Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Levallois-Perret a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé à son encontre la carence définie par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation au titre de la période triennale 2017-2019 et de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2102903 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 mai 2023, la commune de Levallois-Perret, représentée par Me Bodin, avocat, demande à la cour :
1°) d'infirmer ce jugement en toutes ses dispositions ;
2°) d'annuler l'arrêté DRIHL/SHRU n° 2020-79 du 21 décembre 2020 du préfet des Hauts-de-Seine ;
3°) et de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Levallois-Perret soutient que :
- la minute du jugement n'a pas été signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- il est entaché de plusieurs vices de procédure ; d'une part, la commune n'a reçu notification du compte-rendu de la commission départementale chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation des logements sociaux que postérieurement à l'arrêté de carence et de ce fait aucun examen précis de la situation de la commune n'a été effectué ; d'autre part, le comité régional de l'habitat et de l'hébergement a émis son avis sans que la commune ait été préalablement mise à même de présenter des observations, en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, ainsi que des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; enfin, la commission nationale prévue au II de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation a émis un avis dans des conditions irrégulières, dès lors que la maire de la commune de Levallois-Perret n'a pas été entendue préalablement, que cet avis n'a pas été rendu public, et qu'il est donc impossible de s'assurer qu'il est suffisamment motivé ;
- il méconnaît le principe d'impartialité, dès lors que la procédure de sanction instaurée par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation confère à une seule et même autorité le pouvoir d'instruire et de sanctionner une commune, en méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des dispositions de l'article L. 100-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur d'appréciation, eu égard au degré d'engagement de la commune pour atteindre ses objectifs et aux difficultés qu'elle a rencontrées ;
- le prononcé de la sanction est entaché d'une erreur d'appréciation ; le taux de majoration du prélèvement opéré sur les ressources fiscales de la commune, fixé à 150%, soit un coefficient multiplicateur de 2,5, est disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, le ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 octobre 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bodin pour la commune de Levallois-Perret.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté n° 2020-79 du 21 décembre 2020, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, prononcé la carence de la commune de Levallois-Perret au titre de la période triennale 2017-2019, et fixé à 150% le taux de majoration appliqué sur le montant du prélèvement prévu par les dispositions de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, à compter du 1er janvier 2021 et pour une durée de trois ans, soit un coefficient multiplicateur de 2,5. La commune de Levallois-Perret demande à la cour d'annuler le jugement n° 2102903 du 7 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que la greffière d'audience, conformément aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement manque en fait et doit être écarté.
4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la commune requérante ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur de droit qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 décembre 2020 :
5. Aux termes de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France (...) qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales ". Aux termes de l'article L. 302-7 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " A compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5 (...) ". Dans sa rédaction applicable à la période triennale 2017-2019 en litige, le I de l'article L. 302-8 du même code prévoit que, pour atteindre, dans les communes d'Ile-de-France de plus de 1 500 habitants, un nombre de logements locatifs sociaux au moins égal à 25 % du nombre de résidences principales, au plus tard à la fin de l'année 2025, " le représentant de l'Etat dans le département notifie à la commune un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale " et le II du même article indique que " l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux défini au I précise la typologie des logements à financer (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 302-9-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, dans les communes soumises aux obligations définies aux I et II de l'article L. 302-5, au terme de la période triennale échue, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du I de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint ou lorsque la typologie de financement définie au III du même article L. 302-8 n'a pas été respectée, le représentant de l'Etat dans le département informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. / En tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement et, le cas échéant, après avis de la commission mentionnée aux II et III de l'article L. 302-9-1-1, prononcer la carence de la commune. Cet arrêté prévoit, pendant toute sa durée d'application, le transfert à l'Etat des droits de réservation mentionnés à l'article L. 441-1, dont dispose la commune sur des logements sociaux existants ou à livrer, et la suspension ou modification des conventions de réservation passées par elle avec les bailleurs gestionnaires, ainsi que l'obligation pour la commune de communiquer au représentant de l'Etat dans le département la liste des bailleurs et des logements concernés. Cet arrêté peut aussi prévoir les secteurs dans lesquels le représentant de l'Etat dans le département est compétent pour délivrer les autorisations d'utilisation et d'occupation du sol pour des catégories de constructions ou d'aménagements à usage de logements listées dans l'arrêté. Par le même arrêté et en fonction des mêmes critères, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice. Ce plafond est porté à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant sur l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 au 1er janvier de l'année précédente. / Les dépenses déductibles mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 302-7 qui n'ont pas été déduites du prélèvement viennent en déduction de la majoration du prélèvement. / La majoration du prélèvement est versée au fonds national mentionné à l'article L. 435-1. / L'arrêté du représentant de l'Etat dans le département peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une commune n'a pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis prévus au I de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, d'apprécier si, compte tenu de l'écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l'affirmative, s'il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel prévu à l'article L. 302-7 du même code, en fixant alors le montant dans la limite des plafonds fixés par l'article L. 302-9-1.
En ce qui concerne la légalité externe :
7. En premier lieu, l'arrêté en litige vise en particulier les articles L. 302-5 à L. 302-9-1 et R. 302-14 à R. 302-26 du code de la construction et de l'habitation ainsi que les principaux éléments de la procédure mise en œuvre. Le préfet des Hauts-de-Seine a également rappelé que l'objectif de réalisation de logements sociaux de la commune de Levallois-Perret était de 540 logements pour la période triennale 2017-2019 et que le nombre d'agréments ou de conventionnements de logements sociaux de la commune pour la même période devait comporter 30% au plus de l'objectif de réalisations en prêt locatif social (PLS) et 30% au moins de ce même objectif en prêt locatif aidé d'insertion (PLAI). Il a en outre indiqué que le bilan triennal 2017-2019 faisait état, d'une part, de la réalisation globale de 50 logements sociaux, soit un taux de réalisation de 9%, d'autre part de la réalisation de 8 % de logements en PLS et de 32% de logements en PLAI ou assimilés. Le préfet a également souligné que les éléments avancés par le maire de Levallois-Perret, présentant ses observations sur le non-respect de l'objectif triennal, ne suffisaient pas à justifier du non-respect de ses obligations par la commune. Il a précisé de manière spécifique que le foncier disponible sur le territoire de la commune de Levallois-Perret, sa cherté ou l'activité contentieuse ne sont pas plus pénalisants qu'en ce qui concerne d'autres communes des Hauts-de-Seine. Le préfet a relevé que la commune de Levallois-Perret n'avait pas mis en œuvre l'ensemble des moyens à sa disposition pour favoriser la production de logements sociaux, à savoir le renforcement des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme en la matière, la contractualisation d'un secteur de veille foncière élargi à l'ensemble du territoire communal, ou l'étude du " conventionnement à l'APL de 34 appartements, 1 pavillon et 14 immeubles contenant un total de 111 logements vendus en 2019 par la commune ". Ainsi, et alors qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'arrêté en litige aurait dû rappeler le sens de l'avis rendu respectivement par la commission régionale de l'habitat et de l'hébergement et par la commission nationale prévue au II de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêté attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable : " I. - Pour les communes n'ayant pas respecté la totalité de leur objectif triennal, le représentant de l'Etat dans le département réunit une commission chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux. Cette commission, présidée par le représentant de l'Etat dans le département, est composée du maire de la commune concernée, (...) des représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de la commune et des représentants des associations et organisations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, œuvrant dans le département. Cette commission est chargée d'examiner les difficultés rencontrées par la commune l'ayant empêchée de remplir la totalité de ses objectifs, d'analyser les possibilités et les projets de réalisation de logements sociaux sur le territoire de la commune et de définir des solutions permettant d'atteindre ces objectifs. / Si la commission parvient à déterminer des possibilités de réalisation de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé sur le territoire de la commune, elle peut recommander l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de réalisations de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue. Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle saisit, avec l'accord du maire concerné, une commission nationale placée auprès du ministre chargé du logement. / II. - La commission nationale (...) entend le maire de la commune concernée ainsi que le représentant de l'Etat du département dans lequel la commune est située. / Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle peut recommander au ministre chargé du logement un aménagement des obligations prévues à l'article L. 302-8. / Si la commission parvient à déterminer des possibilités de réalisation de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé, elle recommande l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de réalisations de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue et la mise en œuvre de l'article L. 302-9-1. / Les avis de la commission sont motivés et rendus publics. / III. - Préalablement à la signature par les représentants de l'Etat dans les départements des arrêtés de carence dans les conditions définies à l'article L. 302-9-1, dans le cadre de la procédure de bilan triennal, la commission nationale peut se faire communiquer tous les documents utiles et solliciter les avis qu'elle juge nécessaires à son appréciation de la pertinence d'un projet d'arrêté de carence, de l'absence de projet d'arrêté de carence et de la bonne prise en compte des orientations nationales définies par le ministre chargé du logement. Elle peut, dans ce cadre, de sa propre initiative ou sur saisine du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, émettre des avis et des recommandations aux représentants de l'Etat dans les départements. Elle transmet ses avis au ministre chargé du logement. / (...) ". Aux termes de l'article R. 302-26 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) III. - La saisine de la commission au titre du dernier alinéa du I de l'article L. 302-9-1-1 intervient avant le 31 décembre de l'année suivant chaque période triennale définie au VII de l'article L. 302-8. Elle statue avant le 31 mars de l'année suivante. / Les avis motivés de la commission sont transmis au ministre, qui assure leur publicité. Si l'avis comporte des recommandations en matière de construction de logements locatifs sociaux, prévues aux quatrième ou cinquième alinéas du II de l'article L. 302-9-1-1, l'avis est également transmis au préfet du département, qui le notifie au maire de la commune concernée et, le cas échéant, au président de l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre (...). ".
9. La commune soutient que le compte-rendu de la commission départementale mentionnée au I de l'article L. 302-9-1-1 précité, qui s'est réunie le 26 octobre 2020, ne lui a pas été adressé et qu'il n'a pas davantage été porté à la connaissance du préfet des Hauts-de-Seine avant que l'arrêté en litige ne soit pris. Elle soutient également que la situation de la commune n'a pas fait l'objet d'un examen précis. Il ne résulte toutefois ni des textes précités ni d'aucun autre texte législatif ou réglementaire, ni d'aucun principe, que la commune de Levallois-Perret et le préfet des Hauts-de-Seine auraient dû se voir adresser le compte-rendu de la commission départementale, préalablement à l'édiction de l'arrêté du 21 décembre 2020 prononçant la carence de la commune. En outre, il résulte de l'instruction que, contrairement aux allégations de la commune, la situation de cette dernière a fait l'objet d'un examen précis de la part du préfet des Hauts-de-Seine, notamment durant la réunion du 26 octobre 2020. Il ressort en particulier du compte-rendu de cette réunion, signé par le préfet lui-même, que la commission départementale s'est réunie en présence notamment du préfet des Hauts-de-Seine et de la maire de la commune de Levallois-Perret, et que cette dernière a pu, à cette occasion, présenter de multiples observations concernant la situation de sa commune et expliquer les difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs en matière de réalisation de logements sociaux. Le préfet des Hauts-de-Seine a, durant cette même réunion, expressément pris en considération la densité du territoire de la commune et les grandes opérations d'aménagement qui avaient été déjà réalisées, tout en relevant que l'objectif quantitatif de réalisation de 540 logements n'avait pas été atteint. La possibilité de mobiliser d'autres " outils réglementaires " pour faciliter la réalisation de logements sociaux a également été abordée lors de ces échanges, et la commission a finalement conclu qu'il n'était pas nécessaire de saisir la commission nationale mentionnée au II de l'article L. 302-9-1 précité, ni de réaliser un échéancier de rattrapage.
10. En troisième lieu, d'une part, il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation que la commission nationale placée auprès du ministre en charge du logement peut être saisie par la commission départementale mentionnée au I du même article, avec l'accord du maire concerné, dans l'unique hypothèse où cette commission départementale parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale. Dans ce cas, les dispositions précitées de l'article R. 312-26 du code de la construction et de l'habitation imposent la motivation de l'avis rendu par la commission, qui, s'il comporte des recommandations en matière de construction de logements locatifs sociaux, doit alors notamment être notifié au maire de la commune concernée. D'autre part, il résulte du III de l'article L. 302-9-1-1 du même code que la commission nationale peut également, de sa propre initiative, émettre, à l'intention du préfet, un avis sur la pertinence de projets d'arrêté de carence, ou au contraire de l'absence de projet d'arrêté de carence, sans qu'il soit nécessaire pour elle, dans ce cas, de procéder à une quelconque audition du maire de la commune concernée, ni de notifier son avis à la commune en cause.
11. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la commission départementale mentionnée au I de l'article L. 302-9-1-1 précité s'est réunie le 26 octobre 2020 et a décidé que l'avis de la commission nationale n'était pas nécessaire. Puis, de sa propre initiative, la commission nationale a rendu un avis le 17 novembre 2020, sur le fondement du III de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation. Eu égard à ces dispositions, sur le fondement desquelles la commission nationale s'est réunie, celle-ci n'était pas tenue d'entendre la maire de la commune de Levallois-Perret avant d'émettre son avis, ni de notifier ledit avis à la commune concernée ou d'en assurer la publicité, comme cela est prévu seulement en application des dispositions du II de ce même article L. 302-9-1-1. En outre, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que l'avis de la commission nationale du 17 novembre 2020 comporte une motivation précise et détaillée, explicitant sur plusieurs pages l'ensemble de ses constats pour la région Ile-de-France, et des recommandations qu'elle formule, en particulier s'agissant de la commune de Levallois-Perret.
12. En quatrième lieu, d'une part, aucune disposition légale ou règlementaire n'impose au comité régional de l'habitat d'entendre les observations du maire avant que soit émis l'avis prévu à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation sur la procédure de constat de carence engagée à l'encontre d'une commune. De même, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose la communication à la commune concernée de l'avis rendu par le comité régional de l'habitat avant que l'arrêté de carence soit édicté.
13. D'autre part, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, imposant le respect d'une procédure préalable obligatoire pour certaines catégories de décisions, sont inapplicables en l'espèce, dès lors que les dispositions précitées de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation ont instauré une procédure contradictoire particulière. La commune de Levallois-Perret ne saurait ainsi utilement se prévaloir de la méconnaissance de cet article.
14. Enfin, en tout état de cause, il résulte de l'instruction que, par des courriers du 29 avril 2020 et du 21 juillet 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a informé la commune de Levallois-Perret de son intention d'engager à son encontre la procédure de constat de carence, en lui précisant les faits motivant l'engagement de cette procédure et en l'invitant à présenter, dans le délai de deux mois, ses observations. La commune a adressé au préfet un courrier en date du 28 septembre 2020 présentant ses observations en réponse, concernant le non-respect de l'objectif triennal 2017-2019, auquel le préfet a répondu par de multiples éléments dans un courrier du 15 octobre 2020. La maire de la commune de Levallois-Perret a également eu l'occasion, à nouveau, de présenter ses observations au préfet des Hauts-de-Seine, cette fois oralement et directement, durant la commission départementale du 26 octobre 2020, assurant ainsi un échange contradictoire nourri sur plusieurs mois, en préalable à l'édiction de l'arrêté de carence en litige.
15. Il résulte des motifs retenus aux points 12 à 14 ci-dessus que le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire préalable à l'édiction de l'arrêté attaqué doit être écarté.
16. En cinquième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article L. 100-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration agit dans l'intérêt général et respecte le principe de légalité. Elle est tenue à l'obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité. Elle se conforme au principe d'égalité et garantit à chacun un traitement impartial. ". La majoration du prélèvement obligatoire prévue par les dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation présente le caractère d'une sanction. Toutefois, d'une part, l'autorité préfectorale investie de ce pouvoir de sanction ne peut, eu égard à sa nature et sa composition, être regardée comme un tribunal au sens des stipulations précitées. D'autre part, les exigences d'impartialité énoncées à l'article L.100-2 du code des relations entre le public et l'administration n'impliquent nullement, par elles-mêmes, l'obligation de séparer organiquement les fonctions d'instruction et de sanction dont certains services administratifs peuvent être chargés, mais imposent seulement que ces services et leurs agents ne se détournent pas de leurs missions d'intérêt général. Par suite, la commune ne saurait utilement soutenir que la désignation du préfet comme autorité administrative compétente pour prononcer la sanction mentionnée par L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation serait de nature à porter atteinte au principe d'impartialité, au motif que les services de la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement, placés directement sous son autorité, sont également chargés d'instruire et de constater la situation de carence, de déterminer le nombre de logements sociaux décomptés et de définir les objectifs quantitatifs et qualitatifs de rattrapage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
17. Lorsqu'une commune demande l'annulation d'un arrêté préfectoral prononçant sa carence et lui infligeant un prélèvement majoré en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d'une erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce et, dans la négative, d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d'en réformer, le cas échéant, le montant.
18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le nombre de logements locatifs sociaux réalisés sur le territoire de la commune de Levallois-Perret au titre du bilan triennal 2017-2019 est de 50, alors que l'objectif de réalisation était de 540, ce qui représente un taux de réalisation de 9 %, particulièrement faible.
19. La commune de Levallois-Perret admet dans ses écritures que le taux de réalisation global du nombre total de logements sociaux est décevant mais que l'objectif qualitatif a été dépassé s'agissant des logements financés en PLAI. Elle fait valoir qu'elle a fourni d'importants efforts en matière de réalisation de logements sociaux depuis plusieurs années, notamment entre 2001 et 2019, période durant laquelle 1 510 logements sociaux ont été livrés, et que sa politique volontariste a permis de faire passer la part de logements sociaux par rapport aux résidences principales de 17,28% en 2010, soit 5 255 logements sociaux, à 19,56% en 2016, soit 6 047 logements sociaux, et même 20,06% en 2019 soit 6 293 logements sociaux. La commune rappelle qu'elle a réalisé, durant les quatre premières périodes triennales, de 2001 à 2013, un taux de réalisation de ses objectifs compris entre 321% et 454%. La commune requérante fait également valoir qu'elle a engagé plus de 91 millions d'euros sur la période 2002 à 2019 dans le cadre de sa politique d'intervention et de maîtrise foncière. Toutefois, il résulte de l'instruction que les efforts, significatifs, réalisés par la commune au cours des précédentes périodes triennales n'ont pas eu la même ampleur au cours des périodes triennales 2014-2016 et 2017-2019, pour lesquelles la carence de la commune a été prononcée deux fois successivement. De même, la circonstance que la commune a entendu réaliser sur son territoire des logements de plus grande taille, familiaux, est sans incidence sur la détermination du taux de réalisation de logements sociaux, calculé par rapport au nombre de résidences principales situées sur le territoire de la commune.
20. Si la commune fait valoir la réception à venir de 786 logements sociaux supplémentaires, n'ayant pas encore fait l'objet d'un agrément, elle n'établit pas ni même n'allègue que ces opérations pourraient être décomptées au titre de la période triennale 2017-2019. De même, s'il résulte de l'instruction que la commune a tenté de conventionner un ensemble de 413 logements existants appartenant à la société IN'LI, ces négociations, postérieures à la période triennale en cause, ne paraissent en tout état de cause pas avoir permis la création de nouveaux logements sociaux.
21. La commune de Levallois-Perret fait en outre mention de ce que, en dépit de ses efforts significatifs, elle a rencontré des difficultés l'empêchant d'atteindre ses objectifs. Elle fait notamment état de la particulière densité de son territoire en population et en logements. Elle souligne que les disponibilités foncières se sont raréfiées sur son territoire, que deux opérations de réalisation de 60 logements sociaux sont suspendues depuis quinze ans en raison de recours contentieux, que la préfecture a également formé un recours contentieux contre un " projet d'optimisation de la gestion du logement social levalloisien " entre les mains d'un seul opérateur, la société d'économie mixte (SEM) Levallois-Habitat, et que le refus du préfet de délivrer un agrément à cette dernière a empêché la réalisation de 250 logements. Toutefois, ces contraintes ne permettent pas d'expliquer le niveau de réalisation de logements sociaux sur son territoire, quantitativement le plus bas du département des Hauts-de-Seine. En particulier, il est constant que la commune n'a pas mobilisé l'ensemble des outils permettant d'accélérer la production de logements sociaux, notamment par le renouvellement urbain, par l'engagement d'une nouvelle modification de son plan local d'urbanisme, par l'instauration d'un contrat de mixité sociale favorisant des secteurs dédiés pour la construction de logements sociaux, ou encore par le changement d'affectation de surfaces de bureaux en surfaces de logements. Il est également constant qu'aucune opération majeure d'aménagement n'est prévue sur le territoire de la commune, et que si la convention conclue le 25 juin 2019 avec l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) doit permettre la poursuite d'une opération de requalification urbaine en cours et d'en entamer une nouvelle sur un autre secteur, afin de construire une " soixantaine de logements sociaux ", cette même convention ne prévoit aucun secteur en veille foncière, alors que les trois secteurs en maîtrise foncière actuellement en cours sont d'envergure modeste. Il résulte encore de l'instruction et il n'est pas contesté par la commune que cette dernière a cédé en 2019 un patrimoine immobilier conséquent, composé de 34 appartements, 1 pavillon et 14 immeubles contenant au total 111 appartements, sans avoir cherché à mobiliser ce patrimoine en vue de réaliser des logements sociaux. De même, les difficultés alléguées par la commune, relatives à l'opération précitée de réalisation de 60 logements sociaux depuis quinze ans, ne sont pas de nature à expliquer le large déficit de 490 réalisations, soit plus de 90% des objectifs fixés au titre de la période triennale 2017-2019. De même, le déféré préfectoral formé à l'encontre du transfert par l'office public de l'habitat de Levallois de l'ensemble de ses actifs et de ses passifs à la SEM Levallois-Habitat n'apparaît pas de nature à expliquer le déficit de réalisation, alors qu'il n'est pas allégué que d'autres bailleurs sociaux n'auraient pas été en mesure de porter les projets conduits par la commune.
22. Par suite, eu égard au taux de réalisation des objectifs fixés et à la portée des difficultés alléguées, le constat de carence dressé par le préfet des Hauts-de-Seine n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation.
23. En second lieu, eu égard aux éléments énoncés aux points 18 à 21 du présent arrêt, il ne résulte pas de l'instruction que le taux de majoration de 150% présenterait un caractère disproportionné au regard des taux précités de réalisation des objectifs tant quantitatifs que qualitatifs fixés pour la période en cause.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Levallois-Perret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Levallois-Perret au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Levallois-Perret est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Levallois-Perret et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Aventino, première conseillère,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.
Le rapporteur,
H. COZICLa présidente,
G. MORNET
La greffière,
S. DE SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE01017