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07/02/2025 | FRANCE | N°23VE02063

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 07 février 2025, 23VE02063


Vu les autres pièces du dossier.



La clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2024.



Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- le code de la recherche,

- le décret n° 82-993 du 24 novembre 1982,

- le règlement intérieur du conseil d'administration du CNRS,

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jo

ur de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mornet,

- les conclusio...

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2024.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- le code de la recherche,

- le décret n° 82-993 du 24 novembre 1982,

- le règlement intérieur du conseil d'administration du CNRS,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mornet,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- les observations de Mme B..., représentant le syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique,

- les observations de Me Michelin, représentant le CNRS,

- et les observations de Me de Champeaux, représentant les sociétés Vinci Immobilier Île-de-France et Kaufman et Broad.

Considérant ce qui suit :

1. Le CNRS, qui dispose d'une implantation historique à Meudon, connue sous le nom de " campus de Meudon-Bellevue ", a lancé un programme de restructuration de certains bâtiments vétustes de ce site, dont une première phase s'est déroulée en 2012. L'établissement a ensuite souhaité lancer une seconde phase de restructuration. Dans ce cadre, il a d'abord conclu, le 30 août 2013, un marché public de conception-réalisation avec un groupement d'entreprises, portant à la fois sur la réalisation de bureaux destinés au CNRS et sur la construction d'un ensemble résidentiel, et prévoyant la cession de parcelles aux sociétés Vinci Immobilier et Kaufman et Broad. Les procédures contentieuses engagées contre le permis de construire, accordé le 19 août 2015, ont toutefois retardé la mise en œuvre du projet, en ce qu'elles n'ont pas permis la levée d'une condition suspensive de la promesse de vente. Par ailleurs, il est ensuite apparu que l'une des parcelles concernées par le projet, cadastrée AH 307, affectée depuis 1920 au service public de la recherche géré par le CNRS, n'appartenait pas à cet établissement mais à l'État, qui l'avait acquise le 31 décembre 2019 auprès de la danseuse Isadora Duncan. Ces circonstances ont conduit à une modification des conditions de réalisation du projet, les besoins du CNRS ayant eux-mêmes évolué du fait de la disponibilité de bureaux situés à Saclay. Après prorogation du permis de construire, devenu définitif, jusqu'au 14 avril 2023, il a ainsi été décidé de ne pas réaliser les bureaux prévus pour le CNRS et de vendre les parcelles destinées à la construction de logements aux sociétés Vinci Immobilier et Kaufman et Broad, cette dernière opération impliquant la cession préalable au CNRS de la parcelle appartenant à l'État. À l'issue d'échanges avec ces sociétés, de consultations du service des Domaines et après accord de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le conseil d'administration du CNRS a, par une délibération du 10 février 2023, approuvé la désaffectation aux activités de recherche des parcelles AH 309, 310, 307 et 166, approuvé le déclassement par anticipation des parcelles AH 309, 310 et 166, approuvé l'acquisition par le CNRS, auprès de l'État, de la parcelle AH 307, pour la somme de 7 535 000 euros, approuvé la vente par le CNRS aux sociétés Vinci Immobilier et Kaufman et Broad des parcelles AH 307, 309, 310 et 166, pour la somme de 38 780 000 euros, et autorisé le président du CNRS à signer l'acte de vente. Par une décision du même jour, le président du CNRS a désaffecté des activités de recherches les parcelles AH 309, 310, 307 et 166 et a déclassé du domaine public, par anticipation, les parcelles AH 309, 310 et 166. Les requérants relèvent appel du jugement du 29 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 10 février 2023 en tant qu'elle autorise le président du CNRS à désaffecter et à déclasser de manière anticipée des parcelles, a annulé la décision du 10 février 2023 du président du CNRS en ce qu'elle procède à la désaffectation de la parcelle AH 307 et a rejeté le surplus des conclusions des demandes. Par la voie de l'appel incident, le CNRS demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de première instance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges n'étaient pas tenus, pour admettre la recevabilité des conclusions à fin d'annulation qu'ils ont présentées, d'examiner explicitement la qualité et l'intérêt à agir de l'ensemble des demandeurs, dès lors que leur demande était collective et que, de ce fait, la recevabilité d'un seul d'entre eux permettait de considérer que lesdites conclusions à fin d'annulation étaient recevables. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'irrégularité à ce titre.

Sur la légalité de la délibération du conseil d'administration du CNRS du 10 février 2023 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 321-2 du code de la recherche : " Les établissements à caractère scientifique et technologique sont administrés par un conseil d'administration (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 du décret du 24 novembre 1982 portant organisation et fonctionnement du CNRS, alors en vigueur : " Le Centre national de la recherche scientifique est administré par un conseil d'administration présidé par le président du centre. / Le président du centre assure la direction générale de l'établissement. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Le conseil d'administration analyse et fixe, après avis du conseil scientifique, les grandes orientations de la politique du centre en relation avec les besoins culturels, économiques et sociaux de l'ensemble de la nation. Il définit les principes qui régissent ses relations avec les partenaires socio-économiques ainsi qu'avec les universités et les organismes nationaux, étrangers ou internationaux intervenant dans ses domaines d'activité. / Il délibère sur : / 1° Les mesures générales relatives à l'organisation et au fonctionnement du centre, notamment la création d'instituts, de directions ou services et la mise en place de programmes interdisciplinaires ; / (...) / 8° Les acquisitions, aliénations, échanges d'immeubles ; (...) En ce qui concerne les matières énumérées aux 8°, 9°, 10°, 11°, 12° et 14°, il peut déléguer une partie de ses pouvoirs au président. / Celui-ci rend compte, au moins une fois par an, des décisions qu'il a prises en vertu de cette délégation. (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées, notamment de l'article L. 321-2 du code de la recherche et de l'article 3 du décret du 24 novembre 1982, que le conseil d'administration du CNRS, s'il peut déléguer une partie de ses pouvoirs à son président, dispose d'une compétence de principe pour l'administration de l'établissement. Par suite, et alors au demeurant que la désaffectation de parcelles du service public peut n'être que constatée sans nécessairement faire l'objet d'une décision, il était compétent pour prendre l'ensemble des décisions contenues dans sa délibération du 10 février 2023, notamment celle approuvant la désaffectation aux activités de recherche des parcelles AH 309, 310, 307 et 166 et approuvant le déclassement par anticipation des parcelles AH 309, 310 et 166.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2.1 du règlement intérieur du conseil d'administration du CNRS : " Le conseil d'administration se réunit au moins trois fois par an sur convocation du président (article 7 du décret du 24 novembre 1982). Cette convocation doit être adressée aux membres du conseil au moins quinze jours à l'avance, sauf urgence. Elle indique l'ordre du jour et est accompagnée des documents nécessaires aux délibérations. Ces documents peuvent, à titre exceptionnel, faire l'objet d'un envoi séparé, qui intervient dans toute la mesure du possible au moins une semaine avant la tenue du conseil. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que les membres du conseil d'administration du CNRS ont reçu, le 27 janvier 2023, l'ensemble des documents nécessaires à l'adoption de la délibération litigieuse du 10 février 2023, notamment une note de présentation générale de l'opération envisagée et ses annexes, une note de présentation sur la désaffectation et le déclassement du domaine public du CNRS d'une partie du site de Meudon, un projet de décision de déclassement, un projet de délibération de déclassement, une note de présentation sur l'acquisition de la parcelle appartenant à l'État, un projet de délibération sur l'achat de la parcelle de l'État, un projet d'acte de vente à conclure avec l'État, fixant le prix de vente de cette parcelle à 7 535 000 euros, une note de présentation de l'acte de vente aux sociétés Vinci Immobilier et Kaufman et Broad, et un projet d'acte de vente à ces derniers, fixant le prix à 38 780 000 euros, un coût d'un million d'euros restant à supporter par le CNRS pour le dévoiement d'un collecteur d'assainissement existant. Ces documents, transmis en temps utile, ont permis l'information complète des membres du conseil d'administration. Si des éléments complémentaires ont été adressés à ces derniers la veille de la séance, en fin de journée, ils ne portaient pas sur l'ensemble des décisions à adopter mais sur le seul projet de cession aux sociétés susmentionnées, s'agissant d'une version légèrement modifiée du projet d'acte de vente en ce qui concernait les modalités de versement du prix par les acquéreurs, soit un paiement comptant de la totalité du prix le jour de la signature de l'acte de vente au lieu d'un paiement fractionné. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la délibération du 10 février 2023 a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent de leur domaine public, peuvent être cédés à l'amiable, sans déclassement préalable, entre ces personnes publiques, lorsqu'ils sont destinés à l'exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public. ". Aux termes de l'article R. 3211-2 de ce code : " L'aliénation d'un immeuble du domaine privé de l'Etat est consentie avec publicité et mise en concurrence, soit par adjudication publique, soit à l'amiable. / Ces procédures ne sont pas applicables aux cessions d'immeubles mentionnées à l'article R. 3211-7. (...) ". Aux termes de l'article R. 3211-7 dudit code : " La cession d'un immeuble peut être faite à l'amiable sans appel à la concurrence : / (...) / 6° Lorsque l'immeuble fait l'objet d'une convention d'utilisation mentionnée à l'article R. 2313-1 ou est confié en gestion à un établissement public à caractère industriel et commercial qui souhaite l'acquérir. / Dans les cas prévus aux 2°, 3°, 4°, 5° et 6°, la cession est consentie selon les modalités prévues à l'article R. 3211-6. ". Aux termes de l'article R. 3211-6 du même code : " La cession est consentie par le préfet, au prix convenu entre les parties et selon les modalités financières fixées par le directeur départemental des finances publiques. / Lorsque la valeur vénale de l'immeuble excède un montant fixé par arrêté du ministre chargé du domaine, la cession est autorisée par le ministre chargé du domaine. ". Enfin, aux termes de l'article R. 2313-1 de ce code : " Les immeubles qui appartiennent à l'Etat sont mis à la disposition des services civils ou militaires de l'Etat et de ses établissements publics afin de leur permettre d'assurer le fonctionnement du service public dont ils sont chargés, dans les conditions prévues par une convention dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé du domaine. ".

8. Les requérants soutiennent que la vente de la parcelle AH 307, appartenant à l'État, au CNRS, ne pouvait intervenir qu'après la mise en œuvre de mesures de publicité et de mise en concurrence, en application des dispositions précitées de l'article R. 3211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le CNRS était, depuis 1920, affectataire de la parcelle en cause, acquise par l'État le 31 décembre 1919, pour y permettre le fonctionnement du service public de recherche dont était chargé l'établissement. Si cette utilisation révélait l'existence, depuis plusieurs dizaines d'années, d'une convention tacite d'occupation, elle a en tout état de cause été régularisée de façon formelle par la conclusion d'une convention entre le CNRS et l'État, au sens des dispositions de l'article R. 2313-1 du code précité, le 1er mars 2023, avant l'intervention de la vente. Dans ces conditions, la cession de cette parcelle au CNRS entrait dans le champ de la dérogation prévue au 6° de l'article R. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la délibération litigieuse serait entachée d'un détournement de procédure en vue d'éviter une cession précédée de mesures de publicité et de mise en concurrence. Enfin, ils ne peuvent utilement invoquer les dispositions précitées de l'article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui ne prévoient explicitement pas de déclassement avant cession, entre personnes publiques, d'un bien relevant du domaine public, dès lors que le déclassement du domaine public de la parcelle AH 307, condition de l'acte de vente approuvé par la délibération litigieuse, est intervenu par un arrêté de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 17 février 2023, publié au Journal officiel de la République française le 1er mars 2023 ; par suite, la parcelle AH 307, dont la vente est intervenue postérieurement à ce déclassement, relevait, au moment de sa cession au CNRS, du domaine privé de l'État, et celle-ci était soumise aux dispositions combinées des articles R. 3211-2, R. 3211-6 et R. 3211-7 6° du code précité.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'implantation du CNRS sur le site de Meudon ne correspondant plus à ses besoins, l'établissement a décidé, afin de valoriser le patrimoine ayant vocation à être désaffecté, de le céder aux sociétés Vinci Immobilier et Kaufman et Broad, en vue de la construction d'un ensemble résidentiel autorisée par un permis de construire délivré le 19 août 2015, dont la validité a été prorogée jusqu'au 14 avril 2023. Dans le cadre de cette opération, l'acquisition auprès de l'État de la parcelle AH 307, enclavée au sein du terrain dont les autres parcelles appartenaient au CNRS, permettait, comme l'ont relevé les premiers juges, d'éviter le morcellement de la propriété foncière du site, et la réalisation d'une opération initialement envisagée comme devant permettre la réhabilitation des bureaux de l'établissement public, en échange de la cession de parcelles destinées à l'édification de logements. Si les requérants font valoir que le projet approuvé par la délibération litigieuse méconnaît l'intérêt du service public de la recherche et porte atteinte à la continuité de ce service public, notamment à la poursuite des travaux de recherche, il ressort des pièces du dossier que les activités du CNRS devaient être poursuivies sur le site de Saclay, où des bureaux étaient disponibles. Par ailleurs, ils ne sont pas fondés à soutenir que le CNRS, en faisant l'acquisition de la parcelle AH 307, risquait d'être lésé, dès lors que la fixation du prix de cette parcelle était liée au prix de vente de l'ensemble des parcelles aux sociétés Vinci Immobilier et Kaufman et Broad, comme le précise la dernière estimation réalisée par le service des Domaines du 26 janvier 2023.

10. En dernier lieu, les requérants estiment qu'en approuvant, par la délibération litigieuse du 10 février 2023, la vente aux sociétés Vinci Immobilier et Kaufman et Broad des parcelles AH 307, 309, 310 et 166, pour la somme de 38 780 000 euros, le conseil d'administration du CNRS a consenti à une cession de biens pour un montant inférieur à la valeur vénale de ces biens, ce qui constitue une libéralité irrégulière, devant être regardée comme une aide d'État accordée aux promoteurs en méconnaissance des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il ressort cependant des pièces du dossier que plusieurs échanges préalables avec le service des Domaines de l'État ont eu lieu avant la fixation définitive du prix, en dernier lieu le 26 janvier 2023, la ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur ayant donné son accord pour la vente le 25 janvier 2023. Si le prix total a pu être initialement évalué à la somme de 46 700 000 euros, proposée en 2020 par les futurs acquéreurs, il a ensuite été tenu compte, au printemps puis à l'été 2022, de l'évolution de la conjoncture économique mondiale et de celle du marché immobilier, ainsi que de l'augmentation des coûts de la construction. Dans ce cadre, les requérants ne démontrent pas que le prix finalement retenu de 38 780 000 euros, supérieur, d'une part, à l'estimation du service des Domaines fixée à 31 7000 000 euros par application de la méthode dite du " compte à rebours ", tenant compte du montant maximal pouvant être affecté à l'acquisition du foncier par les promoteurs dans l'opération de construction, et sans application de la décote rendue possible, du fait de la réalisation de logements sociaux, par les dispositions de l'article R. 3211-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ainsi, d'autre part, qu'à l'estimation d'un expert privé indépendant sollicité par la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine, fixée à 30 250 000 euros, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, ce prix ne saurait être regardé comme constituant une libéralité irrégulière ou une aide d'État au sens des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Pour les mêmes motifs, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la délibération litigieuse porte atteinte au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques.

Sur la légalité de la décision du président du CNRS du 10 février 2023 :

11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le CNRS, s'il n'était pas, à la date de signature de la décision attaquée, propriétaire de la parcelle AH 307 acquise par l'État le 31 décembre 1919, était depuis le début des années 1920 affectataire de cette parcelle, pour les besoins du service public de recherche dont il est chargé. Il pouvait dès lors compétemment décider de la désaffectation aux besoins de la recherche de cette parcelle, en vue de redéployer à Saclay ses services qui y étaient jusqu'alors implantées. Il est par ailleurs constant que la décision du 10 février 2023 du président du CNRS ne porte pas déclassement par anticipation de cette parcelle AH 307, prérogative du propriétaire, d'ailleurs mise en œuvre par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche par un arrêté du 17 février 2023, mais seulement désaffectation de ladite parcelle. Par suite, le CNRS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que le président du CNRS n'était pas compétent pour procéder à la désaffectation de la parcelle AH 307.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Par dérogation à l'article L. 2141-1, le déclassement d'un immeuble appartenant au domaine public artificiel des personnes publiques et affecté à un service public ou à l'usage direct du public peut être prononcé dès que sa désaffectation a été décidée alors même que les nécessités du service public ou de l'usage direct du public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l'acte de déclassement. Ce délai ne peut excéder trois ans. Toutefois, lorsque la désaffectation dépend de la réalisation d'une opération de construction, restauration ou réaménagement, cette durée est fixée ou peut être prolongée par l'autorité administrative compétente en fonction des caractéristiques de l'opération, dans une limite de six ans à compter de l'acte de déclassement. En cas de vente de cet immeuble, l'acte de vente stipule que celle-ci sera résolue de plein droit si la désaffectation n'est pas intervenue dans ce délai. L'acte de vente comporte également des clauses relatives aux conditions de libération de l'immeuble par le service public ou de reconstitution des espaces affectés à l'usage direct du public, afin de garantir la continuité des services publics ou l'exercice des libertés dont le domaine est le siège. / Toute cession intervenant dans les conditions prévues au présent article donne lieu, sur la base d'une étude d'impact pluriannuelle tenant compte de l'aléa, à une délibération motivée de l'organe délibérant de la collectivité territoriale, du groupement de collectivités territoriales ou de l'établissement public local auquel appartient l'immeuble cédé. / Pour les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, l'acte de vente doit, à peine de nullité, comporter une clause organisant les conséquences de la résolution de la vente. Les montants des pénalités inscrites dans la clause résolutoire de l'acte de vente doivent faire l'objet d'une provision selon les modalités définies par le code général des collectivités territoriales. ".

13. Les requérants soutiennent que la décision du président du CNRS portant désaffectation et déclassement par anticipation méconnaît le principe de continuité du service public dès lors que le délai de libération des lieux, qui aurait pu être porté à trois ans en application des dispositions précités, est insuffisant, et que la décision ne contient pas de clauses relatives aux conditions de libération des lieux par le service public, ni de garantie au sens desdites dispositions, qui doivent être regardées comme s'appliquant également aux établissements publics de l'État. Toutefois, la décision en litige n'a pas pour effet d'entraîner la cessation des activités de service public assurées par le CNRS, mais seulement de les déployer sur un autre site, alors qu'en tout état de cause il n'est pas démontré que le délai de libération des bâtiments situés à Meudon aurait été insuffisant, s'agissant d'un départ envisagé depuis plusieurs années. Par ailleurs, il est constant que la désaffectation litigieuse ne dépend pas de la réalisation d'une opération de construction, restauration ou réaménagement, au sens des dispositions citées au point qui précède, dès lors que les activités du CNRS ne quittent pas le site de Meudon pour des bâtiments qui seraient à construire, mais sont redéployées à Saclay, au sein de locaux déjà disponibles. Enfin, il résulte explicitement des dispositions de l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques que ses deux derniers alinéas ne sont applicables qu'aux collectivités locales, groupements de collectivités locales et à leurs établissements publics, ce que n'est pas le CNRS. Les appelants ne sauraient dès lors utilement invoquer lesdites dispositions en l'espèce.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le CNRS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 10 février 2023 en tant qu'elle autorise le président du CNRS à désaffecter et à déclasser de manière anticipée des parcelles, et a annulé la décision du 10 février 2023 du président du CNRS en tant qu'elle procède à la désaffectation de la parcelle AH 307. Ce jugement doit donc être annulé dans cette mesure. Il résulte également de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par les sociétés Vinci Immobilier Île-de-France et Kaufman et Broad Développement, que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CNRS, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme aux appelants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers le versement de la somme de 2 000 aux sociétés Vinci Immobilier Île-de-France et Kaufman et Broad Développement sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement n° 2302776, 2303658 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont annulés.

Article 2 : Les demandes de première instance présentées par M. D..., Mme G..., Mme E..., le SNTRS-CGT et le SNCS-FSU et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. D..., Mme G..., Mme E..., le SNTRS-CGT et le SNCS-FSU verseront la somme globale de 2 000 euros aux sociétés Vinci Immobilier Île-de-France et Kaufman et Broad Développement en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme A... G..., à Mme F... E..., au syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS-CGT), au syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS-FSU), au Centre national de la recherche scientifique, à la société Vinci Immobilier Île-de-France, à la société Kaufman et Broad Développement et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Aventino, première conseillère,

- M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.

La présidente rapporteure,

G. MornetL'assesseure la plus ancienne,

B. Aventino

La greffière,

S. de Sousa

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE02063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02063
Date de la décision : 07/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MORNET
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SCP LACOURTE RAQUIN TATAR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-07;23ve02063 ?
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