Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 n° DP 078 588 19 Y0035 par lequel le maire de la commune de Saulx-Marchais s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux visant au remplacement des fenêtres de son habitation.
Par un jugement n° 2002351 du 14 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au maire de la commune de Saulx-Marchais de délivrer à Mme B... une décision de non-opposition à déclaration préalable pour le projet en cause.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, la commune de Saulx-Marchais, représentée par Me Gonthier, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision a été prise par une autorité compétente ;
- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé en droit comme fait ;
- une déclaration préalable de travaux était nécessaire ;
- l'architecte a émis un avis défavorable au projet qui pouvait, voire même devait être suivi par le maire de Saulx-Marchais en application du plan local d'urbanisme communal et du code de l'urbanisme, l'immeuble étant situé dans le périmètre délimité d'un monument historique et présentant en tout état de cause une covisibilité avec celui-ci dès lors qu'elle est visible depuis le clocher de l'église et visible en même temps que le monument depuis la voie publique ;
- le PVC ne répond pas aux exigences du plan local d'urbanisme quant à la qualité et à la bonne tenue au vieillissement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2023, ainsi qu'un second mémoire enregistré le 6 novembre 2023 qu'il n'a pas été jugé utile de communiquer, Mme A... B..., représentée par Me Mandicas, conclut au rejet la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune appelante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- les fenêtres utilisées sont d'aspect identique aux anciennes fenêtres, contrairement à ce qu'allèguent la commune et l'ABF, et ne méconnaissent aucune règle ;
- la bâtiment en cause ne se trouve pas dans le périmètre de protection d'un monument historique.
Par une ordonnance du 23 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 novembre 2023.
Par un mémoire, enregistré le 12 février 2024, la commune de Saulx-Marchais a produit des pièces et photographies en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Par un courrier du 13 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête de première instance à défaut de preuve de la contestation préalable de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France selon la procédure spécifique prévue à l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, recours préalable obligatoire.
Par un mémoire, enregistré le 20 février 2024, Mme B... a présenté ses observations en réponse au moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gonthier, avocat, pour la commune de Saulx-Marchais et de Me Mandicas, avocat, pour Mme B....
Une note en délibéré, enregistrée le 19 mars 2024, a été présentée pour Mme B....
Une note en délibéré, enregistrée le 25 mars 2024, a été présentée pour la commune de Saulx-Marchais.
Considérant ce qui suit :
1. Par la présente requête, la commune de Saulx-Marchais relève appel du jugement du 14 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du maire de Saulx-Marchais en date du 2 décembre 2019 s'opposant à la déclaration préalable de Mme B... en vue du remplacement des fenêtres de son habitation située 45 rue de l'Eglise à Saulx-Marchais.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable (...) les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement ; (...) ". Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. / II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. (...) / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (...) " Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1. " Aux termes du I de l'article L. 632-2 de ce code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. (...) / Le permis de construire (...) l'absence d'opposition à déclaration préalable, l'autorisation environnementale prévue à l'article L. 181-1 du code de l'environnement ou l'autorisation prévue au titre des sites classés en application de l'article L. 341-10 du même code tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I. (...) " L'article R. 425-1 du code de l'urbanisme prévoit, de même, que lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire ou la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées.
3. Il résulte de la combinaison des articles L. 621-30, L. 621-32, du I de l'article L. 632-2 du code du patrimoine et de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme que ne peuvent être délivrés qu'avec l'accord de l'architecte des Bâtiments de France les autorisations d'urbanisme portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les travaux litigieux ont pour objet le remplacement des fenêtres de la propriété de Mme B..., anciennement en bois, par des fenêtres en PVC (polychlorure de vinyle). Si ces travaux ne prévoient de modifier ni la couleur ni la forme des fenêtres, le changement de matériau est susceptible de modifier l'aspect extérieur du bâtiment et partant, devait faire l'objet d'une autorisation au titre du code du patrimoine et du code de l'urbanisme.
5. En outre, s'il ne ressort d'aucune pièce du dossier et notamment pas des cartographies de l'atlas du patrimoine, produites au dossier, que l'église Saint-Pierre et Saint-Paul du XVIIIème siècle, classée monument historique depuis 1999, aurait fait l'objet d'un périmètre délimité de ses abords dans les formes et selon les conditions prévues par l'article L. 621-31 du code du patrimoine, il ressort des photographies produites au dossier que la maison de Mme B... est notamment visible en même temps que l'église classée depuis le chemin de la Coudraye, ouvert au public. En conséquence, les travaux litigieux ne pouvaient être autorisés qu'après avis favorable de l'architecte des Bâtiments de France (ABF) en application de l'article L. 621-32 et L. 632-2 du code du patrimoine, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'ABF a considéré que son avis n'était pas obligatoire dans le cas d'espèce. Par ailleurs, en présence d'un avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, le maire de la commune de Saulx-Marchais se trouvait en compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée.
6. D'autre part, aux termes du III de l'article L. 632-2 du code du patrimoine : " Un recours peut être exercé par le demandeur à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Il est alors adressé à l'autorité administrative, qui statue. Dans le cadre de ce recours, le demandeur peut faire appel à un médiateur désigné par le président de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture parmi les membres de cette commission titulaires d'un mandat électif. Dans ce cas, l'autorité administrative statue après avis de ce médiateur. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir confirmé la décision de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation. " Par ailleurs, au termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. Le demandeur précise lors de sa saisine s'il souhaite faire appel à un médiateur désigné dans les conditions prévues au III de l'article L. 632-2 du code du patrimoine. (...) "
7. Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un refus d'autorisation d'urbanisme portant sur un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, opposé à la suite d'un avis négatif de l'ABF, s'il n'a pas, préalablement, saisi le préfet de région d'une contestation de cet avis, selon la procédure spécifique prévue à l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, quels que soient les moyens invoqués. Il n'en est dispensé que dans l'hypothèse où le maire ou l'autorité compétente pour délivrer le permis a lui-même contesté l'avis de l'ABF ou dans le cas où le ministre chargé des monuments historiques a usé de son pouvoir d'évocation du dossier.
8. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... avait exercé le recours préalable obligatoire prévu par les dispositions précitées avant de saisir le tribunal administratif de Versailles de son recours en excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté du 2 décembre 2019. Par ailleurs, la circonstance que l'obligation du recours administratif prévu par les dispositions précitées n'a pas été mentionnée dans la notification de la décision litigieuse, si elle empêchait que cette notification fît courir le délai du recours contentieux, est sans incidence sur l'irrecevabilité de la demande présentée directement devant le juge de l'excès de pouvoir. Par suite, la requête présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles était irrecevable et la commune de Saulx-Marchais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont fait droit à la demande de Mme B... et annulé l'arrêté du 2 décembre 2019.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saulx-Marchais, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu par ailleurs de mettre à la charge de Mme B... la somme que sollicite la commune au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 14 mars 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Saulx-Marchais présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saulx-Marchais et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE01134