Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Récup Pièces Automobile Mario a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération du 26 septembre 2019 par laquelle la commune d'Herblay-sur-Seine a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme.
Par un jugement n° 2002113 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2023, la société Récup Pièces Automobile Mario, représentée par Me Bousquet, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération du 26 septembre 2019, à titre principal, en tant qu'elle classe en zone Nf les parcelles sur lesquelles elle exerce ses activités ou, à titre subsidiaire, dans son intégralité, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;
3°) et de mettre à la charge de la commune d'Herblay-sur-Seine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement ne pouvait rejeter sa requête comme irrecevable dès lors qu'elle bénéficie d'un intérêt lui donnant qualité à agir suffisant et légitime puisqu'elle est titulaire d'un bail commercial sur les parcelles objet du classement approuvé par la délibération en litige et y exerce une activité régulière et licite ;
- la délibération attaquée méconnait l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du classement des parcelles cadastrées AN 493, 507, 509, 73, 74 en sous-secteur Nf ;
- elle est illégale dès lors qu'aucune déclaration d'utilité publique, ni aucun arrêté de cessibilité relatif à un projet de forêt n'est intervenu, qu'en tout état de cause, le périmètre du projet de forêt n'inclut pas sur les parcelles précitées et que le " porter à connaissance " des services de l'Etat est illégal.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2023, la commune d'Herblay-sur-Seine, représentée par Me Lherminier, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Récup Pièces Automobile Mario au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la société appelante ne dispose pas d'une qualité lui donnant intérêt à agir et, à titre subsidiaire, que les moyens de la société ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour la société Récup Pièces Automobile Mario, enregistré le 24 septembre 2024, n'a pas été communiqué.
Un courrier a été adressé le 3 septembre 2024 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par les derniers alinéas des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative.
Un avis d'audience a été adressé le 30 septembre 2024 aux parties portant clôture immédiate de l'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bousquet pour la société Récup Pièces Automobile Mario et de Me Baron pour la commune d'Herblay-sur-Seine.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de la commune d'Herblay-sur-Seine a, par une délibération du 8 octobre 2015, prescrit la révision de son plan local d'urbanisme et arrêté les modalités de la concertation. Le projet de plan local d'urbanisme a été arrêté par une délibération du 13 février 2019, avant d'être approuvé par une délibération du 26 septembre 2019. La société Récup Pièces Automobile Mario demande à la cour d'annuler le jugement n° 2002113 du 2 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération et de la décision de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté comme irrecevable la demande présentée par la société Récup Pièces Automobile Mario au motif que l'activité dont elle se prévaut, sur des parcelles au demeurant en partie occupées sans droit ni titre, était exercée en méconnaissance, d'une part, des dispositions d'urbanisme applicables en zone N en vertu de la version antérieure du plan local d'urbanisme, ainsi que, d'autre part, des dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement, et que dans ces conditions, l'intérêt dont se prévaut la société présente un caractère illicite et ne saurait lui permettre d'agir à l'encontre de la délibération approuvant la révision du plan local d'urbanisme et le maintien du zonage des parcelles en zone naturelle. Toutefois, il est constant qu'à la date à laquelle la société requérante a introduit sa requête, elle bénéficiait depuis le 1er octobre 2017 d'un bail commercial sur les parcelles dont elle conteste le zonage. En outre, à supposer même que son intérêt à agir soit subordonné à la régularité de son activité au regard de la règlementation applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), il est également constant que les services de l'Etat ont constaté dès 2016 la mise à l'arrêt des activités irrégulières de la société portant sur des véhicules hors d'usage soumis à la rubrique 2712 de la nomenclature ICPE et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des statuts de la société mis à jour le 13 octobre 2017, que les activités qu'elle exerce depuis lors soient soumises à cette règlementation au titre de la rubrique précitée ou d'une autre rubrique. Enfin, la circonstance que son activité commerciale soit prohibée sur les parcelles en cause par l'article 1er du règlement du plan local d'urbanisme qui détermine l'utilisation des sols interdite au sein de la zone naturelle n'est pas de nature à lui dénier un intérêt à agir légitime pour contester le classement de ces parcelles en sous-zone Nf par le plan local d'urbanisme révisé. Dès lors, la société appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt à agir. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 2 décembre 2022 est entaché d'irrégularité et doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Récup Pièces Automobile devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de la délibération du 26 septembre 2019 et de la décision de rejet du recours gracieux :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".
5. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexact.
6. D'une part, il ressort des documents composant le plan local d'urbanisme révisé de la commune d'Herblay-sur-Seine et notamment du projet d'aménagement et de développement durables que les auteurs de ce plan ont souhaité pour ce secteur prendre en compte et favoriser le projet de création de la forêt labellisée Grand Paris, lequel a fait l'objet d'un porter à connaissance par les services de l'Etat. Cette forêt est destinée à devenir un " maillon essentiel de la ceinture verte métropolitaine, positionnée entre la forêt de Montmorency et la forêt de Saint Germain ". Ce parti pris d'aménagement se traduit au sein de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) " tourisme, loisirs, paysages et patrimoine " qui prévoit notamment parmi les enjeux et orientation qui lui sont assignés, de " permettre la réalisation du projet de forêt labellisée Grand Paris (boisements, espaces ouverts et de lisières, chemin de grande randonnée, accès, parking, passages à faune...) " et au sein de l'OAP " trame verte et bleue " qui mentionne parmi deux des enjeux et orientations qui lui sont assignés, le projet de la plaine de Pierrelaye. Le premier enjeu consiste à " renforcer la trame verte du territoire " et doit être réalisé notamment en " rendant possible, ou contribuant à la réalisation de l'aménagement forestier de la Plaine de Pierrelaye ". Le second enjeu tend à parvenir à " créer une trame verte intégrant les déplacements et cheminements doux " et doit notamment tendre à " intégrer le GR de Pays et les chemins multi-randonnées du projet d'aménagement forestier de la Plaine de Pierrelaye ".
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées AN 493, 507, 509, 73, 74, d'une contenance totale de 6 000 m², qui étaient précédemment classées en zone naturelle par le plan local d'urbanisme approuvé en 2006, sont classées aux termes du plan local d'urbanisme révisé en sous zone Nf définie pour le projet de la future forêt labélisée Grand Paris. Si ces parcelles présentent des constructions irrégulièrement édifiées, bordent une route départementale et jouxtent une zone d'activité, elles sont situées à la frange de cette zone d'activité et dans l'emprise du projet d'aménagement forestier permettant de relier par un corridor deux vastes zones naturelles destinées à accueillir ce projet. Dès lors, en classant ces parcelles en sous zone Nf dans la perspective de restaurer leur vocation naturelle, la délibération en litige n'est pas contraire à l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme précité et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En second et dernier lieu, la circonstance qu'aucune déclaration d'utilité publique ni aucun arrêté de cessibilité relatif à un projet de forêt ne soit intervenu préalablement à la délibération en litige n'est pas de nature à entacher d'illégalité cette dernière alors, qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ressort des pièces dossier que le périmètre du projet de forêt inclut les parcelles précitées. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté ainsi que celui tiré de l'exception d'illégalité de l'acte par lequel les services de l'Etat ont porté à connaissance des auteurs de la révision du plan local d'urbanisme le projet de forêt sur le fondement de l'article L. 132-2 du code de l'urbanisme qui ne présente pas de caractère décisoire.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que les conclusions de la société Récup Pièces Automobile Mario tendant à l'annulation de la délibération du 26 septembre 2019 ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux contre cette délibération, doivent être rejetées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Herblay-sur-Seine qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Récup Pièces Automobile Mario demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Récup Pièces Automobile Mario une somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Herblay-sur-Seine sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2002113 du 2 décembre 2022 est annulé.
Article 2 : La demande de la société Récup Pièces Automobile Mario devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : La société Récup Pièces Automobile Mario versera une somme de 2 000 euros à la commune d'Herblay-sur-Seine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Récup Pièces Automobile Mario et à la commune d'Herblay-sur-Seine.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024
La rapporteure,
B. AventinoLe président,
B. Even
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23VE00042