de recevoir les demandeurs de titre de séjour ; elle attendait d'être reçue, et ne l'a été que le 11 octobre 2022, ce, après l'obtention du baccalauréat le 24 août 2022 ; c'est dans ces conditions qu'est intervenu l'arrêté contesté devant le tribunal administratif ;
- le juge doit contrôler non seulement si la règle de droit a été violée, mais également les motifs qui ont déterminé l'acte et elle justifie de l'erreur de fait, et de la violation de la loi ; elle est inscrite pour suivre une formation contrairement à ce qu'a indiqué le préfet ;
- elle justifie de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur d'appréciation au regard de sa demande de délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;
- la décision méconnait également l'article L. 422-1 du même code, puisqu'elle établit qu'elle suit en France un enseignement ou qu'elle y fait ses études et justifie qu'elle dispose de moyens d'existence suffisants, pour la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " ; l'inscription en cours a été bloquée suite à la non délivrance de titre ; le refus de titre de séjour a été opposé à une étudiante qui a son baccalauréat et qui entend poursuivre sa scolarité ; elle est entrée en France à l'âge de 15 ans, a poursuivi sa scolarité et a obtenu son baccalauréat à l'âge de 20 ans ;
- elle justifie aussi de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa sœur est titulaire d'un carte de résidente, elle exerce la tutelle, et l'appelante a constitué ses attaches familiales en France ; la décision en litige porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des motifs du refus et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Val-d'Oise, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albertini,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mbongo Mounoumé, pour Mme A....
Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 21 février 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité camerounaise, née le 4 avril 2003, est entrée sur le territoire français le 22 juin 2018, selon ses déclarations. Elle a sollicité le 11 octobre 2022 la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté du 14 novembre 2022 attaqué, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Mme A... relève appel du jugement du 25 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'erreurs de droit, de fait ou d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme A... fait valoir sa durée de présence en France depuis 2018, alors qu'elle était mineure et âgée de quinze ans, et la présence de sa sœur aînée titulaire d'une carte de résidente, en situation régulière sur le territoire français, laquelle a été désignée comme sa tutrice par un jugement du 8 juillet 2019 du tribunal civil de droit local de Yaounde-Ndjokoti (Cameroun). Elle soutient à cet égard que le centre de ses intérêts est désormais en France, où elle poursuit ses études, s'agissant d'une formation en soins infirmiers. Il ressort en outre des pièces du dossier que la requérante a poursuivi sa scolarité en France à compter de la seconde, et a obtenu un baccalauréat professionnel en sciences et technologies de la santé et du social le 24 août 2022. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été employée à temps partiel par une société de nettoyage en août 2021, et d'octobre 2021 à janvier 2022 et que si elle justifie, par un courrier du 24 août 2022, avoir été admise à poursuivre une formation en soins infirmiers à l'institut de formation paramédical et social de la fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon, les pièces produites devant les premiers juges, à savoir un formulaire de confirmation à retourner par l'étudiant et un formulaire relatif au mode de financement, l'un et l'autre vierges de toute mention, n'ont pas été corroborées en cause d'appel par des documents concernant son inscription ou la poursuite effective de sa formation et ne suffisent pas à justifier la réalité de sa scolarité. Par ailleurs, les pièces produites en appel concernant une formation dans un institut de formation en soins infirmiers de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris débutant le 6 février 2024 ne lui permettent pas, en tout état de cause, de justifier de la poursuite d'une formation d'infirmière à l'époque de la décision en cause. En outre, Mme A..., désormais majeure, célibataire et sans charge de famille en France, y est présente depuis moins de cinq ans à la date de l'arrêté attaqué et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère et son père. Dans ces circonstances, le préfet du Val-d'Oise a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de fait, ni méconnaître les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. /(...). ".
6. Les éléments exposés ci-dessus de la situation de Mme A... ne sont pas de nature à constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions susvisées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-d'Oise, en refusant de régulariser sa situation à titre exceptionnel, aurait fait une inexacte application de ces dispositions.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" d'une durée inférieure ou égale à un an. / (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a obtenu un baccalauréat professionnel en 2022, à l'âge de vingt ans, dans les conditions exposées au point 4, et qu'elle n'a été inscrite à aucune formation au cours de l'année 2022-2023, à l'époque du refus de titre de séjour en litige. Le préfet était par suite fondé, sans commettre d'erreur de fait ou de droit, à rejeter sa demande de titre de séjour portant la mention " étudiant ". La circonstance que l'intéressée aurait entendu s'inscrire à une formation dans un institut de formation interhospitalier, débutant le 6 février 2024, assurée en vue de l'obtention d'un diplôme d'infirmière, est en outre postérieure à la décision attaquée et sans incidence sur sa légalité.
8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points qui précèdent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.
9. Enfin, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle et familiale de Mme A.... Ce moyen doit également être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. PILVENLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE02085002