Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Par un jugement n° 2309380 du 19 janvier 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé partiellement l'arrêté du 13 novembre 2023 en tant qu'il refusait d'accorder un délai de départ volontaire et qu'il portait interdiction de retour sur ce territoire pour une durée d'un an et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2024, M. B..., représenté par Me Reynolds, avocate, demande à la cour :
1°) de réformer de jugement ;
2°) en conséquence, d'annuler la décision du 13 novembre 2023 du préfet de l'Essonne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et sa décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de procéder à l'examen de son dossier et de lui attribuer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail le temps de l'examen ;
5°) d'enjoindre au préfet compétent de procéder sans délai à l'effacement de son inscription au fichier " Système d'information Schengen " ;
6°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle l'expose à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que subsistent dans son pays d'origine des violences avérées contre sa communauté ;
- il a un emploi et il est le père de trois enfants scolarisés depuis 2019 en France et leur retour constituerait une violation des stipulations de l'article 8 de la même convention et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 12 mois :
- la décision est insuffisamment motivée au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en l'espèce, l'autorité administrative ne s'est pas prononcée sur chacune de ces conditions limitatives et cumulatives et, en tout état de cause, a commis une erreur de droit dans l'appréciation de ces critères ;
- le préfet ayant retenu qu'il a fait l'objet d'un signalement le 13 mars 2019 pour vol à l'étalage pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire a nécessairement porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; une interdiction de retour sur le territoire français est en effet parfaitement disproportionnée eu égard à sa situation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car elle comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité eu égard à la fixation, à l'intensité et à l'ancienneté de ses attaches privées et familiales en France.
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole enfin l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990, il est parent de trois enfants présents sur le territoire français, tous trois scolarisés en France depuis cinq ans, et s'occupe de ces derniers depuis leur naissance.
Par un courrier du 19 mars 2023, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen soulevé d'office tiré de ce qu'en application de la jurisprudence Intercopie, les moyens de légalité externe soulevés par M. B... sont irrecevables, celui-ci n'ayant soulevé que des moyens de légalité interne devant le tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien, né le 17 février 1978 à Erevan (Arménie), a déclaré être entré sur le territoire français en 2019. Le 9 mars 2021, il a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile qui lui a été refusée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatride (OFPRA) du 5 mai 2021. Par un arrêté du 13 octobre 2021, le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français. M. B..., qui s'est soustrait à l'exécution de cette décision, a été interpellé le 13 novembre 2023 et placé en retenue administrative afin qu'il soit procédé à la vérification de son droit au séjour en France. Par un arrêté du 13 novembre 2023, le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... doit être regardé comme relevant appel du jugement du 19 janvier 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions contenues dans l'arrêté attaqué lui refusant un délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur ce territoire pour une durée d'un an, en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.
3. Il ressort des termes du jugement attaqué que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments du requérant, a expressément relevé les principaux aspects de sa privée et familiale en France, ainsi que des conditions de son séjour en France. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation sur ce point.
Sur les moyens irrecevables :
4. M. B... n'ayant soulevé que des moyens de légalité interne devant le tribunal administratif, les moyens de légalité externe tirés de l'insuffisante motivation des décisions attaquées sont irrecevables.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B... fait valoir en appel qu'il réside en France en compagnie de son épouse et de ses trois enfants, nés à Erevan en 2010, 2011 et 2016 et scolarisés en France depuis cinq ans à l'époque de la décision en litige et qu'il a demandé un rendez-vous pour déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, son épouse, de même nationalité, est également en situation irrégulière et il n'est fait état d'aucune circonstance particulière qui s'opposerait à ce que la vie familiale et la scolarité des enfants se poursuivent dans le pays dont la famille possède la nationalité et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 41 ans. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et sans qu'y fasse obstacle le fait que le requérant justifie d'un emploi exercé sans y avoir été autorisé à l'époque de la décision en litige et, à supposer ce point établi, le rendez-vous qu'il aurait demandé pour présenter une demande d'admission exceptionnelle au séjour, la décision du préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :
7. Si M. B... soutient encore en appel que la décision portant désignation du pays de retour l'expose à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que subsistent dans son pays d'origine des violences avérées contre sa communauté, il ne fait état d'aucune persécution dont il aurait été personnellement victime et qui serait susceptible de se reproduire en cas de retour, tandis que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 mai 2021. Par suite, ses conclusions dirigées contre la décision portant désignation du pays de destination ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. PILVENLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE00403