Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2205918 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 février et 26 juin 2023, M. A..., représenté par Me Israël, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Israël, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous condition que ce conseil renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Cozic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant togolais né le 3 décembre 1972, a déclaré être entré en France en 2015. Il a présenté, le 7 juin 2021, une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en invoquant le bénéfice des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 décembre 2021, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les moyens dirigés contre l'ensemble de l'arrêté :
2. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de chacune des décisions en litige. Il vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Togo relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 13 juin 1996, ainsi que les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier ses articles L. 425-9 et L. 435-1. L'arrêté fait mention de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) concernant l'état de santé de M. A... et précise que ce dernier est célibataire et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel résident ses deux enfants mineurs et où il a résidé jusqu'à l'âge de quarante-trois ans. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
4. Lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier, au vu des pièces du dossier et notamment de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
5. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour rejeter, par l'arrêté en litige, la demande de titre de séjour présentée par M. A..., le préfet du Val-d'Oise s'est notamment fondé sur l'avis émis le 2 décembre 2021 par le collège des médecins de l'OFII, qui précise que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'au vu des éléments de son dossier, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.
7. Il est constant que M. A... souffre de séquelles d'une poliomyélite infantile à la jambe droite et d'une lomboradiculalgie gauche post-opératoire provoquant des douleurs invalidantes à la jambe gauche pour lesquelles il bénéficie, depuis 2018, d'un traitement antalgique de palier 3 et d'un suivi tous les trois mois au centre de traitement et d'évaluation de la douleur du centre hospitalier universitaire de la Pitié Salpêtrière. Pour contester l'appréciation portée par le préfet du Val-d'Oise sur sa situation médicale, M. A... produit plusieurs certificats médicaux et comptes-rendus de consultation et d'hospitalisation. Ces documents médicaux, qui se bornent à faire état des pathologies dont M. A... est atteint et du traitement médical associé, ne suffisent pas à établir que l'absence de continuité de la prise en charge médicale dont bénéficie l'intéressé aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, les éléments produits ne sont pas de nature, à eux seuls, à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du préfet du Val-d'Oise serait entaché d'une erreur d'appréciation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Si M. A... déclare être entré en France en 2015 et fait valoir que certains membres de sa famille sont de nationalité française et résident en France de façon régulière, il n'invoque pas d'éléments corroborant ses allégations relatives à une intégration particulière en France. Il est en outre constant que M. A... est célibataire, sans charge de famille sur le territoire français et qu'il n'exerce aucune activité professionnelle. Par ailleurs, il résulte des pièces du dossier que M. A..., qui est père de deux enfants mineurs résidant au Togo, ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... au regard des buts qu'elle poursuit. Elle n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
11. Si M. A... soutient qu'en raison des difficultés à se procurer les traitements adaptés à sa pathologie dans son pays d'origine, il sera exposé à des souffrances constitutives de traitements inhumains et dégradants, il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au surplus, le requérant ne démontre pas l'indisponibilité d'un traitement approprié au Togo, ni que ce traitement serait inaccessible, notamment en raison de son coût. Par ailleurs, s'il affirme qu'en l'absence d'infrastructures adaptées il ne pourra pas se déplacer en fauteuil roulant, M. A... ne produit aucun élément suffisamment probant au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les dispositions et stipulations précitées des articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ces moyens ne peuvent donc qu'être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2024.
Le rapporteur,
H. Cozic
La présidente,
G. Mornet
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23VE00256
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