Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 27 juin 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 7 140 euros, et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 309 euros ou, à titre subsidiaire, de minorer les contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge.
Par un jugement n° 1910528 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juin 2022, Mme A... veuve B..., représentée par Me Levy, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ou, à titre subsidiaire, de minorer les contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge.
Elle soutient que :
- la décision attaquée méconnaît l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles L. 8251-1, L. 5221-8 et L. 8253-1 du code du travail ;
- la décision attaquée méconnaît l'article R. 8253-2 du code du travail dès lors qu'elle remplit les conditions permettant une réduction de la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... veuve B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... veuve B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du président de la 4ème chambre du 21 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 décembre 2023 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham,
- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle effectué, le 7 novembre 2018, sur un stand de marché à Garges-lès-Gonesse, exploité par Mme D... A... veuve B..., les services de police ont constaté la présence d'un ressortissant pakistanais en situation de travail, dépourvu de titre l'autorisant à séjourner en France et à y travailler. Par une décision du 27 juin 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de Mme A... veuve B... la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 7 140 euros, et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 309 euros. Par un jugement n° 1910528 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de Mme A... veuve B... tendant à l'annulation de cette décision. Celle-ci relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ". Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...). ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l'encontre de la requérante : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.
4. En l'espèce, Mme A... veuve B..., qui n'ignorait pas que M. C... était dépourvu de titre l'autorisant à travailler et qui n'a pas procédé aux vérifications nécessaires au moment de son embauche, ne peut utilement invoquer la circonstance que cet employé lui aurait affirmé que sa situation était en cours de régularisation. De même, la requérante, qui ne s'est pas assurée auprès des administrations territorialement compétentes que son employé disposait des titres l'autorisant à travailler en France, ne peut se prévaloir de sa bonne foi, peu important qu'elle ait effectué une déclaration auprès de l'URSSAF. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit en conséquence être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / (...) 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Mme A... veuve B... soutient qu'elle remplit les conditions permettant la réduction de la contribution spéciale mise à sa charge à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti. Toutefois, elle n'établit pas, par la simple production des fiches de paie de M. C..., s'être acquittée des salaires et indemnités qu'elle lui devait dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du code du travail. Par suite, le moyen avancé doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... veuve B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... veuve B... la somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... veuve B... est rejetée.
Article 2 : Mme A... veuve B... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... veuve B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
S. BROTONS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE01546 2