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11/10/2024 | FRANCE | N°23VE00536

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 11 octobre 2024, 23VE00536


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Valentine a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 par lequel le maire de Vémars a retiré le permis de construire du 29 mars 2018 relatif à la rénovation d'un logement existant et à la création de trois logements et d'un commerce après la démolition d'un abri de jardin, sur un terrain situé 10, rue François Mauriac, à Vémars.



Par un jugement n° 2004492 du 2 décembre 2022, le tribunal adm

inistratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande.



Par une ordonnance n° 471014 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Valentine a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 par lequel le maire de Vémars a retiré le permis de construire du 29 mars 2018 relatif à la rénovation d'un logement existant et à la création de trois logements et d'un commerce après la démolition d'un abri de jardin, sur un terrain situé 10, rue François Mauriac, à Vémars.

Par un jugement n° 2004492 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande.

Par une ordonnance n° 471014 du 9 mars 2023, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la cour administrative d'appel de Versailles la requête de la société Valentine, enregistrée le 2 février 2023, tendant à l'annulation de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 2 février 2023, 12 avril 2023 et 27 mai 2024, la société Valentine, représentée par Me Samandjeu, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 2 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 du maire de Vémars ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vémars la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que, ne mentionnant pas les noms des membres de la formation de jugement, il ne permet pas de s'assurer que la composition de cette formation est identique à la composition de la juridiction lors du délibéré ;

- ce jugement est également irrégulier en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur les conséquences, au regard de la règle d'urbanisme, de la manœuvre frauduleuse qui lui est imputée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire de Vémars avait pu légalement considérer que les pièces du dossier de demande de permis de construire n'avaient été établies que dans le but de tromper l'administration quant au nombre de logements créés, en vue d'éviter l'application des dispositions de l'article UA2 du règlement du plan local d'urbanisme prévoyant la création de logements locatifs sociaux au sein d'opérations de construction à caractère d'habitat comprenant quatre logements ou plus ; elle n'a commis aucune manœuvre frauduleuse et n'a pas contourné la règle d'urbanisme applicable ; la commune était informée de l'existence de deux logements au sein de la construction existante lors du dépôt de la demande de permis de construire, alors même que le cadastre ne mentionnait qu'un seul logement ;

- à supposer qu'une fraude soit établie, aucune méconnaissance des dispositions de l'article UA2 du règlement du plan local d'urbanisme n'en découle ;

- en tout état de cause, la création d'un deuxième logement au sein de la construction existante ne pouvait pas donner lieu au retrait du permis de construire délivré le 29 mars 2018, mais seulement à un refus de délivrance d'une attestation de non-opposition à la conformité des travaux, ou à une procédure au titre de travaux irrégulièrement réalisés ; en outre, ce retrait n'est pas intervenu dans le délai légal.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2024, la commune de Vémars, représentée par Me Valette, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Valentine en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 17 juin 2024.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mornet,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Samandjeu, représentant la société Valentine.

Considérant ce qui suit :

1. La société Valentine a acquis le 31 mars 2017 un bien immobilier situé 10, rue François Mauriac, à Vémars, dans le Val-d'Oise, sur une parcelle de 653 mètres carrés. Le 16 octobre 2017, elle a déposé une demande de permis de construire en vue de la rénovation de la maison existante, de l'édification de nouveaux logements au sein de deux nouveaux pavillons et d'un commerce implanté sur rue. Cette demande a été complétée les 28 novembre 2017 et 9, 16 et 25 janvier 2018. Par un arrêté du 29 mars 2018, le maire de Vémars a délivré le permis sollicité. Par un arrêté du 6 avril 2020, le maire de Vémars a retiré ce permis de construire, estimant qu'il avait été obtenu par fraude. La société Valentine demande à la cour d'annuler le jugement du 2 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 10 du code de justice administrative : " Les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus. (...) ". Si la société requérante soutient que le jugement attaqué est dépourvu des mentions permettant de vérifier que la composition de la juridiction était la même lors de l'audience et lors du délibéré, ce jugement indique qu'il a été délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, puis il cite les noms des membres de la formation de jugement. Il en résulte que la composition de la juridiction lors du délibéré était identique à sa composition lors de l'audience.

3. D'autre part, les premiers juges n'étaient pas tenus, après avoir estimé que le permis de construire accordé le 29 mars 2018 à la société Valentine avait été obtenu par fraude, et que cette circonstance permettait le retrait de l'acte par l'autorité compétente, de se prononcer sur l'application des règles d'urbanisme au projet de la société pétitionnaire. Ils n'ont donc pas entaché le jugement attaqué d'omission à statuer.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire ". Et aux termes de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. ". En outre, un permis ne peut faire l'objet d'un retrait, une fois devenu définitif, qu'au vu d'éléments, dont l'administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l'existence d'une fraude à la date où il a été délivré. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.

6. Par ailleurs, aux termes de l'article UA2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Vémars : " Sont autorisées toutes les occupations et utilisations du sol autres que celles interdites à l'article 1. / Toutefois, sont autorisées sous condition les occupations et utilisations du sol ci-après : / - les opérations de constructions à caractère d'habitat comportant 4 logements ou plus devront comprendre au minimum 35 % de logements locatifs sociaux ; le nombre minimum de logements locatifs sociaux à réaliser est arrondi à l'entier supérieur. Cette règle est applicable à l'ensemble du projet mais également aux terrains ou lots résultant d'une division, y compris les lots issus d'un lotissement ou d'un permis de construire valant division (en propriété ou en jouissance) ".

7. Pour justifier le retrait du permis de construire qu'il avait accordé à la société Valentine par un arrêté du 29 mars 2018, le maire de la commune de Vémars a relevé que l'intéressée avait déclaré, lors de sa demande, l'existence sur le terrain d'une maison de cinq pièces comportant deux entrées séparées, et que les documents administratifs et fiscaux ne faisaient alors état que d'un seul logement au sein de la construction, tandis qu'il est ensuite apparu que cette dernière était composée de deux logements, circonstance connue de la société pétitionnaire à la date du dépôt de sa demande. Le maire de Vémars en a déduit l'existence d'une fraude commise par la société Valentine en vue de soustraire son projet, qui prévoyait l'édification de deux logements supplémentaires dans deux nouveaux pavillons, aux dispositions précitées de l'article UA2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Vémars. Il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande de permis de construire déposé le 16 octobre 2017 par l'intéressée, que celle-ci a décrit son projet comme consistant en la rénovation d'une maison existante de cinq pièces, et la construction de deux nouvelles maisons, comportant respectivement un logement individuel divisé en deux suites et un logement de deux pièces. La société Valentine a ensuite indiqué, dans le même formulaire, que trois logements étaient créés, soit, s'agissant de la répartition selon le nombre de pièces, un logement de deux pièces, un logement de quatre pièces et un logement de cinq pièces, cette dernière mention ne laissant pas de doute quant à son intention de ne déclarer qu'un seul logement au sein de la maison existante. La société pétitionnaire a par ailleurs précisé, dans la notice descriptive de son projet, que l'opération comprenait " 2 nouveaux logements et 1 logement rénové ", et aucun document produit au dossier de demande de permis de construire ne permettait de constater l'existence de deux logements au sein de la construction existante. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un acte de licitation daté du 4 juillet 1969 et de l'acte de vente du bien daté du 31 mars 2017, qui distinguent deux parties de la maison, composées respectivement de deux pièces et de trois pièces, parties non communicantes et ayant deux entrées séparées, que la construction existante comportait, au moins depuis 1969, deux logements, ce que la société Valentine ne conteste pas et qu'elle ne pouvait ignorer à la date de dépôt de sa demande de permis de construire. Si l'appelante fait valoir que les services instructeurs de la commune de Vémars avaient connaissance de l'existence de ces deux logements, le courriel de la secrétaire du maire du 4 février 2019, mentionnant ce point et dont elle se prévaut à cet égard, est en tout état de cause postérieur à la date de délivrance du permis de construire, alors en outre qu'avant cette dernière date, la déclaration d'intention d'aliéner relative à la vente du bien à la société Valentine n'indiquait pas la présence de deux logements, et que le relevé de propriété mis à jour en 2018 par les services fiscaux n'identifiait qu'un logement, contrairement à celui qui a été mis à jour en 2019 après régularisation par la société propriétaire. Dans ces conditions, le maire de Vémars n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que la société Valentine avait intentionnellement procédé à des déclarations mensongères quant au nombre de logements que comportait l'opération projetée, en vue de tromper l'administration sur la réalité de son projet, dans le but d'échapper à l'application de la règle d'urbanisme prévue par les dispositions précitées de l'article UA2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Le maire de Vémars pouvait dès lors légalement procéder à tout moment au retrait du permis de construire accordé à l'appelante par arrêté du 29 mars 2018, en application des dispositions citées au point 5 du présent arrêt.

8. En deuxième lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, le maire de Vémars n'était pas tenu, contrairement à ce que soutient la société requérante, de vérifier, avant de prendre l'arrêté de retrait litigieux, si le projet qu'elle a présenté respectait les dispositions de l'article UA2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. La société Valentine ne saurait donc utilement soutenir en l'espèce que lesdites dispositions ne sont pas méconnues par l'opération projetée.

9. En dernier lieu, comme l'ont à bon droit relevé les premiers juges, il résulte des dispositions de l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme, aux termes desquelles " À l'achèvement des travaux de construction ou d'aménagement, une déclaration attestant cet achèvement et la conformité des travaux au permis délivré ou à la déclaration préalable est adressée à la mairie (...) ", que la déclaration de conformité, qui donne lieu aux visites de recollement prévues par les articles L. 462-2 et R. 462-6 du même code, a pour seul objet de vérifier que les travaux ont été exécutés dans des conditions régulières au regard des prescriptions du permis de construire. La société Valentine n'est donc pas fondée à soutenir que le maire de Vémars aurait commis une erreur de droit en procédant au retrait du permis de construire obtenu par fraude et non à un refus de délivrance d'une déclaration de conformité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Valentine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Vémars du 6 avril 2020 portant retrait du permis de construire qui lui avait été accordé le 29 mars 2018.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vémars, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la société Valentine au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à la commune de Vémars sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Valentine est rejetée.

Article 2 : La société Valentine versera la somme de 1 500 euros à la commune de Vémars en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Valentine et à la commune de Vémars.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Aventino, première conseillère,

- M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2024.

La présidente rapporteure,

G. MornetL'assesseure la plus ancienne,

B. Aventino

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE00536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00536
Date de la décision : 11/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MORNET
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : AARPI JUNON AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-11;23ve00536 ?
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