Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C..., M. A... B... et la SCEA du Prieuré ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 5 février 2022 par lequel le maire de la commune de Boinville-le-Gaillard a délivré à la société Acanthe un permis d'aménager un lotissement de 22 lots, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux du 25 mai 2022 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à leur verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Par un jugement n° 2205478 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2023 et le 24 mai 2024, Mme D... C..., M. A... B... et la SCEA du Prieuré, représentés par Me B..., avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêté et décision ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros à verser à chacun d'eux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à agir et leur requête est recevable ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il fait référence à un permis de construire alors qu'il s'agit d'un permis d'aménager ;
- il méconnaît l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme faute d'avoir été précédé de la saisine pour avis de la chambre d'agriculture et de la communauté de commune de Rambouillet Territoires ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 1AU3 et Ub3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) relatives à l'emprise au sol des constructions ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 1AU6 et Ub6 du règlement du PLU dès lors que le projet ne prévoit pas suffisamment de places de stationnement ;
- il est contraire au projet d'aménagement et de développement durable (PADD) et aux orientations du PLU relatives aux nombres de logements à construire et aux zones à urbaniser ;
- il méconnaît les dispositions du schéma de cohérence territoriale (SCOT) ;
- il porte atteinte au caractère des lieux avoisinants ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime dès lors que le lotissement autorisé est situé à proximité de leur exploitation agricole, et que la nouvelle voie d'accès ainsi que la circulation les empêcheront d'exercer leur activité agricole ;
- il méconnait l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France (ABF).
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2024 la commune de Boinville-le-Gaillard, représentée par Me Le Port, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... et autres la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires enregistrés les 7 et 29 mai 2024, la société Acanthe, représentée par Me Rouhaud, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... et autres la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour les requérants et de Me Le Port pour la commune de Boinville-le-Gaillard.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Boinville-le-Gaillard a, par un arrêté du 5 février 2022, délivré à la société Acanthe un permis d'aménager un lotissement de 22 lots sur un terrain situé chemin de la Mare du Bois. Par un courrier du 31 mars 2022, notifié le 1er avril suivant, Mme C... et autres ont formé un recours gracieux contre cet arrêté. Par une décision du 25 mai 2022, notifiée le 27 mai suivant, le maire de la commune a rejeté ce recours. Mme C... et autres font appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2022 et de la décision du 25mai 2022.
Sur la légalité de l'arrêté de permis d'aménager du 5 février 2022 et de la décision de rejet du recours gracieux du 25 mai 2022 :
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
2. En premier lieu, la circonstance que l'arrêté attaqué comporte la mention erronée dans ses visas d'une demande de permis de construire, alors au demeurant que tant l'intitulé de l'arrêté que l'article 1er de son dispositif mentionnent la délivrance d'un permis d'aménager, est sans incidence sur sa légalité.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ". Les requérants n'invoquent aucune disposition législative ou réglementaire qui aurait été méconnue et qui aurait rendu nécessaire, en l'espèce, compte tenu de la nature du projet, la consultation de la chambre d'agriculture et celle de la communauté de communes de Rambouillet Territoires à laquelle la commune appartient. Par suite, contrairement à ce que soutiennent Mme C... et autres, l'arrêté attaqué n'est pas intervenu au terme d'une procédure qui méconnaitrait les dispositions énoncées par l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme, lequel se borne à poser un principe général de consultation d'organismes intéressés par un projet.
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
4. Aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ". Aux termes de l'article L. 442-1-2 du même code : " Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l'implantation de bâtiments ainsi que, s'ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots. Le lotisseur peut toutefois choisir d'inclure dans le périmètre du lotissement des parties déjà bâties de l'unité foncière ou des unités foncières concernées ".
5. Les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils ont simplement pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, le projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée, lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : (...) 7° Les opérations foncières et les opérations d'aménagement définies par décret en Conseil d'Etat (...). " Aux termes de l'article R. 142-1 du même code : " Les opérations foncières et les opérations d'aménagement mentionnées au 7° de l'article L. 142-1 sont : (...) 3° Les lotissements (...) lorsque ces opérations (...) portent sur une surface de plancher de plus de 5 000 mètres carrés (...) ". Aux termes de l'article L. 152-1 du même code : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. ".
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la surface de plancher maximale autorisée par le permis d'aménager est de 4 400 mètres carrés. Dès lors le projet en litige n'entre pas dans le champ des dispositions précitées du code de l'urbanisme relatives à l'obligation de compatibilité des opérations foncières et des opérations d'aménagement avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCoT).
8. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du plan local d'urbanisme dès lors que ce document n'est pas directement opposable aux autorisations d'urbanisme.
9. Enfin, il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) d'un plan local d'urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs. La compatibilité de l'autorisation d'urbanisme doit s'apprécier au regard des caractéristiques concrètes du projet et du degré de précision de l'orientation d'aménagement et de programmation. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le projet autorise 22 lots à bâtir. Il n'est donc pas incompatible avec l'OAP relatif à cette zone à urbaniser qui prévoit que " Ce secteur à aménager doit être susceptible d'accueillir une nouvelle offre résidentielle d'environ une vingtaine de logements ".
10. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance des orientations et objectifs du SCoT, du PADD et de l'OAP " 1AU " doivent être écartés.
11. En deuxième lieu, les requérants reprennent, en appel, le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que l'arrêté en litige méconnait les dispositions des articles 1AU 3 et UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme " dès lors que l'emprise au sol du projet conduira à l'édification de petites maisons de 60m² ou 50m² qui ne sont pas en phase avec les constructions existantes sur la commune. ". Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Versailles aux points 8 et 9 de son jugement.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 1AU 6 et Ub 6 du règlement du plan local d'urbanisme relatif au stationnement : " 1- Stationnement des véhicules motorisés / Dispositions générales / La création de places de stationnement des véhicules, résultant de l'application des normes définies ci-après doit se faire en-dehors des voies publiques. (...) Règles quantitatives de stationnement / Les nombres de places de de stationnement minimum imposés sont reportés dans le tableau ci-après, en fonction des destinations et de leur localisation ". Il ressort des mentions portées au sein de ces tableaux que pour les constructions à destination de logement, 3 places minimum par logement sont exigées.
13. Il ressort du plan de composition joint à la demande de permis d'aménager qu'il matérialise deux places de stationnement par lot. Il ressort également de ce plan que 11 places de stationnements supplémentaires sont prévues au sein du périmètre du lotissement, lesquelles seront situées le long de la voie interne du lotissement, soit en dehors des voies publiques. Si les requérants estiment que l'ensemble de ces places de stationnement ne permet pas de respecter les dispositions des articles 1AU 6 et Ub 6, lesquelles exigent 3 places de stationnement par logement et ainsi 66 places de stationnement pour l'ensemble du lotissement, il ressort du règlement de celui-ci que les deux places matérialisées sur le plan de composition sont " hors garage et tout abris voiture ". Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de ses caractéristiques, le projet de lotissement ne permettrait pas l'implantation de trois places de stationnement par logement dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme précitées ne pourrait être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
14. En quatrième lieu, aux termes des articles UB 4 1AU 4 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la qualité urbaine, architecturale, environnementale et paysagère : " 1- Intégration architecturales et paysagère des projets / Les constructions, par leur situation, leur architecture, leur dimension ou leur aspect extérieur ne doivent pas porter atteinte au caractère des lieux. (...) ".
15. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
16. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, classé en zone urbaine et à urbaniser, s'il est situé sur une parcelle agricole prenant place dans le prolongement Nord du village et à proximité immédiate d'une exploitation agricole à l'Ouest, est également implanté en continuité du tissu urbain existant, à proximité du centre bourg de la commune et jouxte au Sud une zone pavillonnaire. Le projet autorisé porte sur un lotissement de 22 lots à destination d'habitat individuel. La notice jointe au dossier de demande de permis d'aménager prévoit notamment que les constructions devront privilégier " les matériaux nobles ", afin de bien s'intégrer dans la commune. Par ailleurs, le règlement du lotissement précise que " les constructions devront contribuer par leur implantation, leur volume, et leur aspect à la préservation et à la mise en valeur du site ". Si les requérants soutiennent que ce permis d'aménager permet la réalisation de constructions plus compactes, cette circonstance n'est pas de nature à établir que l'insertion du projet ne serait pas respectueuse de son environnement immédiat, lequel n'est pas caractérisé par une harmonie particulière. Dans ces conditions, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le permis d'aménager permettrait l'implantation de constructions dont la dimension et les caractéristiques architecturales seraient de nature à porter atteinte au caractère des lieux environnant, et dont la conformité ne pourrait être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, les règles de distance minimale législatives ou réglementaires applicables à des constructions ou extensions de bâtiments agricoles vis-à-vis de locaux habituellement occupés par des tiers s'appliquent également aux nouvelles constructions à usage non agricole vis-à-vis de bâtiments agricoles lorsque celles-ci nécessitent un permis de construire, sauf cas d'extension d'une construction existante. Ces dispositions sont opposables aux demandes d'autorisation de lotir dès lors que celles-ci prévoient des lots en vue de l'implantation de constructions nouvelles qui méconnaîtront nécessairement les règles de distance en question.
18. Si les requérants soutiennent que le projet litigieux ne peut être implanté à proximité de leur exploitation agricole, ils ne précisent pas quelles dispositions législatives ou réglementaires, ou quelles règles de distance seraient méconnues par le projet, alors qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que cette exploitation céréalière constituerait une installation classée pour la protection de l'environnement. Il ne résulte pas davantage des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme de la commune de Boinville-le-Gaillard comporterait des dispositions spécifiques sur les règles d'implantation à proximité de ce type d'exploitation. En outre, les requérants ne peuvent utilement invoquer des difficultés de circulation à l'appui de leur moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
19 En dernier lieu, les requérants reprennent, en appel, le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que l'arrêté méconnait l'avis de l'architecte des bâtiments de France. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Versailles au point 25 de son jugement.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme C... et autres soit mise à la charge de la commune de Boinville-le-Gaillard qui n'est pas la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge solidaire de Mme C... et autres une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Boinville-le-Gaillard et non compris dans les dépens plus une même somme à la société Acanthe.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... et autre est rejetée.
Article 2 : Mme C... et autres verseront solidairement à la commune de Boinville-le-Gaillard une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, plus une somme de 1 000 euros sur ce même fondement à la société Acanthe.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à M. A... B..., à la SCEA du Prieuré, à la commune de Boinville-le-Gaillard et à la société Acanthe.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
B. AVENTINOLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE01606