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09/01/2025 | FRANCE | N°24VE01830

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, 09 janvier 2025, 24VE01830


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Eiffel Levallois Commerces a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération du 6 novembre 2023 de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) des Hauts-de-Seine en tant que, par cette délibération, la commission a décidé de ne pas modifier le coefficient de localisation applicable à la parcelle 0Q 316 de la commune de Levallois-Perret et, ainsi, de maintenir un coefficient de 1 pou

r cette parcelle.



Par un jugement n° 2402226 du 2 mai 2024, le tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Eiffel Levallois Commerces a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération du 6 novembre 2023 de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) des Hauts-de-Seine en tant que, par cette délibération, la commission a décidé de ne pas modifier le coefficient de localisation applicable à la parcelle 0Q 316 de la commune de Levallois-Perret et, ainsi, de maintenir un coefficient de 1 pour cette parcelle.

Par un jugement n° 2402226 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juillet 2024 et 17 septembre 2024, la SAS Eiffel Levallois Commerces, représentée par la société d'avocats Gury et Maitre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 6 novembre 2023 de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) des Hauts-de-Seine en tant que, par cette délibération, la commission a décidé de ne pas modifier le coefficient de localisation applicable à la parcelle 0Q 316 de la commune de Levallois-Perret et, ainsi, de maintenir un coefficient de 1 pour cette parcelle ;

3°) d'enjoindre à la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels des Hauts-de-Seine d'adopter un coefficient de 0,7 pour la parcelle en cause, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas été signé par le président de la formation de jugement, par l'assesseur le plus ancien et la greffière d'audience, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- en considérant ses conclusions à fin d'annulation comme irrecevables, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité ; la délibération litigieuse du 6 novembre 2023 constitue bien une décision de ne pas modifier le coefficient de localisation affecté à la parcelle 0Q 316 de la commune de Levallois-Perret ; l'abstention d'une autorité à modifier l'ordonnancement juridique révèle une décision susceptible d'être contestée par un recours en excès de pouvoir ; en l'espèce, l'abstention de la commission départementale des valeurs locatives de modifier ce coefficient de localisation constitue une décision susceptible de recours ;

- l'interprétation faite par les premiers juges des dispositions du II de l'article 1518 ter du code général des impôts porte atteinte de manière disproportionnée à son droit au recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; le Conseil d'État n'a écarté, dans sa décision du 27 mars 2019, l'atteinte au droit au recours qu'à la double condition de pouvoir contester les mises à jour des valeurs locatives et les refus de modifier les paramètres ; or, l'interprétation retenue par les premiers juges empêche les contribuables de contester les coefficients de localisation, notamment s'ils sont des nouveaux contribuables sur la parcelle, si la commission départementale des valeurs locatives ne modifie pas ce coefficient entre les deux révisions sexennales ; l'abstention de modifier le coefficient de localisation doit nécessairement constituer une décision susceptible de recours ;

- à titre subsidiaire, elle entend déposer une question prioritaire de constitutionnalité à l'encontre des dispositions du II de l'article 1518 ter du code général des impôts ;

- la parcelle en litige correspond au centre commercial So Ouest situé à Levallois-Perret, qui est beaucoup moins attractif que les deux autres centres commerciaux, situés à Boulogne-Billancourt et à la Défense, qui ont pourtant un coefficient de localisation similaire ; les loyers de son centre commercial sont d'ailleurs bien moindres que ceux réclamés pour des locaux similaires à la Défense ; le centre commercial de la Défense est le centre commercial le plus fréquenté de France et est beaucoup mieux desservi par les transports en commun ; la situation de sa parcelle justifierait l'application d'un coefficient de 0,7, en lieu et place de celui de 1 retenu par la commission départementale qui a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions à fin d'annulation de la société requérante ne sont pas irrecevables, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, dès lors que la commission départementale des valeurs locatives s'étant réunie, elle a porté une appréciation sur le coefficient de localisation affecté à la parcelle litigieuse, à la date de sa décision et a décidé de laisser ce coefficient inchangé ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct enregistré le 17 septembre 2024, la SAS Eiffel Levallois Commerces demande, à titre subsidiaire, à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article 1518 ter du code général des impôts telles qu'interprétées par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Elle soutient que :

- ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le droit au recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et n'ont jamais été déclarées conformes à la Constitution ;

- en cas d'abstention de la commission départementale des valeurs locatives de modifier le coefficient de localisation d'une parcelle entre deux révisions sexennales, un contribuable ne pourrait pas, selon l'interprétation du II de l'article 1518 ter du code général des impôts retenue par les premiers juges, contester le coefficient appliqué avant la prochaine mise à jour obligatoire de ce coefficient, qui n'a lieu que tous les six ans ;

- les nouveaux contribuables sur la parcelle se trouvent privés, sauf changement de circonstances, de leur droit au recours contre ce coefficient ;

- la décision du Conseil d'État du 27 mars 2019 concernait des paramètres de détermination des valeurs locatives qui sont mises à jour annuellement ; l'atteinte au droit au recours était donc appréciée différemment.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies dès lors que, d'une part, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'abstention de la commission départementale des valeurs locatives à modifier le coefficient de localisation constitue bien une décision susceptible de recours et, d'autre part, que la question est dépourvue de caractère sérieux, notamment au regard de la décision du Conseil d'État du 27 mars 2019 rendue au sujet de la délimitation des secteurs et de la fixation des tarifs en vue de déterminer les valeurs locatives des locaux professionnels.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 et son Préambule ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Liogier,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me Gury, représentant la SAS Eiffel Levallois Commerces.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 novembre 2023, la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels des Hauts-de-Seine s'est réunie dans le cadre des dispositions du II de l'article 1518 ter du code général des impôts, sans toutefois modifier le coefficient de localisation affecté à la parcelle 0Q 316 de la commune de Levallois-Perret. La SAS Eiffel Levallois Commerces fait appel du jugement du 2 mai 2024 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 6 novembre 2023, publiée le 11 décembre suivant, de cette commission en tant qu'elle n'a pas modifié le coefficient de localisation de cette parcelle et maintenu un coefficient de 1.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, l'assesseur le plus ancien et la greffière d'audience, conformément aux prescriptions des articles précités du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte aucune signature est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué n'est pas signée ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 1498 du code général des impôts " (...) II. - A. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2013, sous réserve de la mise à jour prévue au III de l'article 1518 ter. / Elle est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au 2 du B du présent II à la surface pondérée du local définie au C du présent II (...) / B. - 1. Il est constitué, dans chaque département, un ou plusieurs secteurs d'évaluation qui regroupent les communes ou sections cadastrales de communes qui, dans le département, présentent un marché locatif homogène (...) /2. Les tarifs par mètre carré sont déterminés sur la base des loyers moyens constatés dans chaque secteur d'évaluation par catégorie de propriétés (...) / Les tarifs par mètre carré peuvent être majorés de 1,1,1,15,1,2 ou 1,3 ou minorés de 0,7,0,8,0,85 ou 0,9, par application d'un coefficient de localisation destiné à tenir compte de la situation particulière de la parcelle d'assise de la propriété au sein du secteur d'évaluation ". En outre, aux termes de l'article 1518 ter du même code : " (...) II. - Au cours des troisième et cinquième années qui suivent celle du renouvellement général des conseils municipaux, la commission départementale des valeurs locatives mentionnée à l'article 1650 B peut se réunir afin de modifier l'application des coefficients de localisation mentionnés au 2 du B du II de l'article 1498 après avis des commissions communales ou intercommunales des impôts directs respectivement mentionnées aux articles 1650 et 1650 A. Les décisions de la commission sont publiées et notifiées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et sont transmises à l'administration fiscale avant le 31 décembre de l'année précédant celle de leur prise en compte pour l'établissement des bases. III. - A.-L'année qui suit le renouvellement général des conseils municipaux, il est procédé à une actualisation consistant, dans les conditions prévues à l'article 1504, en la délimitation des secteurs d'évaluation mentionnés au 1 du B du II de l'article 1498, en la fixation des tarifs déterminés conformément au 2 du même B et en la définition des parcelles auxquelles s'applique un coefficient de localisation mentionné au même 2. / Les résultats de cette actualisation sont pris en compte pour l'établissement des bases d'imposition de l'année suivante. (...) ". Il résulte de ces dispositions, qu'à la différence de la révision sexennale prévue au III de l'article 1518 ter, la modification des coefficients de localisation par la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, entre deux révisions sexennales, est simplement facultative. Par suite, l'abstention de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels de faire usage de la faculté que lui offre le II de l'article 1518 ter du code général des impôts de réviser périodiquement, selon la procédure qui y est décrite, tout ou partie des coefficients de localisation, n'est pas de nature à révéler l'existence d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir. En revanche, il est loisible aux contribuables, s'ils estiment que les décisions fixant les coefficients de localisation, qui ne sont pas réglementaires et ne créent pas de droits, sont devenues illégales en raison de changements dans des circonstances de droit ou de fait postérieurs à leur édiction, après avoir vainement saisi l'autorité compétente, de former un recours devant le juge de l'excès de pouvoir tendant à l'annulation du refus qui leur aurait été opposé de modifier ces décisions, en joignant à leur recours, le cas échéant, des conclusions à fin d'injonction.

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion du 6 novembre 2023, que la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels des Hauts-de-Seine a constaté n'avoir été saisie d'aucune demande de modification des coefficients de localisation du département et, ne souhaitant pas procéder à une telle modification de sa propre initiative, a fini par clôturer les travaux de révision des coefficients de localisation du département, sans examiner ni modifier aucun de ces coefficients, et notamment pas le coefficient de 1 appliqué à la parcelle 0Q 316 de la commune de Levallois-Perret. A l'issue de sa délibération, la commission n'a ainsi pas entendu user de la faculté, prévue au II de l'article 1518 ter du code général des impôts, de modifier le coefficient de localisation applicable à cette parcelle. Le " bordereau d'accompagnement ", publié le 11 décembre 2023 par la direction départementale des finances publiques compétente au recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine pour informer des modifications apportées aux paramètres de détermination des valeurs locatives des locaux professionnels, précise à cet égard que la commission " n'a pas modifié les coefficients de localisation lors de sa réunion " et qu'aucune " liste des parcelles affectées d'une modification de coefficients de localisation n'est donc publiée en 2023 ". Le coefficient précédemment fixé pour cette parcelle, devenu définitif, a donc continué de s'appliquer. Il en résulte qu'aucune décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir n'a ainsi été prise le 6 novembre 2023 et les conclusions à fin d'annulation de la délibération litigieuse, en tant qu'elle n'a pas modifié le coefficient appliqué à la parcelle 0Q 316 de la commune de Levallois-Perret sont irrecevables, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges. Si la société requérante fait valoir que cette irrecevabilité la prive de son droit au recours à l'encontre du coefficient de localisation attaché à la parcelle sur laquelle les biens qu'elle possède sont situés, celle-ci conserve toutefois le droit d'introduire devant le juge administratif, dans le délai de recours contentieux, un recours pour excès de pouvoir contre les décisions portant définition de la parcelle sur laquelle un coefficient de localisation s'applique et fixation du taux de ce coefficient, décisions qui interviennent de manière obligatoire tous les six ans. Il lui est également loisible, ainsi qu'il a été dit au point précédent, si elle estime que les décisions en cause, qui ne sont pas réglementaires et ne créent pas de droits, sont devenues illégales en raison de changements dans des circonstances de droit ou de fait postérieurs à leur édiction, après avoir vainement saisi l'autorité compétente, de former un recours devant le juge de l'excès de pouvoir tendant à l'annulation du refus qui lui aurait été opposé de modifier ces décisions, en joignant à son recours, le cas échéant, des conclusions à fin d'injonction, ce que la société requérante ne conteste pas ne pas avoir fait, en l'espèce.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité présentée à titre subsidiaire :

7. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la juridiction saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

8. Pour demander, par un mémoire distinct, que soit transmise au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article 1518 ter du code général des impôts, la SAS Eiffel Levallois Commerces soutient que ces dispositions, telles qu'interprétées par les premiers juges, confirmés par le présent arrêt, méconnaissent le droit au recours effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles privent, dans le cas où la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels compétente s'abstiendrait de modifier un coefficient de localisation appliqué à une parcelle, de tout recours à l'encontre de celui-ci entre deux révisions sexennales.

9. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Il résulte de ces dispositions qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

10. Les dispositions de l'article 1504 du code général des impôts prévoient les modalités selon lesquelles les commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels, les commissions communales ou intercommunales des impôts directs et, le cas échéant, le représentant de l'État dans le département arrêtent, sur la base des avant-projets élaborés par l'administration fiscale, la délimitation des secteurs d'évaluation, les tarifs par mètre carré par catégorie de propriétés et la définition des parcelles auxquelles s'applique le coefficient de localisation.

11. Les dispositions de l'article L. 201 D du livre des procédures fiscales prévoient que le tribunal administratif dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer sur les recours pour excès de pouvoir contre les décisions prises conformément à l'article 1504 et que, si le tribunal n'a pas statué à l'issue de ce délai, l'affaire est transmise à la cour administrative d'appel territorialement compétente. L'article 1518 F du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige, prévoit, quant à lui, que ces décisions, délimitant les secteurs d'évaluation, fixant les grilles tarifaires et les coefficients de localisation, ne peuvent être contestées par la voie de l'exception à l'occasion d'un litige relatif à la valeur locative d'une propriété bâtie.

12. Il résulte, enfin, des dispositions du III de l'article 1518 ter du code général des impôts, que, l'année qui suit le renouvellement général des conseils municipaux, soit tous les six ans, l'ensemble des paramètres d'évaluation des valeurs locatives des locaux professionnels sont actualisés, de manière obligatoire. Cette actualisation consiste en une délimitation des secteurs d'évaluation, en la fixation des tarifs applicables à chaque catégorie de local et en la définition des parcelles auxquelles s'applique un coefficient de localisation.

13. En adoptant les dispositions des articles L. 201 D du livre des procédures fiscales et 1518 F du code général des impôts, le législateur a entendu aménager le régime des recours contentieux susceptibles de remettre en cause les décisions relatives à la détermination des valeurs locatives des locaux professionnels, effectuée, pour partie, à partir des coefficients de localisation affectés à chaque parcelle, en privilégiant les recours directement formés contre ces décisions, devant être jugés dans de brefs délais, et en faisant obstacle à ce que leur légalité puisse être contestée à l'occasion de litiges relatifs à la valeur locative d'une propriété, afin de limiter les risques d'insécurité juridique susceptibles de résulter de la remise en cause de la stabilité des bases sur lesquelles sont fondées de très nombreuses impositions.

14. Ainsi que l'indiquent expressément les dispositions précédemment mentionnées de l'article L. 201 D du livre des procédures fiscales, qui impartissent au tribunal administratif un bref délai pour statuer, et ainsi qu'il a été dit au point 5, les dispositions contestées ne privent pas les administrés du droit d'introduire devant le juge administratif, dans le délai de recours contentieux, un recours pour excès de pouvoir contre les décisions fixant les coefficients de localisation. Il est également loisible à ces administrés de former un recours devant le juge de l'excès de pouvoir tendant à l'annulation du refus qui aurait été opposé à leur demande de modifier ces décisions en cas de changements dans des circonstances de droit ou de fait postérieurs.

15. Dans ces conditions, les dispositions du II de l'article 1518 ter du code général des impôts, telles qu'interprétées par le présent arrêt, ne peuvent être regardées comme portant une atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. La question prioritaire de constitutionnalité invoquée à l'encontre de ces dispositions ne présente ainsi pas un caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de la transmettre au Conseil d'État.

16. Il résulte de ce qui précède que la SAS Eiffel Levallois Commerces n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SAS Eiffel Levallois Commerces.

Article 2 : La requête de la SAS Eiffel Levallois Commerces est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Eiffel Levallois Commerces et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente,

M. de Miguel, premier conseiller,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

La rapporteure,

C. LiogierLa présidente,

L. Besson-Ledey

La greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 24VE01830 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE01830
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Questions communes - Valeur locative des biens.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Exception d'illégalité - Irrecevabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Claire LIOGIER
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : SARL GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24ve01830 ?
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