Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2307086 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 février 2024, M. A..., représenté par Me Maillard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen qui assortit la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros hors TVA à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le premier juge a commis une erreur d'appréciation s'agissant de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ;
- il a commis une erreur d'appréciation s'agissant des erreurs de faits commises par le préfet ;
- il a aussi commis une erreur d'appréciation s'agissant de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation du requérant ;
- il a enfin commis une erreur d'appréciation s'agissant de la violation de l'article L.612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation.
Sur le bien-fondé du jugement :
- la compétence du signataire de la décision n'est pas justifiée ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- elle méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
-elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :
- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- elle méconnait l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles.
Le 11 avril 2024, le préfet des Yvelines a produit des pièces utiles au dossier.
Par une ordonnance en date du 24 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2024 à 15 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant égyptien, né le 1er novembre 1991 à Gharbeya (Egypte), a déclaré être entré en France en 2012. Par un arrêté du 24 mai 2023, le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 12 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir d'erreurs d'appréciation qu'auraient commis le premier juge pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :
3. Par arrêté n° 78-2023-01-30-00001 du 30 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Yvelines du même jour, le préfet a donné délégation à Mme B... C..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux de la préfecture des Yvelines, à l'effet de signer toutes décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, la décision en cause vise les textes dont il est fait application et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... et notamment des garanties de représentation dont il entend se prévaloir avant de prendre la décision contestée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen manque ainsi en fait et doit être écarté.
6. En troisième lieu, M. A... soutient que la décision est entachée d'une erreur de fait. Toutefois, l'appelant n'établit pas plus en appel qu'il ne l'avait fait devant le tribunal avoir régulièrement déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès de la sous-préfecture de Sarcelles le 21 février 2023. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de son audition sur sa situation administrative du 24 mai 2023 que l'intéressé a déclaré ne pas avoir présenté de demande de titre de séjour, mais seulement préparer son dossier. En outre, s'il produit, à cet égard, une lettre accusant réception de son dépôt de demande d'admission exceptionnelle au séjour, cette pièce permet uniquement d'attester de la réception du dossier et non pas de l'enregistrement et de la complétude de ladite demande. Si M. A... possède un passeport en cours de validité et justifie de garanties de représentation, la situation du requérant ne révèle l'existence d'aucune circonstance particulière faisant obstacle au prononcé d'une mesure d'éloignement, l'obligation de quitter le territoire français étant fondée sur l'absence de titre de séjour à la date à laquelle elle est intervenue, la circonstance que M. A... ait ou non présenté une demande est à cet égard sans incidence sur sa légalité. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. A... soutient que son droit au respect de sa vie privée et familiale a été méconnu et que le préfet a entaché l'arrêté contesté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Toutefois, M. A..., qui se prévaut d'une présence en France depuis 2012, ne produit des pièces qu'à compter de 2015. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière. L'intéressé qui a déclaré lors de son procès-verbal être marié et que son épouse est enceinte ne produit à l'appui de ses allégations, y compris en appel, aucune pièce justificative. Enfin, s'il produit une lettre accusant réception de son dépôt de demande d'admission exceptionnelle au séjour, cette pièce permet uniquement d'attester de la réception du dossier et non pas de l'enregistrement et de la complétude de ladite demande et en tout état de cause, l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur l'absence de titre de séjour de M. A..., la circonstance qu'il ait fait une demande ou non étant à cet égard sans incidence. Dans ces circonstances, la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté une atteinte excessive au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.
10. En second lieu, M. A... fait valoir que la précédente décision l'obligeant à quitter le territoire français, à laquelle il n'a pas déféré, ne lui a pas été notifiée, alors qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision revêtue de sa signature lui a été notifiée par voie administrative. Il reprend aussi en appel les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Or M. A... n'invoque, au soutien des moyens repris, aucun élément de droit ou de fait nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge et exposés aux points 16 à 19 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
12. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doit être écarté.
13. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français./ Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
14. D'autre part, il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. La durée de cette interdiction doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
15. La décision contestée vise les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne qu'en application des dispositions de l'article L. 612-6 de ce code, une interdiction de retour est prononcée pour une durée maximale de trois ans à l'encontre de l'étranger obligé de quitter sans délai le territoire français, à moins que des circonstances humanitaires ne le justifient. Elle indique que le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière, et que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce et de l'ancienneté de ses liens en France, la durée de l'interdiction, d'une année seulement, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale. Dans ces circonstances, alors qu'il n'avait pas à faire état expressément de l'absence de menace à l'ordre public, le préfet des Yvelines n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation.
16. En quatrième lieu, si le requérant invoque dix ans de présence, se prévaut de la demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'il aurait entendu présenter et fait état de l'absence d'obligation de quitter le territoire français préalable au prononcé de la décision en litige, il n'a pas démontré une résidence habituelle en France avant 2015, ne conteste pas utilement qu'il n'a pas déféré à une précédente obligation de quitter le territoire, qui lui a été notifiée et ne justifie ainsi qu'il a été dit d'aucune circonstance humanitaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 621-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. PILVENLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE00332