Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel la préfète du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2203744 du 17 novembre 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Duplantier, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Loiret de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée par suite de l'insuffisante motivation de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle est entachée d'erreurs de fait et de droit ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'a pas été procédé par la préfète à un examen particulier et sérieux de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2024, la préfète du Loiret, représentée par Me Termeau, avocat, conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 30 novembre 1950, titulaire depuis 2013 de divers titres de séjour en qualité de travailleur temporaire puis de salarié, a sollicité le 18 mai 2022 son changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par la présente requête, M. B... fait appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 novembre 2023 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel la préfète du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".
3. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce même arrêté : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. / Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente. (...) ". Aux termes de l'article 6 dudit arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ". Aux termes enfin de l'article 7 de cet arrêté : " Pour l'établissement de l'avis, le collège de médecins peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant rempli le certificat médical. Le demandeur en est informé. (...) Le collège peut convoquer le demandeur. Dans ce cas, le demandeur peut être assisté d'un interprète et d'un médecin de son choix. (...) / Le collège peut faire procéder à des examens complémentaires. (...). ".
4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour pour soins sollicité par M. B..., la préfète du Loiret a estimé, au vu de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 10 mai 2022, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en République démocratique du Congo.
5. M. B... soutient que l'avis du collège des médecins de l'OFII est insuffisamment motivé dès lors que les médecins ne l'ont pas examiné, n'ont pas sollicité d'examens complémentaires, n'ont pas renseigné la durée des soins nécessaires et se sont bornés à cocher des cases sans observations complémentaires. D'une part toutefois, cet avis n'avait pas à mentionner la durée prévisible du traitement dès lors que le collège a estimé que M. B... pouvait effectivement bénéficier dans son pays d'origine de soins appropriés. D'autre part, il résulte des dispositions précitées des articles 4 et 7 de l'arrêté du 27 décembre 2016 que la convocation du demandeur ou les demandes d'examens complémentaires constituent une simple faculté du médecin instructeur ou du collège. Enfin, l'avis en cause comporte les mentions requises par les dispositions de l'article 6 de cet arrêté et n'avait pas à comporter, même si le requérant souhaite lever le secret médical dans le cadre de l'instance contentieuse, de précisions couvertes par le secret médical notamment s'agissant de la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Par suite, cet avis ainsi que l'arrêté pris sur son fondement sont suffisamment motivés et le moyen doit être écarté.
6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B..., retraité, est venu en France notamment pour se faire soigner d'une cataracte associée à un décollement de rétine pour lesquels il a subi une opération en 2016 et 2017, sans succès. Désormais atteint de cécité totale, d'une hypertension sévère et d'une déficience auditive, le requérant soutient que son traitement, composé d'Hydrochlorothiazide 25mg, de Nicardipine Chlorhydrate 50 mg et de Potassium Chlorure 600 mg, n'est pas disponible en République démocratique du Congo dès lors que seule l'Hydrochlorothiazide est mentionnée sur la liste des médicaments essentiels du pays. Ce seul document est toutefois insuffisant pour établir que ces médicaments, ou des molécules présentant un effet équivalent, ne seraient pas effectivement disponibles dans son pays d'origine. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Loiret a entaché sa décision d'une erreur de fait et méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis six ans à la date de l'arrêté attaqué et est hébergé chez l'une de ses filles, titulaire d'une carte de résident, laquelle subvient avec son mari à ses besoins et lui assure l'accompagnement quotidien indispensable à son état de santé. Le requérant allègue également de la présence en France de deux autres de ses enfants et fait valoir qu'il serait isolé en République démocratique du Congo, son épouse ayant quitté le foyer familial à la suite de son départ pour la France. Il ressort toutefois de la demande de titre de séjour de M. B... que celui-ci est père de cinq enfants, dont deux seulement résident en France de façon régulière. Or le requérant n'établit ni même n'allègue que ses trois autres enfants majeurs, notamment les deux plus jeunes, ne pourraient assurer sa prise en charge en République démocratique du Congo où l'intéressé a par ailleurs vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué porte au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté attaqué, que la préfète du Loiret n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. B....
10. Enfin, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Loiret.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE02846 2