Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative et de condamner la commune de Viry-Châtillon à lui verser la somme de 15 000 euros, à parfaire, en réparation du préjudice matériel et moral subi en raison de son absence de reclassement.
Par un jugement n° 2006124 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et mis à la charge de Mme B... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Gauthier, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;
3°) de condamner la commune de Viry-Châtillon à l'indemniser des préjudices subis en raison de son absence de reclassement.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'action n'est pas prescrite ;
- la demande d'expertise est justifiée dès lors que la commune de Viry-Châtillon a refusé d'aménager son poste de travail au regard de son handicap et que les douleurs ressenties à ce jour constituent une aggravation des séquelles de l'accident de service dont l'exposante a été victime.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, la commune de Viry-Châtillon, représentée par Me Lubac, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations Me Blanquinque pour la commune de Viry-Châtillon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 27 février 1952, ancien agent polyvalent de restauration et d'entretien de la commune de Viry-Châtillon, fait appel du jugement du 10 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Viry-Châtillon à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son absence de reclassement par la commune à la suite des avis médicaux en ce sens et à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale avant-dire droit.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, Mme B... soutient qu'en refusant de désigner un expert judiciaire tout en estimant qu'elle ne justifiait pas du lien de causalité entre les accidents de service dont elle a été victime et l'aggravation de son état de santé, les juges de première instance ont insuffisamment motivé leur décision. Toutefois, le juge administratif ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsqu'elle est formulée à l'appui de prétentions qui se heurtent à la prescription. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que, pour rejeter la demande de Mme B..., le tribunal administratif a considéré que les créances dont l'intéressée s'était prévalue pour la première fois le 11 juin 2020 étaient prescrites au motif, d'une part, que le délai de prescription quadriennale avait commencé à courir le 1er janvier 2015 et n'avait pas été interrompu par les recours juridictionnels engagés par Mme B..., d'autre part, que la requérante ne produisait aucun élément permettant d'établir une aggravation de son état de santé directement liée aux accidents de service dont elle avait été précédemment victime. Par ces motifs, les juges de première instance, qui ont implicitement mais nécessairement estimé que l'expertise sollicitée était frustratoire, ont suffisamment précisé les causes du rejet des conclusions de la demande de Mme B.... Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
3. D'autre part, si la requérante soutient que le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant l'exception de prescription, ce moyen est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué et ne peut qu'en affecter le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit (...) des communes, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...), tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".
5. S'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime.
6. La consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir. Si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation. Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée consolidée.
7. En l'espèce, il est constant que la requérante a été admise à la retraite d'office à compter du 1er février 2014 avec un taux d'invalidité initialement fixé à 25,60%. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les infirmités entraînées par les différents accidents de service et les rechutes, constitutifs de faits générateurs au sens de la loi précitée, dont elle a été victime, ont toutes été considérées comme consolidées au plus tard le 23 juillet 2014, comme l'indique l'expertise du médecin rhumatologue du 28 août 2015. Dès lors, le point de départ du délai de la prescription quadriennale a couru à compter du 1er janvier 2015, sans que son cours n'ait été interrompu par les recours juridictionnels que Mme B... a exercés, étrangers au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance dont elle se prévaut dans la présente instance. Si la requérante fait valoir par ailleurs qu'elle souffre encore de l'épaule droite et des lombaires et soutient que son état s'est aggravé, les quelques pièces médicales produites datées de 2020 et 2021 indiquant que Mme B... a subi des infiltrations et que ses douleurs au dos nécessitent une intervention chirurgicale dès lors que le traitement médical ne parvient pas à apaiser ses lombalgies, sont insuffisamment circonstanciées pour laisser sérieusement présumer que l'état de santé de Mme B..., souffrant depuis ses accidents de service de lombalgies chronicisées pour lesquelles la nécessité de soins post-consolidation à durée indéterminée, notamment par infiltrations, avait été relevée par l'expertise du 28 août 2015, se serait aggravé et que cette aggravation serait directement liée aux accidents de service dont elle a été victime plus de dix ans auparavant, la requérante souffrant par ailleurs d'une scoliose et d'arthrose. Dans ces circonstances, les créances dont se prévaut Mme B... étaient prescrites au 11 juin 2020, date à laquelle elle a présenté son recours indemnitaire et il n'y a pas lieu d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante la somme que la commune de Viry-Châtillon demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Viry-Châtillon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Viry-Châtillon.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
La rapporteure,
J. FLORENTLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRELa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE00020